Primaire : "Punchlines" et désaccords à tous les étages

hamon valls
© bertrand GUAY / POOL / AFP
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Sans s’agresser, Benoît Hamon et Manuel Valls ont étalé mercredi lors de leur débat télévisé leurs très nombreuses divergences, notamment en glissant des petites phrases. 

Ce sont bien deux gauches irréconciliables qui se sont affrontées mercredi lors du débat d’entre-deux-tours de la primaire du PS et de ses alliés. Si Benoît Hamon et Manuel Valls ne se sont pas invectivé, ils ont affiché leurs très nombreuses divergences, sur le travail, les impôts, le revenu universel bien sûr, l’écologie, Notre-Dame-des Landes, etc. Et malgré un ton courtois, ils n’ont pas été avares de"punchlines" lors de ce débat.

  • Sur le travail : "Je ne veux pas d'une vision disant le travail disparaît, on s'y résout, et on partage" contre "Tu n’as à opposer que ta foi et ta croyance"

D’emblée, les deux candidats se sont opposés sur l’avenir du travail dans la société. L’un, Benoît Hamon, constate la raréfaction du travail, quand l’autre, Manuel Valls ne s’y résout pas. "Je ne veux pas d'une vision disant au fond le travail disparaît, on s'y résout, et après tout on partage", a lancé l’ancien Premier ministre, accusant son adversaire de porter "un "message de découragement" et "d'abdication" sur le chômage. "Ce que les Français demandent, c'est de travailler davantage, c'est d'être mieux formés, mieux armés", a dit celui qui propose de réintroduire une des mesures phares du quinquennat Sarkozy, la défiscalisation des heures supplémentaires.

"Je pense que tu n’as à opposer aux études qui existent aujourd’hui sur l’impact de la révolution numérique sur le travail que ta foi, ta croyance qu’il n’y va pas y avoir de raréfaction du travail", a répondu Benoît Hamon. "Aujourd'hui, on voit qu'elle a commencé cette raréfaction. Je pense qu'il vaut mieux anticiper un processus, quitte à ce qu'on se trompe, en équipant ceux qui connaissent ces nouvelles formes de travail", a-t-il conclu.

  • Sur le revenu universel : "le candidat de la feuille d’impôt" contre "je ne vends pas du rêve"

Du travail, les candidats en sont naturellement venus au revenu universel, la proposition phare de Benoît Hamon, qui a été au cœur de la campagne de cette primaire. "Derrière cela, ça se traduit par plus de dette, une augmentation de la fiscalité, par la taxation des robots, avec le risque de perdre en attractivité. Je ne veux pas de cela. Je suis le candidat de la feuille de paie. Je ne voudrais pas que Benoît Hamon soit perçu comme le candidat de la feuille d’impôt", a lancé Manuel Valls, dans un "punchline" emprunté à Arnaud Montebourg et sans doute préparée avec soin. L’ancien Premier ministre est allé plus loin : "tout ce que propose Benoît Hamon n'est pas possible sans augmentation des impôts."

Ça ne surprendra personne, Benoît Hamon n’a pas franchement été d’accord. "On ne parle jamais de ce que le revenu universel va rapporter. Il permet de libérer 600.000 emplois occupés par des étudiants aujourd’hui. Il y a ce que ça rapporte en termes de consommation, ce que ça libère comme emploi, ce que ça permet de libérer du temps pour le cursus des étudiants", a énuméré le député des Yvelines, qui s’est agacé du discours de vérité revendiqué par Manuel Valls. "Je regrette que tu places le débat sur ce terrain de la vérité. D’abord parce que nous ne l’avons. Il faut en finir avec ce thème du rêve. Je ne vends pas du rêve, je propose une option", a-t-il corrigé.  


Valls : "Ce que propose Benoît Hamon est tout simplement impossible."
  • Sur Notre-Dame-des Landes : "Gouverner, c’est assumer ses responsabilités" contre "gouverner, c’est être clairvoyant"

Autre sujet de discorde, moins philosophique celui-là, plus terre-à-terre : l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. "Je suspendrai la déclaration d'utilité publique, je considère qu'au regard aujourd'hui des données, des études produites par le ministère de l'Environnement, ce chantier crée plus de discorde et de désordre qu'il n'apportera de perspectives économiques", a expliqué Benoît Hamon.

Manuel Valls a tiqué, rappelant le "oui" au référendum local de l'été 2016, qui signifie que le chantier est soutenu par "la population". "Donc c'est difficile d'expliquer qu'il faut davantage consulter les citoyens, et quand ils votent en faveur de ce projet, en toute connaissance de cause, avec une forte participation et un oui très clair, on leur dit: ‘on remet en cause la décision’", a argumenté l'ex-Premier ministre. l'autorité de l'Etat c'est de mettre en oeuvre les décisions surtout quand elles ont été approuvées", a-t-il insisté. Et de conclure, dans sa stratégie visant à montrer son expérience et son autorité : "Gouverner, c’est assumer ses responsabilités". Riposte immédiate de Benoît Hamon : "Gouverner, c'est être clairvoyant et c'est faire l'analyse quand un dossier est dans l'impasse. C'est savoir trancher et hiérarchiser".

  • Sur l’état d’urgence : "il faut aller jusqu’au bout" contre "l’état d’urgence ne peut pas être un état permanent"

Sur ce sujet, Manuel Valls, qui sait que le thème de la sécurité est l’un de ses points forts, s’est montré particulièrement offensif.  "Quand on est candidat à la présidence de la République, il y a une transparence à avoir auprès des Français. [Benoît Hamon] s'est abstenu, n'a pas non plus voté la loi sur le crime organisé en juin 2016", a-t-il rappelé. "Sur ce sujet, il faut aller jusqu’au bout."
 
Pas de souci pour son adversaire, qui assume.  "Quand on est candidat à la présidence de la République, on écoute les avis des plus hautes juridictions de l'État français. Qu'ont-elles dit ? Que l'état d'urgence ne doit pas devenir un état permanent", a-t-il répliqué, précisant qu’il n’avait pas voté de prorogation supplémentaire parce qu’il estimait que les lois renseignement votées étaient suffisantes. "C’est mon point de vue, je l’assume entièrement. On peut mener une lutte implacable contre le terrorisme et être attentif à l’état de droit."

  • Sur la laïcité : "ce n’est pas un glaive, c’est un bouclier" contre "ce n’est pas la religion de ceux qui n’ont pas de religion"

Le début de semaine avait été marquée par une vive tension entre les camps Valls et Hamon sur la laïcité, le premier accusant le candidat du second de manquer de clarté par rapport à l’islamisme radical. C’est dire que le sujet était attendu, et là encore, les deux hommes ont marqué leur différence.

"Là où une femme décide librement de porter le foulard islamique, et il en existe, peu importe ce que nous pensons, au nom de la loi de 1905, elle est libre de le faire, et moi je veux lui assurer cette liberté. La laïcité, ce n’est pas la religion de ceux qui n’ont pas de religion", a plaidé Benoît Hamon, qui s’est attachée à corriger sa réaction mesurée, en décembre 2016, à un reportage montrant des cafés dans lesquels des femmes en pouvaient pas entrer. L'ancien ministre de l'Éducation propose de "se doter d'un corps d'inspecteurs qui, demain, vérifie dans un logement que ce logement ne soit pas réservé qu'aux personnes de la bonne couleur, que dans une entreprise, les emplois ne soient pas réservés à certains profils. Ou que tel espace n'est pas interdit aux femmes."


Hamon : "La droite et l'extrême droite utilisent la laïcité comme un glaive contre nos compatriotes musulmans."

"Je ne prête aucune intention à Benoît", a assuré en retour Manuel Valls, qui a vite contredit cette parole. "Il faut être impitoyable sur ces questions : pas d'accommodement, pas de compromis, et oui, sur ce plan-là, il y a des ambigüités, a-t-il lâché. "Notre rôle, c'est n'est jamais de stigmatiser. Mais c'est de dire à ces femmes et ces jeunes filles, qui vivent cet ordre machiste que nous sommes là pour les aider à s'émanciper", a-t-il poursuivi, reprenant à son compte l’expression : "la laïcité, ce n’est pas un glaive, c’est un bouclier"

  • Le bonus : "Vous imaginez le général De Gaulle employant Tante Yvonne à l’Elysée ?"

Sur ce sujet-là en revanche, Benoît Hamon et Manuel Valls ont été d’accord, mais difficile de passer à côté de l’une des petites phrases les plus marquantes de la soirée. Quand l’affaire Pénélope Fillon, l’épouse du candidat de la droite qui a été pendant plusieurs années attachée parlementaire de son époux puis de son suppléant à l’Assemblée nationale, Manuel Valls a eu ce bon mot : "Vous imaginez le général De Gaulle employant tante Yvonne (son épouse, ndlr) à l’Elysée ?", a-t-il interrogé. La référence à une phrase de François Fillon lui-même est limpide. Durant la campagne de la primaire de la droite, François Fillon avait en effet lancé cette interrogation à propos des ennuis judiciaires de Nicolas Sarkozy : "Qui imagine le général de Gaulle mis en examen ?".


Pénélope Fillon: "Vous imaginez le général De Gaulle employer tante Yvonne à l'Elysée", plaisante Valls

Sur le fond donc, les deux candidats ont été d’accord pour proposer l’interdiction de l’embauche par un parlementaire d’un proche parent. "Je pense que cette décision s'impose", a affirmé Manuel Valls. "Quand il s'agit de deniers publics, il faut être particulièrement clair. Quand on se veut être le candidat de la vérité, de la vertu et de la transparence, on doit cette explication", a-t-il insisté. "La conséquence que j'en tire, c'est qu'à l'Assemblée nationale comme au Sénat, on interdise la possibilité d'employer un cousin, un enfant ou un conjoint", a abondé Benoît Hamon, en appelant à "ne pas tergiverser" en la matière.