Le Code du travail réformé par ordonnances, premier avis de tempête pour le président Macron ?

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Emmanuel Macron président, il légifèrera sur le Code du travail par ordonnances. Sauf que les contestations sont nombreuses. © ALAIN JOCARD / AFP
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Emmanuel Macron a prévu de légiférer par ordonnances pour réformer le Code du travail. La gauche et les syndicats sont vent debout, et le projet est contesté jusque dans son camp.  

Ce sera le premier chantier d’ampleur du président Macron. Et son premier dossier brûlant. Le premier qui risque de se heurter à une contestation sociale d’importance, à faire descendre des manifestants dans la rue. Emmanuel Macron a prévu de réformer le Code du travail dès l’été, après les législatives, pour insuffler de la flexibilité dans les textes, sur la durée du travail ou le licenciement facilité. Et il veut le faire par ordonnances pour aller plus vite, c’est-à-dire en ne sollicitant le Parlement qu’au tout début et qu’à la toute fin du processus (voir plus bas). Et ça, ça déplaît à beaucoup de monde, sur le fond comme sur la forme.

  • La gauche et les syndicats prêts au combat

Concernés au premier chef, puisque la législation par ordonnances zappe par définition le dialogue social, les syndicats sont à l’affût. Et ils préviennent qu'ils ne se contenteront pas de la "concertation accélérée" voulu par le nouveau président. "S'il persiste dans l'idée de faire des ordonnances au mois de juillet, ça veut dire qu'il va balayer le dialogue social et la concertation: il y aura problème d'une manière ou d'une autre, donc on attend de voir", a assuré Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force Ouvrière (FO), lundi sur France Info. Même la CFTC, peu radicale, a estimé que "mettre en place les conditions d'un dialogue apaisé et constructif avec chacune des composantes du pays constitue un prérequis pour mener à bien les réformes indispensables à la santé économique et sociale de la France".

Déjà une manifestation. Certains ne sont pas si attentistes. Des sections CGT, SUD ou Unef et des associations, qui n'ont jamais accepté la fin de la bataille contre la loi Travail, ont voulu marquer le coup en manifestant en début d’après-midi place de la République. Plusieurs milliers de personne se sont rassemblées, peut-être les prémices d’un troisième tour social qui pourrait aller crescendo en fonction de l’attitude du futur chef de l’Etat.

"Irresponsable". Et ce n’est pas la gauche qui calmera les ardeurs des syndicats. Au contraire. "Il a prévu de modifier le code du travail à coups d'ordonnances. C'est dire ‘je sais que la France est un baril de poudre mais j'ai prévu de gratter une allumette au-dessus’", a jugé Alexis Corbière lundi sur LCI. "C'est irresponsable et ça, il le sait", a ajouté le porte-parole de Jean-Luc Mélenchon. "Ce qui s’est passé sur la loi Travail se repassera inévitablement si on légifère par ordonnances" avait affirmé Benoît Hamon, le candidat PS, le 11 avril depuis son QG de campagne. "C’est la démonstration que M. Macron n’a rien compris aux aspirations démocratiques profondes de ce pays", avait taclé le candidat PS.

"Nous préparer à mener de nouvelles batailles". Pour un autre ex-candidat à la présidentielle, la première réaction à l’élection d’Emmanuel Macron a été autrement plus offensive. "Il faut nous préparer à mener de nouvelles batailles, nous unir pour préparer la résistance face au rouleau compresseur d'un Macron qui déclare vouloir gouverner par ordonnances pour imposer son programme antisocial", écrivait le porte-parole du NPA dans un communiqué. "Une période de combat est devant nous, et nous devons organiser le 'tous ensemble', les mobilisations tous azimuts, pour inverser le rapport de forces, construire un front pour défendre dans l'unité nos droits sociaux et démocratiques", a-t-il ajouté.

  • Des dissensions dans le camp Macron

"Une différence, admet Bayrou. Et même parmi les proches et soutiens d’Emmanuel Macron, la méthode n’est pas plébiscitée. François Bayrou a ainsi admis lundi "une différence" sur ce point. "Les ordonnances, c'est une méthode dans laquelle on fait le constat que les choses sont bloquées et elles l'ont été depuis des années", a jugé le président du MoDem sur Franceinfo. "Je sais depuis longtemps que quand on a des décisions qui sont difficiles à prendre, c'est bien d'avancer, mais c'est bien en même temps de dialoguer, et d'essayer de trouver la meilleure démarche possible", a-t-il conseillé.

Les préconisations de France Stratégie. Enfin France Stratégie se montre elle aussi méfiante. Difficile de classer politiquement l’instance rattachée au Premier ministre, sauf que son ancien commissaire général, Jean-Pisani Ferry, a rejoint En Marche ! en janvier 2017. Dans un rapport remis vendredi à Bernard Cazeneuve, l’organisme de réflexion et d’orientation économique préconise un dialogue étroit avec les partenaires sociaux, via une "phase de concertation suffisante". Cela pourrait prendre la forme d'une "association des partenaires sociaux, en continu, aux travaux de la commission de refondation", dont la mise en place est déjà prévue. Sauf qu’Emmanuel Macron, chargée de la lancer, veut agir dès cet été, quand le calendrier de ladite commission définit pour l’heure une fin de mission en août… 2018.

Syndicaux, politiques et même institutionnels… Les obstacles sont donc nombreux pour Emmanuel Macron dans ce délicat dossier. Le futur président de la République passera là son premier test de chef d’Etat. De l’issue de cette première lutte dépendra une grande partie du reste de son quinquennat.

 

Les ordonnances comment ça marche ?

Le recours aux ordonnances est prévu par l'article 38 de la Constitution de 1958. Le Parlement vote d'abord une loi d'habilitation, qui précise sur quels sujets et pendant quelle période le gouvernement peut prendre des ordonnances. Celles-ci sont adoptées en Conseil des ministres, après avis (consultatif) du Conseil d'Etat, et signées par le président de la République.

Une ordonnance entre en vigueur dès sa publication au Journal officiel, mais elle doit être ensuite ratifiée par le Parlement, faute de quoi la loi devient caduque. Même s'il ne débat pas des textes, le Parlement est donc consulté au début et à la fin de la procédure. D'où l'enjeu des élections législatives de juin pour Emmanuel Macron.