L'émission politique de France 2 bouleversée par une fusillade sur les Champs-Elysées

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L'émission spéciale de France jeudi soir a été bouleversée par la fusillade sur les Champs-Elysées. © Martin BUREAU / POOL / AFP
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Les échanges de tir qui ont eu lieu sur l'avenue jeudi soir sont intervenus au beau milieu de l'émission politique spéciale de France 2. Une situation difficile à gérer, tant pour les journalistes que pour les candidats.

Le bal des candidats a bien commencé dès 20 heures, comme prévu, avec des questions classiques sur leur parcours et leur projet, leur vision de l'économie ou leurs éventuels regrets alors que la campagne présidentielle arrive à son terme. Mais peu après 21 heures, l'émission politique mise en place spécialement par France 2 jeudi soir, au cours de laquelle les onze prétendants à l'Élysée ont pris la parole successivement, a pris un tournant inattendu.

Pendant de longues minutes, le programme est apparu en complet décalage avec l'actualité dramatique. Sur les Champs-Elysées, à Paris, un homme armé a tiré sur des policiers, en tuant un et en blessant grièvement deux autres. L'attaque, liée peu après par le ministère de l'Intérieur à un acte terroriste et revendiquée ensuite par Daech, n'a pas été commentée immédiatement, laissant une étrange impression de flottement sur le plateau.

Un problème pour les journalistes comme pour les candidats. Le problème s'est posé autant pour les journalistes que pour les candidats invités. Fallait-il que les premiers posent une question là-dessus, au risque de briser une égalité de traitement entre les candidats -les premiers étant passés avant que l'évènement ne survienne-, et alors qu'il n'y avait que peu d'informations disponibles ? Les seconds devaient-ils se risquer à parler spontanément d'un sujet si brûlant alors qu'ils ne disposaient pas de tous les éléments et que de nombreuses rumeurs contradictoires circulaient encore ?

Finalement, 45 minutes après les faits, David Pujadas et Léa Salamé ont interrompu leur programme pour donner l'information rapidement, juste avant le passage de Philippe Poutou.

Poutou ne dévie pas. Les candidats, eux, ont adopté diverses stratégies. Pour Jean-Luc Mélenchon, Nathalie Arthaud, Marine Le Pen, François Asselineau, Benoît Hamon et Nicolas Dupont-Aignan, la question ne s'est pas posée lors de leur entretien, intervenu avant l'annonce du drame. Philippe Poutou, premier participant à l'émission à prendre la parole après, a choisi de ne pas en dire un mot mais a été rattrapé par le contexte. Le représentant du NPA souhaite en effet désarmer la police et a continué de défendre son idée. "On pense que la police au contact de la population au quotidien n'a pas besoin d'être armée", a-t-il martelé, mentionnant "les flics [qui] font chier les jeunes dans les quartiers". Si cette revendication est loin d'être nouvelle au NPA, elle était difficilement audible dans ces circonstances.

Macron s'empare du sujet. Emmanuel Macron, lui, a été le premier à s'emparer du sujet. Le fondateur d'En Marche! est venu sans l'objet qu'il était censé, comme les autres candidats, apporter sur le plateau. Et a préféré "parler de ce qui vient de se passer". L'ancien ministre de l'Économie, qui marchait sur des œufs en raison du peu d'informations disponibles, a voulu endosser le costume d'un présidentiable. "La première mission d'un président, c'est de protéger", a-t-il déclaré avec un air grave. "Cette menace, elle fera partie du quotidien des prochaines années." Sa conclusion a pour lui été l'occasion d'enfoncer le clou. "Je veux vous protéger, j'y suis prêt."

Rumeurs et fausses informations. Logiquement, une première réaction en a appelé d'autres. Et certains candidats n'ont pas échappé au piège de l'information erronée. Ainsi, Jean Lassalle, comme David Pujadas d'ailleurs, a évoqué un deuxième policier décédé alors que le ministère de l'Intérieur venait juste de démentir cette rumeur. De même, François Fillon, passé en dernier, a évoqué "d'autres violences dans Paris" alors que la place Beauvau assurait l'inverse une dizaine de minutes plus tôt.

Fillon adapte son discours… Le candidat Les Républicains a, lui, largement adapté son intervention aux circonstances, consacrant la quasi-intégralité de son temps de parole à ce sujet. Avec un avantage sur ses concurrents : lors de son passage, le lien entre la fusillade et une piste terroriste avait été confirmé par les autorités. "La lutte contre le terrorisme doit être la priorité absolue du prochain président", a-t-il asséné, prônant des rapprochements avec la Russie et l'Iran. Les circonstances lui ont également permis de glisser que "Bachar el-Assad est un danger pour la Syrie mais pas pour le reste du monde pour le moment". Le vainqueur de la primaire de la droite a également insisté sur la nécessite de veiller à la "transparence absolue du financement du culte musulman" et de combattre les "pressions intégristes" au sein de ce culte.

…comme Marine Le Pen. Dans sa conclusion, François Fillon s'est montré plus ferme encore, annonçant l'annulation de la fin de sa campagne. "Il n'y a pas lieu de [la] poursuivre", a-t-il justifié. Marine Le Pen, elle, a également profité de sa reprise de parole finale pour s'étendre sur la fusillade. "Je suis éprise du sentiment que tout n'est pas fait", a-t-elle déclaré, se positionnant plus que jamais comme la candidate de la fermeté. "C'est fini le laxisme, c'est fini la naïveté. Il faut de la lucidité, il faut du courage." Elle aussi, comme Fillon, a annoncé l'annulation de ses déplacements vendredi.