Europe 1 4:53
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Théo Maneval, avec Isabelle Ory, à Strasbourg et Bruxelles, édité par Thibaud Le Meneec , modifié à
Critiqués, ignorés voire carrément inconnus de la population, 74 eurodéputés français vont voir leur mandat s'achever après les élections européennes du 26 mai. Europe 1 a décidé d'en savoir plus sur leur quotidien de parlementaires.
REPORTAGE

Deux mois jour pour jour : les élections européennes auront lieu le 26 mai prochain. Mais pour l'heure, c'est d'abord les enjeux nationaux qui prédominent dans le débat, et rien ne dit que les Français ne se mobilisent d'ici le scrutin. Ainsi, pour les élections européennes de 2014, il y avait eu... 57% d’abstention en France. La raison ? L’Europe est souvent perçue comme trop compliquée.

Il suffit, pour s'en rendre compte, de demander à des passants s'ils connaissent le nom de leurs eurodéputés. "Franchement, non", répondent certains. Et à quoi servent-ils ? "Ils servent à nous faire des belles lois européennes qui nous ennuient beaucoup !" se plaignent d'autres. Ce qui n'est pas vraiment l'avis des principaux intéressés, qu'Europe 1 a rencontrés pour comprendre leur méthode de fonctionnement à Bruxelles ou Strasbourg.

Des trains et des notes

Pour comprendre ce quotidien des parlementaires européens, il faut se plonger avec eux dans leur travail, qui commence tôt le matin, et souvent dans un train. C'est d'ailleurs à la gare que nous retrouvons Geoffroy Didier, eurodéputé Les Républicains, qui monte dans le TGV pour Strasbourg. "Je lis beaucoup de notes qui m'ont été préparées par mon équipe dans le train, une fois pour Bruxelles, l'autre fois pour Strasbourg", décrit le rapporteur d'un texte sur la consommation.

"Mon sujet, ce sera de faire adopter la possibilité pour les consommateurs de toute l'Europe d'intenter une action judiciaire à plusieurs lorsqu'ils seront victimes d'une pratique illégale d'une grande entreprise", annonce-t-il en vue de sa prise de parole du soir. Le train arrive en gare de Strasbourg-Ville et Geoffroy Didier file dans son bureau exigu du Parlement, où il peaufine sa prise de parole avec plusieurs de ses collaborateurs.

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Devant les représentants de chaque famille politique réunis dans l'hémicycle, l'eurodéputé prend la parole en milieu de soirée, lundi : "Chers collègues, le fait d'adopter ce texte pourrait être une belle démonstration que lorsque nous nous y mettons ensemble, nous rendons l'Europe concrètement utile à la vie quotidienne de chacun de nos concitoyens." Le vote de l'ensemble des eurodéputés sur ce texte aura lieu en séance plénière, mardi, à la mi-journée.

Impacts concrets dans la vie quotidienne

"Rendre l'Europe concrète", dit par exemple Geoffroy Didier. Les textes votés par le Parlement européen ont-ils vraiment un impact sur nos vies ? Dans les faits, de nombreux éléments du quotidien sont régis ou encadrés par le droit européen. Par exemple, le fait qu'il n'y ait plus de sac plastique à la caisse du supermarché relève d'une une directive européenne. L'absence d'OGM dans nos assiettes tient aussi de la législation européenne, tout comme la fin du roaming, le hors forfait sur nos téléphones quand on voyage dans un pays de l'Union. Plus globalement, toutes les grandes normes sont prises à l'échelon européen, comme par exemple sur les niveaux de pollution de vos voitures. 

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Alors, certes, les députés européens travaillent dans le train et dans l'hémicycle, mais une grande partie du travail se fait aussi dans les couloirs du Parlement, avec un fonctionnement totalement différent du Parlement français. On retrouve dans ces couloirs Karima Delli, élue Europe-Ecologie Les Verts qui préside la commission Transports du Parlement européen. C'est donc elle qui doit négocier et trouver des accords pour faire passer des textes comme les normes anti-pollution ou les règles de travail pour les chauffeurs routiers à travers toute l'Europe.

" Si on veut une majorité sur un texte, on est obligés de s'entendre les uns avec les autres "

Dans son travail, Karima Delli est en discussion quasi-permanente avec des eurodéputés de tous les pays de l'UE. "Il y a beaucoup de travail de compromis, parce que quand on est à la tête d'une grosse commission comme la Commission Transports, ce n'est pas du tout la même feuille de route selon les intérêts des pays. Les cultures politiques sont tellement différentes… Qu'est-ce que la gauche et la droite ici ? Ce n'est pas ça le clivage, qui intervient d'abord sur des intérêts nationaux. Si on veut une majorité sur un texte, on est obligés de s'entendre les uns avec les autres."

Manque de pédagogie

Les débats seraient aussi plus profonds qu'à l'Assemblée nationale, sous-entend l'élue EELV : "Nous ne sommes pas dans la cour de récréation, on est aussi sur une autre méthode de travail. Ici, on est beaucoup respectés lorsqu'on est travailleur, donc on n'a pas le temps d'aller sur les plateaux télé pour pousser sa carrière politique."

Des députés européens qui seraient plus travailleurs, et moins dans les médias que les députés ici en France. Cela ne règle pas le problème d'une Europe trop compliquée, qu'on a tous du mal à comprendre. Comme beaucoup, Karima Delli reconnait qu'il y a un manque de pédagogie au quotidien de la part des eurodéputés, mais peut-être aussi des médias, sur leur travail. Ici, tout le monde concède que les sujets sont souvent très techniques et qu'avec le fonctionnement des institutions européennes, ils mettent parfois beaucoup longtemps à aboutir. De quoi renforcer le désamour entre les Français et leurs institutions européennes ?