Nucléaire : coup d'envoi des débats à l'Assemblée, polémique sur la réforme de la sûreté

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Les débats autour du projet de loi d'accélération du nucléaire débutent ce lundi à l'Assemblée nationale. © Matthieu RONDEL / AFP
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avec AFP
L'Assemblée nationale entame ce lundi les débats sur le projet de loi d'accélération du nucléaire, dont l'examen est corsé par la polémique sur la réforme de la sûreté de ce secteur toujours aussi sensible. Les députés ont quatre jours pour étudier les 650 amendements sur ce texte destiné à faciliter la construction de nouveaux réacteurs en France.

L'Assemblée nationale s'empare lundi après-midi du projet de loi d'accélération du nucléaire, dont l'examen est corsé par la polémique sur la réforme de la sûreté de ce secteur toujours aussi sensible, contre laquelle des centaines de personnes ont manifesté aux abords du Palais Bourbon. Les députés ont quatre jours pour étudier les 650 amendements sur ce texte destiné à faciliter la construction de nouveaux réacteurs en France : six EPR promis par Emmanuel Macron à l'horizon 2035.

"Remettre le nucléaire au centre des discussions"

Dans une actualité toujours agitée par la réforme des retraites, le gouvernement mise sur le traditionnel soutien de la droite à l'atome pour une adoption sans trop de difficultés en première lecture, après le très large vote du Sénat fin janvier. Ce texte n'est "en rien le grand soir", mais "a le mérite de remettre le nucléaire au centre des discussions et de notre mix énergétique", souligne le député LR Jérôme Nury. 

Mais les opposants au nucléaire, EELV et LFI, comptent s'appuyer sur deux événements récents pour enflammer les débats : la fissure "importante" révélée dans la tuyauterie d'un réacteur de la centrale de Penly (Seine-Maritime), et la disparition annoncée de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), expert technique, que l'exécutif veut fondre dans l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le gendarme des centrales. Le gouvernement a ajouté la réforme de la sûreté nucléaire par un simple amendement, adopté par les députés en commission. Mais elle suscite l'ire des syndicats de l'IRSN comme de l'ASN, de la gauche, et des protestations jusque dans la majorité.

 

L'intersyndicale de l'Institut a organisé une nouvelle journée de grève lundi et une manifestation près de l'Assemblée. Des centaines d'agents de l'IRSN, de Paris, Marseille ou Cherbourg ont défilé jusqu'aux Invalides, avec parmi leurs slogans "IRSN demantelé, sûreté nucléaire bradée" et "la relance du nucléaire au mépris de la sécurité". Ce projet de "fusion" est "incompréhensible", dénoncent aussi dans un communiqué les députés de la coalition de gauche Nupes, qui jugent "essentiel de maintenir une indépendance entre la fonction de régulateur (ASN) et celle d'expertise (IRSN)".

Chez les macronistes, la rapporteure Maud Bregeon, ancienne d'EDF, distingue les "questions légitimes" sur l'IRSN des arguments utilisés pour "flinguer la filière" nucléaire par "idéologie". Elle plaide pour ne plus "avoir le nucléaire honteux" au moment où l'adhésion au nucléaire a nettement gagné du terrain dans les enquêtes d'opinion, en pleine crise énergétique. Le texte "va nous permettre d'atteindre la neutralité carbone" et une meilleure souveraineté énergétique, argumente-t-elle.

"Sous emprise"

Limité à de nouvelles installations situées sur des sites nucléaires existants, ou à proximité, le projet de loi vise à simplifier les procédures administratives afin de "ne pas ajouter un délai de deux à trois années à la construction d'un réacteur", selon la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher.

Les deux prochains EPR devraient être implantés à Penly, suivis de deux autres à Gravelines (Nord), selon les plans d'EDF, avec l'objectif 2027 pour "la première coulée de béton", et "2035-2037" pour la mise en service, d'après le gouvernement. En commission, les députés ont validé un ajout controversé du Sénat : la suppression du plafond de 50% de la part de l'énergie nucléaire dans le mix électrique français d'ici 2035.

Sans majorité absolue à l'Assemblée, le gouvernement enchaîne deux textes techniques sur l'énergie, en se tournant successivement vers la gauche puis la droite de l'hémicycle : un premier sur les renouvelables, définitivement adopté avec le soutien des députés socialistes, et celui sur le nucléaire que LR et le RN regardent d'un bon œil. Avant un troisième projet de loi plus politique, de programmation pluriannuelle, attendu au mieux cet été pour fixer des objectifs à atteindre pour chaque énergie.

L'ONG anti-nucléaire Greenpeace combat le projet de loi et vient de dénoncer, en pleine guerre en Ukraine, une filière nucléaire française "sous emprise" russe, notamment par la livraison persistante d'uranium de retraitement russe. La France avait décidé en 2015 la fermeture de 14 de ses 58 réacteurs, avant un revirement annoncé par le président Emmanuel Macron en faveur d'une relance. L'énergie nucléaire représente environ 70% de la production d'électricité habituellement. En raison des arrêts pour corrosion et de la faible disponibilité du parc nucléaire, cette proportion s'est établie à 63% seulement en 2022.