Macron en Nouvelle-Calédonie : que retenir de son déplacement ?

Emmanuel Macron a multiplié les séquences mémorielles.
Emmanuel Macron a multiplié les séquences mémorielles. © Ludovic MARIN / AFP
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Antoine Terrel avec AFP
Emmanuel Macron a multiplié les séquences mémorielles, tout en affirmant ne pas vouloir "prendre parti" concernant le référendum sur l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie. 

À six mois d'un référendum à l'occasion duquel les Calédoniens se prononceront sur l'indépendance de l'archipel, et alors que l'histoire douloureuse du "Caillou" continue de hanter ses relations avec la Métropole, la visite d'Emmanuel Macron en Nouvelle-Calédonie était riche en enjeux. Après trois jours de déplacement, le voyage présidentiel s'est achevé samedi par le discours d'Emmanuel Macron, dans lequel il a refusé de prendre parti concernant le futur vote... tout en rappelant que la France "ne serait pas la même sans la Nouvelle-Calédonie". On vous refait le film.

Sur l'indépendance, l'art du "en même temps"

La prise de position du président de la République n'est pas une surprise. Avant de monter dans l'avion, jeudi depuis l'Australie, Emmanuel Macron avait prévenu qu'il "n'avait pas à prendre position" quant au choix des Calédoniens, qui devront dire le 4 novembre s'ils veulent "que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante". Dans son discours au théâtre de l'île devant le gouvernement de Nouvelle-Calédonie, les élus, les chefs coutumiers, les représentants de la société civile et les responsables économiques, le président de la République a réaffirmé qu'il "ne prendrait pas parti". "Ce n'est pas au chef de l'État de prendre position sur une question qui est posée aux seuls Calédoniens", a-t-il ajouté. 

Mais Emmanuel Macron a toutefois appelé les Calédoniens à "ne pas faire reculer l'Histoire", et rappelé que la France "ne serait pas la même sans la Nouvelle-Calédonie". Une façon de réaffirmer - sans trop le dire - une préférence personnelle pour un maintien en France de la Nouvelle-Calédonie. Pendant la campagne présidentielle, l'ancien ministre de l'Économie avait déjà exprimé ce souhait que l'archipel reste "dans la communauté nationale". Il semble ne pas être le seul : mercredi, un sondage de l'institut local I-Scope, en partenariat avec la télévision Caledonia, indiquait que 59,7% des personnes interrogées était contre l'indépendance.  

Une séquence mémorielle risquée, mais réussie  

La journée de samedi était certainement la plus sensible du voyage de Macron, et suscitait à la fois l'inquiétude des élus locaux, et des désaccords au sein de la population de l'île. Placée sous le signe de la mémoire et des gestes symboliques, la séquence a pourtant été plutôt réussie par le chef de l'État. Premier président français à se rendre à Ouvéa, où l'assaut meurtrier contre la grotte où des indépendantistes retenaient des gendarmes en otage, le 5 mai 1988, avait durablement traumatisé l'archipel, Emmanuel Macron a tout d'abord déposé une gerbe à la gendarmerie de Fayaoué à la mémoire des quatre gendarmes tués le 22 avril 1988 lors de l'attaque de la brigade, et des deux militaires morts pendant l'assaut. 

Sous les applaudissements de plusieurs centaines d'habitants, le président a planté un cocotier, symbole de vie dans la culture kanak. Il avait à ses côtés un des fils d'Alphonse Dianou, chef du commando FLNKS qui attaqua la brigade de Fayaoué et fut tué lors de l'assaut le 5 mai dans des conditions controversées.

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Des couronnes ont ensuite été déposées sur trois plaques, à la mémoire des deux leader Kanak, Jean-Marie Tjibaou, et Yeiwené, et à celle de Djubelly Wea, l'indépendantiste opposé aux accords de Matignon qui les assassina le 4 mai 1989.

Mais c'est la visite suivante, celle du mémorial de Wadrilla où sont enterrés les 19 Kanaks tués lors de l'assaut de la grotte, qui suscitait de fortes résistances. Un collectif d'habitant de Gossanah, où se trouve la grotte, menait campagne depuis mi-avril pour s'opposer à la venue présidentielle, qualifiée de "provocation". Vendredi, une femme avait notamment interpellé le président. "Je vous demande de ne pas aller à Ouvéa, surtout pour respecter la décision des familles qui ne sont pas prêtes à vous recevoir là-bas", a-t-elle plaidé, avant de lancer au président : "vous allez laisser les familles se déchirer si vous allez à Ouvéa". 

Conséquence, Emmanuel Macron a clairement joué la carte de l'apaisement, ne déposant pas de gerbe sur le mémorial, "pour apaiser tout le monde" et "compte tenu de cette voix dissidente". Le président est donc resté en retrait de l'autre côté de la route, laissant aux familles des victimes le soin de déposer une gerbe. Au final, Emmanuel Macron a donc été chaleureusement accueilli et remercié par la population présente, touchée par sa présence en "ce moment fort".

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Enfin, juste avant son discours, samedi matin toujours, le président de la République s'est rendu au Centre culturel Tjibaou de Nouméa, où il a remis au gouvernement collégial les deux actes de prise de possession de ce territoire, les 24 et 29 septembre 1853, au nom de Napoléon III. "En décidant de remettre ces deux actes de possession, je voulais signifier que nous ne sommes plus au temps de la possession, nous sommes au temps des choix et d'une prise de responsabilité collective", a notamment expliqué Emmanuel Macron.

Un geste à forte portée symbolique qui a été reçu favorablement par l'exécutif de ce territoire très autonome. Avec ce geste, "vous allez marquer l'Histoire de la Nouvelle-Calédonie", a notamment déclaré Jean-Philippe Germain, président du gouvernement local. 

Inquiets, les anti-indépendance se sont fait entendre

Si le président a donc laissé clairement entendre que sa préférence allait vers un maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la communauté nationale, il faudra sans doute plus que des allusions pour rassurer les anti-indépendance. Et vendredi, près de 4.000 personnes favorables au camp loyaliste ont défilé dans les rues de Nouméa, pour défendre la Nouvelle-Calédonie française.

"L'idée est de montrer au président de la République et aux Métropolitains que la majorité des Calédoniens veut rester dans la République française", expliquait notamment Sonia Backes, présidente des Républicains Calédoniens, qui déplorait notamment à propos de la visite présidentielle le "peu de séquences qui peuvent valoriser ces Calédoniens, qui veulent rester français". La marche était également soutenue par le Rassemblement-LR et le Front national.