Pour exister, "Emmanuel Macron a tout intérêt à prendre le large"

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À l'occasion de son séjour londonien, Emmanuel Macron a déclaré que le gouvernement avait "décidé d’arrêter une partie des réformes." © JUSTIN TALLIS / AFP
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Romain David , modifié à
Lancement d’un nouveau mouvement politique, Une de magazine, déplacement à l’étranger, le ministre de l’économie est omniprésent depuis le début du mois d’avril.
INTERVIEW

Il est partout. Lancement de son propre mouvement, Une de Paris Match au côté de son épouse, rencontre en Angleterre avec des responsables économiques… Emmanuel Macron est sur tous les fronts, pendant que le président de la République peine à défendre son bilan devant les Français. Une hypermédiatisation qui ne s'est pas faite sans heurts. À Londres, le ministre de l’Economie a affirmé que le gouvernement avait "décidé d’arrêter une partie des réformes". Quelques heures plus tard, le Président ne manquait pas de recadrer son protégé en direct sur France 2. Pour François-Xavier Bourmaud, grand reporter au Figaro et auteur d’Emmanuel Macron : le banquier qui voulait être roi, si le ministre de l'Economie est aussi hyperactif en ce moment c’est qu’il doit aller vite pour continuer à marquer les esprits avant la fin de la présidence.

Emmanuel Macron va-t-il trop vite, laissant clairement éclater des ambitions présidentielles ?

Evidemment, Emmanuel Macron pense à l’Elysée. Mais s’il émerge, c’est aussi sur les carences de François Hollande. Il ne va pas vite tout seul ; c’est le quinquennat de Hollande qui se décompose de plus en plus vite. Emmanuel Macron est comptable du bilan mais de manière plus lointaine que Manuel Valls, il a donc tout intérêt à prendre le large très vite. Surtout, il sait que n’étant pas élu, sa seule légitimité c’est sa popularité, et que ça, ça ne dure jamais longtemps. Pour exister, le ministre de l’Economie est donc obligé de réagir.

Quitte à se prendre les pieds dans le tapis ? Emmanuel Macron a lui-même reconnu que l’interview de sa femme dans Paris Match, sur leur couple, était "une bêtise".

C’est un passage obligé, en politique, de présenter sa femme quand on aspire à de plus hautes responsabilités. Que ce soit maladroit ou non, au moins c’est fait. La case est cochée. Mais il faut reconnaître qu’en passant par la Une de Paris Match il a donné une image de lui vieillie, en rupture avec celle d’un jeune ministre qui cherche à casser les codes de la politique et de la communication.

Le ministre de l’Economie s’est également mis en porte-à-faux du Président. À tel point que le chef de l’Etat a déclaré, jeudi soir sur France 2 : "Emmanuel Macron est dans l’équipe et sous mon autorité. […] c'est une question de loyauté personnelle et politique."

Il s’agit bien d’un recadrage. Si les déclarations d’Emmanuel Macron sur l’arrêt des réformes concernaient la loi Travail, il est certain que le ministre pense qu’il n’y aura plus grand-chose de fait en un an. Pour François Hollande, il n’est pas envisageable de laisser cette idée s’installer. Néanmoins, le président conserve une profonde affection à l’égard de ceux qui l’ont rejoint quand il était au fond du trou. Emmanuel Macron est arrivé alors qu’on ne se donnait même pas la peine de faire des enquêtes d’opinion sur François Hollande. Les deux hommes partagent aussi le même sens de l’humour, et une distance sur les événements qui les rapproche. Quand on regardera le bilan de François Hollande, on se souviendra d’Emmanuel Macron.

Officiellement, Emmanuel Macron a lancé "En marche !" pour remobiliser les Français autour de François Hollande, mais n’est-ce pas aussi un moyen de s’assurer un avenir politique ?

Dans le scénario où François Hollande ne se présente pas, ce qui est peu probable, "En marche !" permettra à Emmanuel Macron de présenter sa candidature sans passer par la primaire de la gauche. C’est un coup d’avance sur Manuel Valls qui, lui, sera obligé de passer par le PS où il est loin de faire l’unanimité.

On a l’impression que le ministre est en train de prendre ses distances avec le reste de l’exécutif ?

 

C’est un positionnement qui n’est pas nouveau. Prendre ses distances c’est toujours populaire, au moins au début. Quant à François Hollande, il n’a pas eu d’autre choix que de laisser son ministre lancer son mouvement. Cela devrait aussi permettre de parler à l’électorat centriste, d’en ramener une partie vers la gauche pour franchir la marche du premier tour. C’est l’objectif essentiel du président.

Emmanuel Macron est-il devenu un rival du Premier ministre Manuel Valls ?

Emmanuel Macron occupe le même territoire idéologique que Manuel Valls. Lui aussi a construit sa popularité en marge du parti. Comme lui autrefois, il le voit monter. Emmanuel Macron est devenu sa mauvaise conscience : il a la liberté que lui n’a plus depuis qu’il est devenu Premier ministre. Enfin, pour Emmanuel Macron, l’autre alternative à l’Elysée, c’est de se rendre incontournable dans le cadre d’une recomposition politique. Dans ce cas, il ferait la passerelle avec la droite.