Régionales : vers un "effet attentats" sur l’abstention ?

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La proximité des attentats du 13 novembre pourrait entraîner un sursaut citoyen dans les urnes lors du  scrutin des 6 et 13 décembre. Pas forcément à l’avantage de la gauche. 

Les élections régionales arrivent, vite, très vite après les attentats de Paris. Moins d’un mois après la funeste soirée du 13 novembre, les électeurs sont appelés aux urnes, le 6 décembre. L’une des conséquences, c’est que les compétences des futures grandes régions sont quasiment absentes des débats, balayées par les préoccupations sécuritaires. Pour autant, le scrutin pourrait être l’occasion d’un sursaut citoyen. Ou comment les citoyens français attaqués pourraient riposter à travers les urnes.

Un sursaut, mais le même niveau qu'en 2010. "On s’achemine vers un sursaut de la participation", confirme Pascal Perrineau, directeur du Cevipof, le Centre de recherches politiques de Sciences-Po. "Ce serait le signe d’une démocratie dense, vivante", poursuit le politologue.  Selon un sondage Ifop publié dimanche dans le JDD, la participation se situerait à 46%. "C’est un score en hausse par rapport aux enquêtes réalisées avant les attentats", note Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop. "Reste à savoir si le phénomène peut encore s’accentuer. C’est tout à fait possible", explique le sondeur. Le  rebond existerait donc par rapport aux études d’avant les tueries de Paris, et non pas par rapport au précédent scrutin régional. En 2010, 46,36% des électeurs s’étaient déplacés au premier tour. Dans les mêmes eaux, donc. Dans cette optique, les attentats ne feraient donc que freiner une lente mais durable  montée de l’abstention.

Le précédent de mars 2015. Un tel sursaut a en tous cas eu lieu après les attentats en janvier 2015. Les élections départementales, qui avaient pourtant eu lieu deux mois après les événements tragiques de Charlie Hebdo et de l’Hypercacher, avaient vu une nette baisse de l’abstention. 49,83% au premier tour, 50,02% au second, contre 55,68% et 55,29% en 2011, au précédent scrutin départemental.  "En 2015, on était arrivé à presque du 50-50, ce qui était incontestablement une bonne surprise", analyse Frédéric Dabi. "Il y avait eu une remobilisation".

"Voter, c’est résister". Les politiques, prompts à s’alarmer du taux d’abstention à chaque élection, veulent en tous cas participer à cet élan, pour pouvoir, le soir des élections venu, s’en féliciter. Ils se sont trouvés un mot d’ordre, à gauche comme à droite : "Voter, c’est résister", lancent-ils à l’envi, quand ils ne choisissent pas une autre déclinaison - "Résister, c’est voter" par exemple. "La priorité, c’est d’aller voter pour répondre aux terroristes", abonde Christophe Borgel, secrétaire national du PS aux élections. "Peut-être que ce drame terrible que nous avons subi amènera les Français à défendre non seulement leur vie, leur art de vivre, mais ce qui est notre bien le plus commun : la démocratie", espérait la semaine passé Patrick Kanner, le ministre de la Ville. 

A qui profiterait le rebond ? Finalement, seul le Front national, qui a le vent en poupe, à en croire tous les derniers sondages, n’appelle pas à ce sursaut républicain. Par prudence, car nul ne sait à qui la baisse du taux d’abstention peut profiter. A la gauche, dans le sillage de François Hollande, dont la popularité renaît ? "Cela n’invalidera pas son échec", tranche Pascal Perrineau. "A la différence des départementales, les électeurs de gauche ne semblent pas sur le point de se remobiliser", assure Frédéric Dabi. "Un éventuel sursaut de la participation profiterait donc aux partis capables de mobiliser actuellement, à savoir la droite et le Front national." De là à faire du FN le premier parti de France ? "Non", corrige le directeur général de l’Ifop. "Quoi qu’il arrive, même en cas de regain de la participation, le premier parti de France sera une nouvelle fois l’abstention".

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