Le travail de sape d'Édouard Philippe et d'Alexis Kohler pour évincer Gérard Collomb

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Jean-Michel Aphatie, édité par Anaïs Huet , modifié à
Au lendemain de la démission de Gérard Collomb du ministère de l'Intérieur, Jean-Michel Aphatie nous révèle les coulisses du départ de ce lieutenant d'Emmanuel Macron, l'un des premiers à l'avoir suivi.

>> Après plusieurs jours de tergiversations, Gérard Collomb n'est plus ministre de l'Intérieur. Sa démission a finalement été acceptée par Emmanuel Macron, mardi soir. Mais l'origine de ce bouleversement au sein du gouvernement date de plusieurs mois, et découle notamment d'une volonté commune portée par deux hommes forts du gouvernement. L'éditorialiste politique d'Europe 1 Jean-Michel Aphatie nous retrace la chronologie de ce qui s'apparente à une éviction calculée.

"Tout commence au printemps dernier. Deux personnages font le siège d'Emmanuel Macron en lui disant qu'il faut sortir Gérard Collomb du gouvernement : le Premier ministre Édouard Philippe, et le secrétaire général de l'Élysée Alexis Kohler. L'argument des deux hommes : Gérard Collomb ne tient pas la boutique, n'est pas à la hauteur du travail demandé, et ne protège pas le chef de l'État.

Pendant tout le printemps, Emmanuel Macron résiste à Alexis Kohler et à Édouard Philippe, par amitié pour Gérard Collomb. Ce dernier est d'ailleurs informé de la lutte que les deux hommes mènent contre lui, et cela mine son moral. Dès lors, il commence à imaginer son retour à Lyon.

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Le 18 juillet, l'affaire Benalla est révélée dans Le Monde. Il est acquis pour tout le monde que ce sont des policiers qui ont informé le journal de la présence d'Alexandre Benalla le 1er mai aux côtés des policiers. Pour Édouard Philippe et Alexis Kohler, c'est la preuve supplémentaire que Gérard Collomb ne tient pas ses troupes.

Le 23 juillet, Gérard Collomb se présente devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale. Sa défense est aberrante. 'Moi, premier flic de France, je ne savais rien, on ne m'a rien dit, je découvre tout', dit-il en substance. Quand des députés lui demandent s'il connaissait Alexandre Benalla, directeur de la sécurité d'Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle, c'est le mensonge XXL de Gérard Collomb, qui répond : 'Je ne le connaissais pas, je n'en avais jamais entendu parler, je n'en savais strictement rien, je ne l'avais jamais rencontré.'

Emmanuel Macron va beaucoup reprocher à Gérard Collomb la ligne de défense qu'il choisit dans cette affaire. Édouard Philippe en profite pour lui dire qu'il faut le virer. Une faille se crée dans la relation entre le chef de l'État et le ministre de l'Intérieur. Mais la rupture intervient le 10 septembre, lors d'un dîner à l'Elysée. Il réunit Gérard Collomb, Emmanuel Macron et son épouse Brigitte. Cette dernière reproche au ministre de les avoir abandonnés dans l'Affaire Benalla.

C'est à ce moment que Gérard Collomb conçoit son interview à L'Expressle 18 septembre, dans laquelle il annonce son intention de rentrer à Lyon et de quitter le gouvernement en juin 2019. Depuis, Gérard Collomb est chaque jour un peu plus déprimé place Beauvau. À ce moment, son épouse, Caroline Collomb, intervient pour mettre un terme à ce qui apparaît comme un calvaire pour son mari.

Lundi soir, Gérard Collomb va donc trouver Emmanuel Macron, qui le retourne une dernière fois. À son retour place Beauvau, Caroline Collomb le rappelle à l'ordre et lui intime de partir. Mardi soir, c'est terminé : Gérard Collomb démissionne.

L'une des conséquences de cet épisode, c'est la faille qui s'est créée entre Édouard Philippe et Emmanuel Macron, car ils n'ont pas du tout la même sensibilité pour gérer les hommes et les situations.

Emmanuel Macron a soutenu Gérard Collomb au-delà de toute raison. De l'avis général, il ne restera pas comme un grand ministre de l'Intérieur."