Gilles Kepel était l'invité d'Europe 1, mercredi matin. 3:53
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Margaux Lannuzel , modifié à
Invité de la matinale d'Europe 1, mercredi matin, le spécialiste du monde arabe contemporain Gilles Kepel a détaillé le concept de "djihadisme d'atmosphère", qu'il développe dans son nouveau livre "Le Prophète et la Pandémie" (Ed. Galimard). 
INTERVIEW

"La constitution d'une culture de la rupture avec la République et ses valeurs est quelque chose qui va ensuite créer tout naturellement la désignation de l'autre comme un infidèle, qu'il est licite de faire disparaître." Invité de la matinale d'Europe 1, mercredi matin, le spécialiste de l'islam et du monde arabe Gilles Kepel, qui publie Le Prophète et la Pandémie (Ed. Gallimard) a détaillé le concept de "djihadisme d'atmosphère" qui existe selon lui en France. 

"J'ai essayé de comprendre ce phénomène en travaillant à chaud sur 2020, sur tout ce qui s'est passé dans l'année", explique Gilles Kepel au micro de Sonia Mabrouk, citant notamment l'exemple de l'assassinat de Samuel Paty, professeur décapité pour avoir montré des caricatures dans un cours sur la liberté d'expression. L'auteur présumé de l'attaque "n'appartenait à aucun réseau", contrairement à ceux des attentats commis les années précédentes, souvent revendiqués par Daech, souligne le spécialiste. Preuve, selon lui, qu'il existe "une atmosphère créée par des entrepreneurs de colère". 

"Il faut mobiliser l'ensemble de la société"

Selon l'auteur, les explications de ce phénomène sont, notamment, à aller chercher du côté de la sémantique. "Le terme d''islamisme', qui dans notre vocabulaire désigne l'islam politique, incarné principalement par les Frères musulmans (…) a été traduit par des journalistes et des relais d'opinion du monde musulman comme 'islamique' ou 'musulman'. Donc on a fait d'Emmanuel Macron et de la France un pays islamophobe", estime Gilles Kepel "Si on n'avait pas détruit les études arabes en France, si on avait encore des arabisants capables en nombre suffisants dans notre haute fonction publique", l'écueil aurait d'ailleurs "évidemment pu être évité", tacle-t-il. 

"Il faut que nous, universitaires, puissions produire des connaissances sur cette région [le monde arabe, ndlr] de manière sérieuse", avance donc le spécialiste. Comment, à part cela, combattre un djihadisme devenu ambiant ? "Nous sommes contraints de passer par les réflexions juridiques débattues en ce moment", répond Gilles Kepel, dans une référence au projet de loi "confortant les principes républicains" (ex-projet de loi sur les séparatismes). Déplorant le "french bashing" de certains médias anglo-saxons, qui voient dans ce texte "une réduction des libertés publiques", le spécialiste estime qu'un travail "culturel important" est nécessaire. "Il faut mobiliser l'ensemble de la société, et aussi nos compatriotes musulmans", "premières victimes", selon lui, du "djihadisme d'atmosphère".