Quelle place pour le MoDem dans la bataille des législatives ?

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Le MoDem pourrait peser comme force d'appoint si la majorité d'Emmanuel Macron n'est pas assez large. © MARTIN BUREAU / AFP
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R.Da.
François Bayrou, soutien d’Emmanuel Macron, a tapé du poing sur la table estimant que les investitures de La République en marche! pour les législatives minimisent le rôle de son parti.

La lune de miel entre François Bayrou et Emmanuel Macron est-elle sur le point de prendre fin ? La publication, mercredi, des investitures présentées par En Marche! a fait bondir le président du MoDem. Allié d’Emmanuel Macron pendant la campagne, François Bayrou aurait tablé sur 120 candidats issues des rangs de son parti pour les législatives. Or, pour l'heure, ils ne sont que 38 à être investis sur les 428 noms dévoilés par La République en marche! Richard Ferrand, secrétaire général du mouvement, a rappelé qu’il restait encore 150 investitures à pourvoir d’ici la semaine prochaine, parmi lesquelles d’autres membres du MoDem pourraient trouver leur place.

Il n’empêche, en colère, François Bayrou convoque le bureau politique de son parti vendredi soir, "souhaitant que dans les heures qui viennent, un mouvement de raison permette des investitures communes dans toutes les circonscriptions comme Emmanuel Macron et moi en sommes convenus depuis le premier jour de notre entente", a-t-il fait savoir à l’AFP. Une réunion qui sonne comme un avertissement donné au futur chef de l’Etat, dont la capacité à se constituer une majorité présidentielle en juin, avec une situation électorale inédite, soulève de nombreuses questions. "Bayrou tend la main de la dernière chance", a soufflé un membre du MoDem à l’AFP.

Un poids déterminant dans l’élection ?

Car le triple candidat à l’élection présidentielle considère son ralliement au fondateur d’En Marche! comme déterminant dans son accession à l’Elysée. "Nous l’avons fait élire", a-t-il déclaré jeudi à L’Obs, rappelant que les enquêtes d’opinion ont enregistré une forte poussée d’Emmanuel Macron après lui avoir donné son soutien le 22 février. En lui apportant une partie des 4% dont il était crédité dans la plupart des sondages, le fondateur du MoDem aurait ainsi permis à celui d’En Marche! de creuser la distance avec un François Fillon déjà empêtré dans les révélations sur les emplois présumés fictifs de sa femme et de ses enfants.

Un poids politique que voudrait continuer d’exercer le centriste, qui a mal "digéré" la place accordé aux transfuges socialistes. Auprès du Monde, François Bayrou s’est en effet plaint que les investitures d’En Marche! réservent 153 sièges à des socialistes ou des personnalités issues des rangs PS/RPG selon lui, et ce alors même que le candidat PS s’est incliné dès le premier tour de la présidentielle, relégué à la cinquième place avec 6,4% des suffrages. "En tout état de cause, je ne participerai pas à une opération de recyclage du PS", a-t-il déclaré au quotidien. Sur RTL, Sylvie Goulard, eurodéputée MoDem devenue macroniste, a estimé que François Bayrou se montrait trop gourmand : "Le soutien qu’on a pu apporter à un moment donné ne signifie pas qu’on a un droit de tirage éternel".

 

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Le nombre de députés dans l’hémicycle :  un enjeu de taille pour l’avenir du MoDem

La représentation plus ou moins large du MoDem dans les rangs de l’hémicycle, voire la constitution d’un groupe parlementaire – à partir de 15 élus – permettrait au parti de peser comme force d’appoint, si le nouveau président se retrouve avec une majorité partielle à la sortie des urnes les 11 et 18 juin. Surtout, la présence du MoDem au sein de la future Assemblée recoupe également un enjeu financier, le résultat d’un parti aux élections déterminant aussi le montant de l’aide publique qui lui est attribuée, à condition qu’il ait récolté un minimum de 1% des voix dans au moins 50 circonscriptions. Une manne non négligeable pour le MoDem qui n’a plus aucun député affilié depuis que Jean Lassalle a pris ses distances avec François Bayrou en août 2016. "On a un atout formidable : on n’a pas de sortant. Cela nous permet de nous renouveler et nous rajeunir", avait cependant fait valoir auprès d’Europe 1 la vice-présidente du MoDem Marielle de Sarnez, à la veille du ralliement de François Bayrou.

Mais il semble qu’En Marche! ait mis la barre du renouvellement trop haut pour les postulants présentés par le parti de François Bayrou, qui pâtissent aussi de la volonté de transformation du personnel politique affichée par Emmanuel Macron. "Il y avait des questions de renouvellement essentiellement", a précisé sur LCI Benjamin Griveaux, porte-parole d’En Marche!, pour expliquer le faible nombre de candidats centristes investis. "Je comprends que des gens qui ont eu des parcours politiques longs, qui sont engagés dans la vie publique depuis parfois trois ou quatre mandats aient été un peu déçus, c'est normal". Une manière aussi de minorer le rôle que pourrait jouer le parti dans une future majorité qui souhaite largement s’appuyer sur de nouveaux venus, principalement issus des rangs de la société civile, et qui laisserait les coudées franches à Emmanuel Macron pour lancer son programme de réformes.

Une équipe gouvernementale sans François Bayrou ?

Un renouvellement dont François Bayrou lui-même pourrait être victime. Un temps évoqué comme potentiel futur Premier ministre, le maire de Pau ne répond pas aux critères présentés par Emmanuel Macron, qui a indiqué lors d’une conférence de presse fin mars qu’il ne prendrait pas dans son équipe gouvernementale d’anciens ministres. Pourrait-il faire une exception pour son allié de campagne, ministre de l’Éducation sous François Mitterrand et sous Jacques Chirac ? "François Bayrou aura un rôle important dans le projet qui est le mien demain, si je suis élu. Le projet gouvernemental et politique", avait laconiquement répondu Emmanuel Macron sur Europe 1, pendant la campagne de l’entre-deux-tours. À condition, néanmoins, que les deux hommes ne se fâchent pas.