Les Républicains : cette primaire qui écrase le parti

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© JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP
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Alors que chacun prépare la primaire de son côté, le parti dirigé par Nicolas Sarkozy peine à trouver ses marques.

Comment faire vivre un parti lorsque ses principaux ténors roulent chacun pour leur compte ? C'est toute la difficulté pour Nicolas Sarkozy, qui cherche à s'afficher en garant de l'unité des Républicains malgré la course à la primaire. Son dernier mantra : bâtir "un projet d’alternance commun qui engagera tous ceux qui seront candidats". Une volonté répétée par l'ancien chef de l'Etat samedi, lors du campus des Jeunes Républicains au Touquet, mais qui suscite des moues désapprobatrices chez ses rivaux.

Un rôle remis en cause. Pour Nicolas Sarkozy, le défi est de taille, et il ne concerne pas que le programme. Bien des fonctions du parti sont en effet remises en cause par le bal des prétendants à l'Elysée. Pourquoi Les Républicains devraient-ils engranger des adhérents, alors qu'il ne sera pas nécessaire d'avoir sa carte pour voter à la primaire ? Pourquoi s'acharner à organiser des évènements si les ténors se croisent huit minutes pour afficher un semblant d'unité, comme à La Baule début septembre ? Pourquoi alimenter les caisses d'un parti encore lourdement endetté, alors que chacun récolte des fonds dans son coin ?

"Ils sont dans une logique de compétition. Chacun gère son écurie", admet Eric Woerth, interrogé par Europe1.fr. Mais pour l'ancien ministre, chargé par Nicolas Sarkozy de coordonner le projet des Républicains, "les idées des uns et des autres sont en réalité partagées à 80 ou 90%" par l'ensemble du parti. Eric Woerth n'est donc pas inquiet pour la constitution d'un "corpus commun" pour 2017. Un autre cadre influent se montre plus sceptique : "il n'y a pas de ligne du parti. A l'arrivée, ce sont les propositions de chaque candidat qui seront regardées".

Stratégies individuelles. ll faut dire qu'à droite, chacun a ses idées et y tient. La crise migratoire a encore donné un exemple du manque d'unité sur certains sujets brûlants. Surtout, depuis plusieurs mois, chaque candidat - déclaré ou non - fait bûcher ses équipes sur son programme. Alain Juppé vient de publier un ouvrage sur l'école, le premier de ses quatre livres-programmes prévus jusqu'à novembre 2016. François Fillon a déjà dévoilé ses propositions sur des sujets comme le logement, l'immigration ou le numérique. Quant à Bruno Le Maire, il a réuni le week-end dernier les cadres de sa future campagne pour un séminaire de travail dans les Landes.

Des stratégies individuelles qui empêchent le parti de représenter toutes ses composantes au quotidien. Un exemple : mercredi, Les Républicains organisent une "matinée de travail sur la politique d'immigration". Nicolas Sarkozy sera présent, mais pas trace d'Alain Juppé, François Fillon ou Bruno Le Maire. Et la grosse majorité des élus qui interviendront sont des soutiens de l'ancien chef de l'Etat, comme Brice Hortefeux, Roger Karoutchi ou Eric Ciotti.

 

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Organiser la primaire, la grande mission du parti. En réalité, le rôle majeur - pour ne pas dire unique - du parti est désormais d'organiser la fameuse primaire. "C'est sûr, ça change tout", concède le député Thierry Solère, qui préside le comité chargé de mettre le scrutin sur les rails. "Mais pour nos électeurs, la situation est plus facile maintenant qu'en 1995, lorsque Chirac et Balladur se déchiraient devant tous les Français. On a désormais une compétition claire". Même si le mode de désignation est totalement inédit à droite et vient bouleverser un appareil encore imprégné d'héritage gaulliste. "Historiquement et culturellement, nous sommes un parti bonapartiste qui n'a qu'une vocation : conduire son chef à l'Elysée. La primaire vient totalement perturber ce rôle", constate le député juppéiste Benoist Apparu.

Désormais chargé d'arbitrer entre les prétendants, le parti Les Républicains parviendra-t-il à rester impartial ? Ne va-t-il pas devenir une machine de guerre au service de Nicolas Sarkozy, solidement installé aux commandes ? Nominations, fichiers d'adhérents, déplacements sur le terrain financés par le parti : la position de l'ancien chef de l'Etat lui offre des avantages. "C'est à double tranchant : il doit gérer la puissance du parti, mais aussi sa lourdeur", le défend un proche.

Chez ses rivaux, on se persuade qu'avoir la main sur le parti ne fait pas tout. "Alain Juppé a choisi de ne pas se présenter à la présidence du parti. C'est une prise de risque parfaitement assumée", affirme Benoist Apparu. Un soutien de Bruno Le Maire se rassure en rappelant que le corps électoral de la primaire sera bien plus large que les troupes des militants des Républicains. "Trois millions de personnes ont voté à la primaire de la gauche, 150.000 adhérents ont voté à l'élection du président de l'UMP" en novembre 2014, fait-il valoir.

Unité de façade. En attendant, Nicolas Sarkozy tente malgré tout de se poser en gardien de la concorde. Même si personne n'est dupe, même pas lui. Samedi, devant les militants réunis au Touquet, l'ancien chef de l'Etat a en effet ironisé sur l'unité de façade des ténors. "On est assez dignes et intelligents pour se comprendre, s'accepter, se supporter et faire comme si on s'entendait bien", a d'abord lancé Nicolas Sarkozy. Avant d'ajouter au milieu des rires : "je vous assure qu'on finit par le croire !" Pour combien de temps ?