Macron a-t-il réussi son discours devant le Congrès ?

Emmanuel Macron voulait marquer les esprits. Ce n'est pas totalement réussi.
Emmanuel Macron voulait marquer les esprits. Ce n'est pas totalement réussi. © Eric FEFERBERG / POOL / AFP
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 Le président de la République s’est exprimé pendant près d’1h30 à Versailles. Certaines annonces ont marqué les esprits, mais l’exercice n’est pas totalement réussi, selon plusieurs observateurs. 
ON DÉCRYPTE

Emmanuel Macron veut bouleverser les traditions politiques, et la première étape, c’était lundi, devant le Congrès réuni à Versailles. Le président de la République a développé pendant 1h28 sa vision de l’exercice du pouvoir, mais aussi fait quelques annonces, parmi lesquelles la baisse du nombre de parlementaires ou l’introduction de la proportionnelle lors des prochaines législatives. Le chef de l’Etat a voulu marquer les esprits, mais y est-il parvenu pour autant ? "Je ne dirais pas que l’exercice est réussi", répond Philippe Moreau-Chevrolet, professeur de communication politique à Sciences-Po. "Ce n’était pas raté non plus, mais c’était un peu superflu", insiste le président de MCBG Conseil.

" Ce n’est pas quelqu’un qui sait parler aux foules "

Le bilan est mitigé d’abord sur la forme. "Emmanuel Macron voulait un grand discours présidentiel. Grand, il l’a été par la durée", ironise ainsi Antonin André, chef du service politique d'Europe 1. Certains ont donc pu trouver le temps long, d’autant que le chef de l’Etat a pu parfois paraître austère. "Emmanuel Macron n’est pas un grand orateur. On a tendance à l’oublier, mais ce n’est pas quelqu’un qui sait parler aux foules", rappelle Philippe Moreau-Chevrolet. "Dans ses meetings, il avait un système très organisé d’applaudissements, ce n’est évidemment pas la même chose devant le Congrès", poursuit le communicant.  

Stéphane Rozès tempère. "Emmanuel Macron n’est pas un tribun comme Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, comme l’étaient Philippe Séguin ou même François Mitterrand. Son style est plus terne, plus neutre, mais ses mots sont très choisis et sa prose presque lyrique", estime le président de CAP, professeur à Sciences-Po et HEC. Sur la durée ? "Les parlementaires sont des personnes capables de rester pendant 1h30 à écouter un discours. Comme il a choisi la parole rare, il faut du temps pour développer sa pensée", répond-il.

" C’est lui qui incarne ce qui tient la nation "

Reste à savoir si le message d'Emmanuel Macron a été entendu. "Il a clairement fait passer le message que c’est le président de la République qui fixe le cap et le gouvernement qui décline ces grandes orientations. C’est lui qui incarne ce qui tient ensemble la nation", juge Stéphane Rozès. Est-ce à dire qu’il a effacé du paysage politique Edouard Phlilippe, son Premier ministre, qui doit prononcer son discours de politique général mardi devant l’Assemblée ? "Il a évité cet écueil, lui prendre tout l’espace", juge Antonin André. "De ce point de vue-là, il a plutôt réussi son coup.

"Son coup de force, c’est d’avoir réuni le Congrès et de réussir à annoncer aux parlementaires des mesures qui sont quand même très strictes pour eux. Il a édicté un programme institutionnel dans l’air depuis de nombreuses années", analyse de son côté Philippe Moreau-Chevrolet. "Mais il a abordé des sujets qui n’intéressent pas forcément les Français", regrette ce spécialiste de la communication politique.

" L’Elysée commence à être trop petit pour lui "

"Il va peut-être devoir bientôt sortir du balancement qui est le sien. Il aurait été plus simple de dire : ‘voilà comment la France sera dans cinq ans’. Il ne veut pas se lier les mains sur la destination. Il dit plus la méthode que le cap", analyse encore Stéphane Rozès. "Maintenant, il faut voir s’il aura la capacité politique de faire passer ses mesures. En général, ce type de réforme institutionnelle d’annonce ne se traduit pas dans les faits. C’est donc un peu dangereux", prévient de son côté Philippe Moreau-Chevrolet. "C’est comme dire qu’il va répéter l’exercice tous les ans. Il faut voir si ça tient sur le long terme. Ce n’est pas la même chose face à un Parlement qui sera peut-être moins docile, avec une opposition plus structurée.

Reste, le cadre, grandiose, du château de Versailles. "C’est la deuxième fois qu’il utilise Versailles (après la réception de Vladimir Poutine fin mai. On sent que l’Elysée commence à être trop petit pour lui", sourit Philippe Moreau-Chevrolet. "Il préfère utiliser Versailles pour faire passer des messages, donner une image globalisée internationale, forte. Pour cela, ce cadre est en effet plus adapté", valide le communicant.