Le Président français souhaite se réengager dans les Balkans occidentaux face aux ingérences étrangères 3:19
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Vincent Hervouet
Officiellement à la tête de l'Union Européenne le 1er janvier prochain, Emmanuel Macron a déjà établi des priorités. Le Président français souhaite se réengager dans les Balkans occidentaux face aux ingérences étrangères (surtout chinoises). Emmanuel Macron dénonce les puissances régionales qui cherchent, à travers les Balkans, à déstabiliser l'Europe. Dans son édito international, Vincent Hervouet revient sur ce dossier.

Parmi les nombreuses priorités de la présidence française de l'Union Européenne, Emmanuel Macron a expliqué vouloir se réengager dans les Balkans occidentaux face aux ingérences étrangères. Par ces mots, le Président de la République parle de de l'arrière cour de l'Europe, son flanc Sud-Est. Les confettis dans les journaux ne parlent qu'à la page du foot ou à la rubrique des faits divers des pays dont on se soucie seulement quand ils sont en guerre. Serbie, Bosnie, Kosovo, Monténégro, Macédoine du Nord, Albanie.

Depuis vingt ans, ils piétinent à la porte de l'Union Européenne, attendant de rejoindre le dernier qui y soit entré, la Croatie. Ils sont dans le sas, mais la porte est murée. Ils le savent, sans oser le dire. L'Europe le sait, sans l'avouer. Tout le monde sait comme si cette perspective d'adhésion, qui est une illusion d'optique, suffisait à conjurer le pire. Et le pire. C'est la fatalité des Balkans, c'est la guerre.

Les accords de Dayton, un monstre juridique

Il se trouve que le feu couve actuellement dans tous ces pays, surtout en Bosnie-Herzégovine. Vous souvenez, en 1995, des Américains ont enfermé les chefs de guerre de l'ex-Yougoslavie dans une base aérienne au milieu de nulle part. Trois semaines sous pression dans les champs de l'Ohio. Ça a marché. De guerre lasse, pourrait-on dire. Ils ont signé les accords de Dayton pour la Bosnie, un monstre juridique, une Fédération croato-musulmane, plus une mini république serbe avec un système de gouvernement rotatif et un haut représentant international pour coiffer le tout et veiller au grain.

Bernard Henri Lévy était content. L'utopie d'un Etat multi-ethnique était sauvée. Le miracle est que cet échafaudage tient depuis un quart de siècle. La paix règne en République de Bosnie-Herzégovine. Mais en ville, on ne trouve presque plus de Serbes ou de Croates. Ils ont tous filé en territoire croate ou serbe, ou à l'étranger. La paix. Mais chacun chez soi. Et partout, la corruption massive, les réseaux mafieux, le clientélisme. On recommence à stocker du riz et du sucre. La faute aux leaders nationalistes, évidemment. Dayton leur a donné les clés. Le leader croate voudrait un Etat croate. Il l'a répété mardi à Bruxelles. Le leader serbe paralyse les institutions collégiales. Et cet automne, il a annoncé une nouvelle armée serbe. Et alors? Là, toutes les sirènes se sont mises à hurler.

Les six mois de présidence ne suffiront pas

Emmanuel Macron dénonce les puissances régionales qui cherchent, à travers les Balkans, à déstabiliser l'Europe. Bien sûr, les Russes et les Turcs ont leurs protégés. Mais c'est ce qu'ils font dans les Balkans depuis des siècles. Il y a un nouvel acteur, la Chine. Elle a quasi acheté le Monténégro. Il faudrait surtout parler de l'aveuglement des Européens. Ils ont emboîté le pas aux Américains qui ont reconnu l'indépendance du Kosovo. De quoi inspirer les Croates et les Serbes de Bosnie, évidemment. Pourquoi n'auraient-ils pas droit au même traitement? Surtout qu'ils ont en face d'eux des milliers de moudjahidines venus d'Afghanistan ou du Golfe, qui ont fait souche après la guerre et peuplent les mosquées que les Saoudiens leur ont construit depuis 20 ans. L'Europe s'est contentée de payer dans les Balkans une pluie d'euros qui s'est évaporée.

Il est temps de mettre un terme aux négociations d'adhésion qui ne mènent nulle part, d'offrir une vraie perspective, un partenariat stratégique, d'organiser un marché commun régional, par exemple, d'investir dans l'éducation, l'énergie, le développement, que sais-je? En tout cas, les six mois de la présidence française (quatre mois plus deux) n'y suffiront sûrement pas. Mais il y a urgence. Et si elle réussit à initier le mouvement, eh bien, elle n'aura pas perdu son temps de présidence.