Napoléon a sa part de lumière et aussi sa part d'ombre. 4:00
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Séverine Mermilliod , modifié à
Emmanuel Macron a commémoré "en clair-obscur" la figure controversée de l'Histoire de France, Napoléon 1er. Célébrant ses qualités de "stratège" et de "bâtisseur", il a aussi dénoncé ses "fautes", comme le rétablissement de l'esclavage. Sur Europe 1, les historiens Pierre Branda et Charles-Eloi Vial ont convenu que même sans l'intervention de Napoléon, "le rétablissement de l’esclavage était assez probable" à l'époque.
ANALYSE

À l'occasion du bicentenaire de la mort de Napoléon Bonaparte, Emmanuel Macron a commémoré mercredi l'homme d'Etat, une première depuis Georges Pompidou. Il a expliqué vouloir parler de Napoléon "sans effacer, sans nier, ni renier". Car la figure de Napoléon Bonaparte, qui marque un "tournant dans l'Histoire" de la France, selon son descendant Charles Bonaparte, invité d'Europe 1 mercredi en compagnie des spécialistes Charles-Eloi Vial et Pierre Branda, a aussi sa part d'ombre.

L'Empereur a, notamment, rétabli l'esclavage en 1802 et le "code noir". Un revirement pour l'homme qui avait libéré les esclaves à Malte et en Egypte, et même exprimé en 1799 qu'il ne reviendrait pas sur l'abolition. Et puis, poussé par plusieurs raison, notamment économiques, il décide de rétablir l'esclavage aux Antilles. Au micro de Julian Bugier, ces spécialistes ont explicité en quoi l'Empereur n'était sans doute pas "esclavagiste" fondamentalement mais l'a été politiquement, dans un contexte qui l'y incitait.

Un rétablissement inévitable dans un contexte favorable ?

"Sa position évolue, change. Napoléon dit qu'il a cherché des synthèses et aussi la loi de la majorité, ce qui se dégage à l'époque", souligne l'historien Pierre Branda au micro d'Europe 1. Autre raison stratégique : "La guerre avec l'Angleterre s'étant achevée, on pouvait revenir aux Antilles et reprendre pied dans cette partie du monde qui, hélas économiquement, reposait sur l'esclavage."

Par la suite, "Napoléon dira qu'il a commis une faute, qu'il s'est trompé. C'est un dossier qu'il connaît mal, il ne s'y est pas rendu, il est jeune. Tout ça ne l'excuse pas, évidemment pas", maintient toutefois Pierre Branda. "On va très vite sur ce dossier et cela va provoquer une catastrophe militaire, et évidemment humaine." C'est donc selon l'historien "tout un contexte qui pousse" Napoléon à ce moment-là. "On peut penser que, malheureusement, dans la société telle qu'elle était faite, même sans Bonaparte, le rétablissement de l'esclavage était assez probable."

Il "partageait les préjugés des gens de son temps"

Autre élément de contexte, la comparaison avec les Anglais en Martinique, où était pratiqué l'esclavage. "Napoléon voit ce qui marche, ce qui ne marche pas. Et Napoléon, en réalité, est un très grand pragmatique", confirme Charles-Eloi Vial, docteur en histoire et conservateur à la BnF. "Ce n'est qu'après qu'il réfléchit sur ce qu'il a fait et se rend compte, peut-être, qu'il a eu tort. À Sainte-Hélène, il se rend compte que la postérité va lui reprocher ce rétablissement de l'esclavage. Il essaye même de faire affranchir des esclaves, parce qu'il essaye en quelque sorte de rattraper le coup."

"La position du siècle des Lumières sur l'esclavage n'était pas extrêmement claire", ajoute Charles Bonaparte, descendant de Napoléon, qui affirme que "dans ses écrits, il n'y a pas de traces de racisme au sens où on l'entend". "Probablement que fondamentalement, il n'était pas" esclavagiste, conclut-il, même s'il "partageait les préjugés" des gens de son temps. "Mais politiquement, il l'a été puisqu'il a rétabli la traite et l'esclavage."