La question de la pilosité peut parfois gêner au sein du couple (Photo d'illustration) 5:00
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Catherine Blanc
Dans l'émission "Sans rendez-vous" sur Europe 1, Catherine Blanc répond à un auditeur qui constate une baisse de son attirance pour sa compagne depuis qu'elle se laisse pousser les poils des jambes dans le cadre son engagement féministe. Pour la sexologue, cela renvoie à la "lecture culturelle" que nous avons de la pilosité.

Si elle est un choix personnel, la pilosité peut parfois gêner au sein d'un couple. Dans l’émission Sans rendez-vous sur Europe 1, la sexologue et psychiatre Catherine Blanc répond à la question d'un auditeur qui ne sait pas comment faire pour préserver sa libido alors qu'il est dérangé par la pilosité des jambes de sa compagne.

La question de Fabien

"Voilà un an que ma copine s'est laissé pousser ses poils de jambes au nom du féminisme. Elle ne m'a jamais vraiment demandé mon avis. Sur le principe je n'ai rien contre, mais cela à tendance à diminuer mon désir sexuel envers elle. Que dois-je faire ?"

La réponse de Catherine Blanc

"La pilosité est une histoire de mode. Il fut un temps où la question ne se posait évidemment pas et heureusement pour madame de Cro-Magnon. Il y a bien sûr la culture de l'épilation de longue date notamment avec le sucre ou le miel qui s’est faite. Il y a même eu, d'ailleurs, des périodes où on dégarnissait les fronts au nom de l'intelligence. Donc il y a toujours eu des modes qui ont traité le cheveu et le poil au nom d'une certaine différenciation. Il y a toujours des idées politiques derrière, des revendications de genre aussi. Finalement, on a scindé l'idée du poil, expression de la virilité pour les hommes d'un côté, de l'absence de poil, expression de féminité, quand bien même les femmes ont des poils.

Le poil ne serait donc pas considéré comme féminin aujourd'hui ?

C'est une lecture culturelle, ce n'est pas du tout un truc horrible. C'est simplement que culturellement nous n'avons pas le regard accueillant du poil chez la femme. D'où, dans le féminisme, certaines qui vont revendiquer de le garder pour justement ne pas être coincées dans un devoir de satisfaire le plaisir masculin, ou de se 'genrer' de façon trop manifeste, avec l'idée qu'il y a un traitement douloureux pour se faire épiler.

Est-ce vraiment une histoire de luttes ?

Ce sont des débats qui sont politiques. Chacune trouvera dans son expression féminine le plaisir d'être femme ou le devoir de revendiquer de l'être. Souvent dans cette revendication, il y a une notion d'équité qui se fait dans une masculinisation. Est-ce que c'est vraiment intéressant ? Chacun fait ce qu'il veut bien évidemment. Je crois que qui que l'on soit et quelle que soit notre position, il est toujours intéressant de la questionner pour nous-même, pour savoir vraiment à quoi on joue.

Qu'elle ne lui ait pas demandé son avis, on peut le concevoir. Son corps, c'est son corps. Surtout si elle revendique un féminisme, elle ne va pas demander la permission, effectivement. Ça se conçoit. On peut la comprendre. Après, que cela inhibe [la] libido [de Fabien], on peut aussi le concevoir. Parce que justement, dans notre lecture que nous avons du féminin et du masculin, on peut y entendre quelque chose de masculin et peut-être a-t-il le sentiment à ce moment-là qu'il voit des jambes d'hommes dans son lit et que ça inhibe du coup son hétérosexualité et que ça angoisse d'avoir quelque chose qui s'apparenterait d'une manière ou d'une autre à une fantasmatique homosexuelle. Ça ne veut pas dire qu'elle est masculine, mais dans sa lecture, il peut avoir le fantasme qu'il y a quelque chose de masculin qui s'invite dans son lit, ce qui inhibe sa libido.

Pourquoi accepte-t-on plus les poils au niveau du pubis que ceux au niveau des jambes ?

Peut-être parce qu'il n'y a pas, de très longue date, de poils sur les jambes des femmes. Alors que le pubis, de toute façon, il y a une idée de toison. Le sexe féminin n'étant pas visible comme le serait un pénis, la toison participe de fait d'une mise en scène d'un voile pudique posé sur un pubis, des lèvres... Mais, encore une fois, notre époque moderne a complètement enlevé les poils du sexe féminin. Ce sont des modes qui ont plus ou moins de temps long dans l'Histoire ; des esprits ou des regards que nous avons posés, qui ont fait loi finalement. Encore une fois, posons-nous la question de la légitimité de tout cela.

Que doit faire Fabien ?

Il doit lui dire que pour lui c'est un peu dérangeant, qu'il préfère sans. Sans pour autant nier qu'elle est pleinement féminine, qu'elle n'est soumise à rien et que peut-être elle pourrait trouver quelque chose d'autre. Est-ce que c'est vraiment au nom du féminisme ou c'est par désinvestissement de son corps, ce qui mènerait à une 'désérotisation' de la relation ?