Ils rêvent de greffer une tête sur un corps humain

Singe
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G.S. , modifié à
L'Italien Sergio Canavero et le Chinois XiaoPing Ren assurent avoir greffé la tête d'un singe sur le corps d'un autre. 

"C’est une vraie victoire pour l'humanité", s'enthousiasme Sergio Canavero, professeur de l'université de Turin, cité par le magazine Sciences et avenir et la sérieuse revue Newscientist. Le professeur italien y assure avoir réussi, avec son équipe et celle de son homologue chinois XiaoPing Ren… à greffer la tête d'un singe sur le corps d'un autre singe. Le singe aurait été "maintenu en vie" pendant 20 heures après la greffe. Les scientifiques espèrent maintenant réaliser l'opération sur l'homme, et ce dès 2017. Le but : permettre d'offrir, par exemple, un second corps à un tétraplégique. Mais peut-on vraiment y croire ?

Comment cela peut-il fonctionner ? Sergio Canavero travaille sur ce projet depuis trois ans. Il assure s'inspirer des travaux du Dr Robert White, neurochirurgien américain qui tenta des greffes de têtes de chien et de singe dans les années 1970. Le principe : détacher les têtes des corps, puis faire fusionner la moelle épinière du corps du donneur avec celle de la tête du receveur. L'Italien s'est rapproché de XiaoPing Ren, dont les équipes ont déjà réussi de telles opérations sur les souris.

Le détail est - forcément - technique : "Sergio Canavero propose un protocole (GEMINI) mettant en oeuvre le 'raboutage' des nerfs du donneur et receveur associé aux propriétés extraordinaires du polyéthylène glycol (PEG), une substance qui induit la fusion des fibres nerveuses (axones) coupées. Puis une stimulation électrique permet de reconnecter les deux cordons nerveux", explique Sciences et avenir. Pendant l'opération, le cerveau doit être "protégé" grâce à une "hypothermie", c’est-à-dire placé dans un environnement plus froid que sa température interne, et grâce à "l'établissement d'une circulation sanguine croisée entre donneur et receveur par un système de canules". Une molécule, le "perfluorocarbone", est également utilisé pour protéger les neurones.

La communauté scientifique divisée. Les doutes sont encore loin d'être levés sur ce projet. D'une part, si le cerveau du singe aurait bien été maintenu en vie sur son nouveau corps, l'animal n'aurait pas retrouvé ses facultés motrices. D'autre part, le sérieux de ce projet ne fait pas l'unanimité chez les scientifiques. Comme le raconte Le Point, Sergio Canavero avait, l'an dernier, présenté son projet devant l'Académie américaine de chirurgie neurologique et orthopédique. Il y avait alors reçu un accueil… sceptique. "Absurde, infaisable et ridicule", déclarait pour l'occasion Arthur Caplan, bioéthicien à la New York University School of Medicine. Et ce dernier, cité par Le Point, de poursuivre aujourd'hui : "quand ce sera publié dans une revue à comité de lecture, je serai intéressé. Je pense que le reste est BS (BS = bullshit = merde de taureau, NDLR)".

On devrait bientôt être fixé : Sergio Canavero assure que ses travaux seront prochainement publiés dans deux revues académiques, Surgery et CNS Neurosciences & Therapeutics. En outre, les essais sur l'homme s'organisent déjà, même si l'équipe a encore besoin d'attirer de nombreux investisseurs. Des tests sur des cadavres humains sont déjà en cours. Un patient russe, atteint d'une grave maladie dégénérative, serait même déjà volontaire. Et le Vietnam a déjà fait savoir qu'il était prêt à accueillir les chercheurs pour leurs opérations qui, au-delà de l'aspect technique, n'en ont pas fini de poser des questions d'éthique.