Bigorexie : pourquoi l'addiction au sport peut-elle être dangereuse pour la santé ?

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La bigorexie est l'addiction au sport. © ARTUR WIDAK / NURPHOTO / NURPHOTO VIA AFP
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Alexandre Dalifard , modifié à
Depuis la crise sanitaire, les spécialistes constatent une importante augmentation des addictions chez les personnes. Si l'alcool et la drogue sont généralement pointés du doigt, une pratique présente aussi des risques… celle du sport. Pour l'occasion, le psychiatre Jean-Victor Blanc alerte sur la bigorexie dans "Bienfait pour vous".

Être addict au sport, c'est possible. Souvent, les addictions sont associées à des substances nocives pour la santé comme le tabac, l'alcool ou les drogues. Et pourtant, il est possible de devenir accro à des pratiques saines, comme le sport avec la bigorexie. Mais concrètement, comment cela se manifeste ? Invité dans Bienfait pour vous, le psychiatre Jean-Victor Blanc aborde ce sujet, parfois méconnu du grand public, en répondant au témoignage d'une auditrice, elle-même addicte au sport.

Le corps et le cercle social fragilisés

"La bascule, c'est lorsqu'un comportement va prendre trop de place et qu'il va y avoir toujours cette perte de contrôle vis-à-vis du comportement", explique le spécialiste. La bigorexie, ce besoin de pratiquer régulièrement une activité sportive, est une situation que connaît bien Servane Heudiard. Cette auditrice, passionnée par le sport, est rapidement tombée dans l'addiction et a tenu à faire part de son expérience sur Europe 1. "On en fait un petit peu au début parce qu'on aime bien ça, puis un petit peu plus, vraiment comme une drogue, jusqu'à ce qu'on se rende compte qu'il en faut tous les jours. Une fois qu'on en fait quotidiennement, il faut augmenter la dose", indique la sportive au micro de Julia Vignali et Mélanie Gomez.

Mais cette pratique excessive n'a pas été sans conséquence pour son corps. "J'ai eu trois accidents graves. J'ai eu une fracture du bassin, une double fracture du coude et une fracture de la jambe", détaille cette pratiquante de vélo et d'aviron. Si cette addiction impacte fortement son corps, celle-ci vient dégrader aussi ses relations sociales. Dans son livre Le Sport, ma prison sans barreau..., Servane Heudiard explique s'être échappée du mariage de sa sœur pour aller faire de l'aviron. Cette addiction a donc dégradé son cercle social. "Disons que la vie sociale se résume au cercle sportif. J'ai beaucoup d'amis, mais ce sont tous des cyclistes ou des avironneurs", déplore l'auditrice.

Mais pourquoi une telle intensité ? "C'est exactement comme dans l'anorexie. Sauf que l'idéal ne va pas être 'je veux être le plus mince possible', mais plutôt 'le plus musclé possible'. Or, plus la personne est musclée, plus elle va se percevoir 'non musclée'. C'est là que ça devient très compliqué. La personne va mettre sa santé en danger et prendre des hormones pour atteindre une stature musculaire qui est en fait impossible", alerte Jean-Victor Blanc après le témoignage de Servane Heudiard.

"Trouver la bonne limite"

Pour comprendre l'intensité de sa pratique sportive, Servane Heudiard détaille ses entraînements. Si elle se limite à deux heures d'aviron le week-end, elle admet être "montée à six heures de sport tous les jours, 365 sur 365". "Je suis en freelance, en travaillant chez moi, cela permet d'aménager mes horaires. Au lieu de passer deux heures dans les transports en commun, je passe deux heures sur mon vélo", explique la sportive.

Face à son addiction et les dangers qu'elle représente pour son corps, Servane Heudiard souhaite alerter les pratiquants de sport quant aux risques encourus. "Il faut trouver la bonne limite. Le sport est vraiment bon pour la santé, mais il ne faut pas basculer. On est dans une ambivalence dangereuse. Le sport a une très bonne image. Quand on voit quelqu'un faire du sport, on va toujours le féliciter. On ne va jamais lui dire que ce n'est pas bon", prévient-elle.

Un fait que confirme Jean-Victor Blanc. "L'entourage peut finalement renforcer à un moment donné le comportement en ne voyant pas forcément que cela peut représenter un risque. On sait que, en général, les addicts au sport ou à la musculation vont mettre plus de temps à consulter", affirme le psychiatre. L'entourage peut donc finalement alimenter un mal être et l'addiction.