Ces questions que pose la vaccination obligatoire

Jusque fin 2017, la loi punissait les parents qui refusaient de faire vacciner leurs enfants.
Jusque fin 2017, la loi punissait les parents qui refusaient de faire vacciner leurs enfants. © FRED TANNEAU / AFP
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Romain David
La rougeole est en pleine recrudescence en Europe et en France, alors même que depuis janvier les parents doivent soumettre leurs enfants à huit vaccinations supplémentaires obligatoires, y compris contre cette infection.
ON DÉCRYPTE

Son retour en force donne des sueurs froides aux autorités sanitaires. La rougeole connaît une recrudescence inquiétante en Europe, et l'Hexagone n'est pas épargné, alerte l'OMS. Quelque 41.000 personnes auraient ainsi été contaminées par ce virus sur le continent ces six derniers mois, dont plus de 1.000 cas en France. Et sur les 37 victimes qui ont succombé à ce virus depuis janvier, trois vivaient France. Europe 1 décrypte la polémique sur la vaccination obligatoire, alors que Wendy Bouchard consacre son émission au sujet, mardi, à partir de 9h

Pourquoi l'épidémie de rougeole est-elle liée à une mauvaise couverture vaccinale ?

En France, 89% des cas de rougeole signalés depuis novembre 2017 sont survenus chez des sujets non ou mal vaccinés. Santé publique France rappelle que seuls 79% des nouveau-nés reçoivent les deux doses de vaccin nécessaires pour une protection optimale - le vaccin n'était pas infaillible à 100% -, alors qu'il faudrait une couverture vaccinale à hauteur de 95% pour envisager une éradication de cette maladie infectieuse, réputée comme la plus contagieuse existante. En effet, un seul malade peut contaminer quinze à vingt autres personnes.

Toutefois, il est probable que ce type d'épidémie devienne de plus en plus rare dans les décennies à venir en France, dans la mesure où le vaccin contre la rougeole fait désormais partie des huit nouvelles injections devenues obligatoires au 1er janvier 2018.

Quels sont les vaccins obligatoires en France ?

Jusqu'au 31 décembre 2017, seuls trois vaccins infantiles étaient obligatoires en France : ceux contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP). Huit autres étaient alors seulement recommandés : contre la coqueluche,  la rougeole, les oreillons, la rubéole, l'hépatite B, la bactérie Haemophilus influenzae, le pneumocoque et le méningocoque C. Dès son discours de politique générale, en juillet 2017, Edouard Philippe avait confirmé l'intention du gouvernement de les rendre obligatoires. "Des maladies que l'on croyait éradiquées se développent à nouveau sur notre territoire, des enfants meurent de la rougeole aujourd'hui en France... Dans la patrie de Pasteur, ce n'est pas admissible", arguait alors le Premier ministre. Les chiffres des derniers mois sont venus apporter une triste illustration à sa démonstration.

 

Depuis le 1er janvier, ce sont donc au total onze vaccinations obligatoires que reçoivent les nouveau-nés. La plupart de ces vaccins sont désormais combinés dans des formules plurivalentes, qui évitent de multiplier les injections. Le vaccin hexavalent, par exemple, combine six protections : contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, la poliomyélite, l'hépatite B et les infections à Haemophilus influenzae. Précisons également que pour les ressortissants guyanais installés depuis plus d'un an dans ce département, le vaccin contre la fièvre jaune est obligatoire.

>> Les onze vaccins obligatoires : 

  • diphtérie, tétanos et poliomyélite (DTP)
  • coqueluche
  • infections invasives à Haemophilus influenzae de type b
  • hépatite B
  • infections invasives à pneumocoque
  • méningocoque de sérogroupe C
  • rougeole, oreillons et rubéole

Pourquoi cette obligation a-t-elle fait polémique ?

Les arguments des anti-vaccins sont divers. Certains estiment que la vaccination empêche le corps de développer une immunité naturelle face à certaines infections, comme dans le cas de la rougeole, contractée par l'ensemble de la population avant les grandes campagnes de vaccination des années 1980, mais avec toutefois un taux de mortalité de 1 sur 1.000. Le choc subi par le système immunitaire des nouveau-nés a également été invoqué, même si le calendrier vaccinal est là pour échelonner les injections. À ce jour, aucune étude scientifique n'a d'ailleurs établi de corrélation entre le phénomène de mort subite du nourrisson, qui survient entre 3 mois et 1 an, et une injection vaccinale.

Mais ce sont surtout les adjuvants utilisés dans les vaccins - dans la majorité des cas des sels d'aluminium -, et leurs prétendus nocivités sur l'organisme, qui sont pointés du doigt. Les vaccins intègrent en effet à leur formulation une substance qui va permettre à l'organisme de réagir face à l'agent pathogène, qui lui est généralement présent en trop faible quantité, ou bien rendu complètement inactif, pour pouvoir être nocif. En clair, c'est l'adjuvant qui permet à la mémoire immunitaire d'enregistrer la menace, et donc d'apporter une réponse appropriée lorsque le corps devra faire de nouveau face aux antigènes concernés.

"Les sels d’aluminium figurent parmi les adjuvants les plus utilisés dans le monde avec un recul d’utilisation de 90 ans et des centaines de millions de doses injectées", fait valoir Santé public France. Dans la mesure où des particules de cet aluminium peuvent rester pendant des années dans le corps, le professeur Romain Gherardi de l'hôpital Paris-Mondor prétend avoir établi un lien de cause à effet avec le syndrome de fatigue chronique. Ses conclusions ont soulevé à la fin des années 1990 un tollé dans la communauté scientifique et continuent toujours de faire débat. Un rapport rendu en 2013 par le Haut Conseil de santé publique estimait que l'état actuel des recherches ne "permett[aient] pas de "remettre en cause la sécurité des vaccins contenant de l'aluminium, au regard de leur balance bénéfices/risques".

Que risquent les parents récalcitrants ?

Jusque fin 2017, la loi punissait les parents s'étant dérobés à l'obligation de faire vacciner leurs enfants. La peine prévue par l'article L3116-4 pouvait aller jusqu'à six mois de prison et une amende de 3.750 euros. "L'objectif n'est pas d'avoir des amendes mais de faire de la pédagogie", avait toutefois voulu nuancer Agnès Buzyn en juillet 2017 sur RTL. La ministre de la Santé avait également indiqué plancher sur une "clause d'exemption" face aux familles complètement récalcitrantes. Si cette dernière n'a pas vu le jour, l'infraction a été supprimé du Code pénal et l'article L3116-6 abrogé.

Quels risques y a-t-il à vivre sans vaccination ?

Les onze infections concernées par la vaccination obligatoire sont toutes potentiellement mortelles. Dans le cas de l'hépatite B, le risque de décès est accru de 70% par rapport à une personne saine, souligne l'Inserm. En France, 280.000 personnes souffrent de la maladie, selon les chiffres de la Haute autorité de santé.

Ces différentes infections présentent également un fort risque de complications, dont certaines peuvent apparaître plusieurs années après la phase infectieuse. Pour reprendre l'exemple cité plus haut de la rougeole : 30% des cas se soldent par une aggravation, généralement d'ordre respiratoire, mais qui peut également être neurologique, avec comme séquelle une altération des capacités mentales, de l'épilepsie ou bien une paralysie.