André Comte-Sponville, philosophe, auteur de "La clé des champs et autres impromptus", était l'invité d'Europe Matin mercredi. 2:03
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Laura Laplaud , modifié à
Emmanuel Macron a régulièrement vanté la "valeur travail", fil rouge de son action politique. "Il faut travailler un peu plus longtemps", affirmait-il sur le marché de Rungis à la mi-février. Mais faut-il parler d'une valeur travail comme s'il s'agissait d'une valeur morale ? Le philosophe André Comte-Sponville répond à cette question au micro d'Europe 1.

La "valeur travail" est au centre de l'action d'Emmanuel Macron. Que ce soit lors de ses allocutions télévisées ou pendant son déplacement sur le marché de Rungis à la mi-février, le chef de l'État vante les mérites du travail. "C’est par le travail, et par plus de travail, que nous pourrons préserver notre modèle social", déclarait le président de la République lors de l'une de ses allocutions télévisées en novembre 2021. "Il faut travailler un peu plus longtemps", ajoutait-il au marché d'intérêt national de Rungis.

"La générosité est une valeur morale"

Décrite comme un fil conducteur de son action, faut-il parler d'une valeur travail comme s'il s'agissait d'une valeur morale ? André Comte-Sponville, philosophe et auteur de La clé des champs et autres impromptus, est catégorique, c'est non. "Une valeur morale est un but en soi, le travail non, c'est un moyen. La générosité est une valeur morale", a-t-il indiqué au micro d'Europe 1 mercredi.

"Macron et la droite se trompent en faisant du travail une valeur morale. Mais la gauche, et spécialement la Nupes, se trompe en oubliant que c'est le travail qui crée de la richesse et que si on veut financer nos retraites, avant de redistribuer, il faut produire de la richesse", a-t-il ajouté.

"Un débat un peu fou"

Alors que le projet de loi de la réforme des retraites est examiné au Sénat cette semaine, le chef de l'État comme les Républicains continuent de louer cette "valeur travail". Un contresens, d'après André Comte-Sponville. "J'ai le sentiment d'un débat un peu fou où Macron et la droite se battent au nom de la valeur travail, ce qui est un contresens [puisque] le travail n'est pas une valeur morale, c'est une valeur marchande. Mais il faut financer nos retraites et je trouve que la gauche et l'extrême droite sont un peu irresponsables : parler d'une retraite à 60 ans aujourd'hui, ce serait une singularité à l'échelle du monde ! Dans tous les pays d'Europe, on travaille jusqu'à 65 ou 67 ans", a indiqué le philosophe. "Je crois que les deux sont à côté de la plaque", a-t-il conclu.