Le budget 2023 de l'État définitivement adopté après dix recours à l'article 49.3

Assemblée nationale
En deux mois, le gouvernement aura déclenché dix fois l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, afin de faire passer sans vote les budgets de l'État et de la Sécurité sociale. © Quentin De Groeve / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
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avec AFP
L'Assemblée nationale a rejeté ce samedi la motion de censure déposée par l'alliance de gauche Nupes, entraînant l'adoption définitive du projet de budget de l'État pour 2023. Ce débat faisait suite au déclenchement du 49.3 par Élisabeth Borne jeudi, pour la dixième et dernière fois sur un texte budgétaire cet automne.

Le Parlement a adopté ce samedi définitivement le projet de budget 2023 de l'État, après le rejet d'une ultime motion de censure de la gauche à l'Assemblée, point final d'un automne rythmé par dix recours à l'arme constitutionnelle du 49.3. Dans un hémicycle peu fourni, la coalition Nupes a étrillé un "mauvais budget qui ne répond ni à l'urgence sociale ni à l'urgence écologique", et surtout un cycle "qui aura abîmé la démocratie" par l'usage répété du 49.3. "Nous vous demandons de partir", a demandé David Guiraud (LFI) à Elisabeth Borne. Mais leur motion n'a recueilli que 101 voix, loin de la majorité absolue (288 voix).

En deux mois, le gouvernement aura déclenché dix fois l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, afin de faire passer sans vote les budgets de l'État et de la Sécurité sociale. Une telle cadence n'était plus arrivée depuis l'automne 1989, quand le Premier ministre Michel Rocard était privé de majorité absolue au Palais Bourbon, comme Elisabeth Borne depuis les législatives de juin.

12 motions de censure

Au total, 12 motions de censure ont été défendues cet automne, soit plus que "sous Michel Rocard, Edith Cresson et Pierre Bérégovoy réunis", a relevé la Première ministre, s'interrogeant sur les raisons d'"un tel acharnement à vouloir faire tomber le gouvernement", spécialement de la part des insoumis. "C'est sans doute pour masquer une certaine gêne" car "ce texte répond aux aspirations des Français, aux besoins des plus précaires, aux attentes des collectivités et des entreprises, au soutien à nos services publics", a estimé Elisabeth Borne.

Dans une ambiance houleuse, elle a aussi taclé les "leçons de démocratie" de LFI, à l'heure où plusieurs cadres du mouvement de gauche contestent vertement la composition de la nouvelle direction. Ni la droite, ni l'extrême droite n'ont soutenu cette ultime motion de l'année. "Les motions sont des leurres, une parodie", a lancé Lionel Tivoli (RN), quand Véronique Louwagie (LR) faisait valoir que "l'intérêt du pays demeure notre seule boussole". Mais le groupe LR va saisir le Conseil constitutionnel, jugeant le projet de loi de finances "insincère" et le droit d'amendement "non respecté". La Nupes va faire de même.

Véronique Louwagie a formé le voeu que le gouvernement "renonce" au 49.3 en 2023 et tende "systématiquement vers le compromis". "Les élections sont encore proches. C'était la première fois que nous examinions le budget, avec cette configuration dans notre Assemblée nationale. Notre méthode se construit. Elle avance", a répondu la Première ministre.

"Rhume de l'économie"

Parmi les mesures phares du budget : un bouclier tarifaire pour contenir à 15% la hausse des prix de l'énergie, des hausses de salaires pour les enseignants et une priorité aux ministères régaliens. Mais en pleine période de vie chère, le débat s'est focalisé sur les appels de la gauche et du RN à taxer les "superprofits" des grandes entreprises comme le pétrolier Total ou l'armateur CMA CGM.

Nupes et extrême droite ont réclamé une taxe large. L'exécutif leur a opposé un accord scellé au niveau européen avec deux mécanismes : "une contribution temporaire de solidarité" des producteurs et distributeurs de gaz, charbon et pétrole qui rapporterait quelque 200 millions à la France, et un plafonnement des revenus des producteurs d'électricité, susceptible de faire rentrer dans les caisses 11 milliards supplémentaires.

La tension s'est cristallisée sur des amendements votés par l'Assemblée, mais écartés par le gouvernement dans la version du budget soumise au 49.3. C'est le cas d'une mesure proposée au sein même de la majorité, par le MoDem, pour augmenter la taxation des "superdividendes" des actionnaires de grandes entreprises, et qui avait reçu un large soutien des oppositions. Le gouvernement privilégie un travail en cours sur le "partage de la valeur" au sein de l'entreprise, pour favoriser l'intéressement ou le "dividende salarié".

L'exécutif a en revanche intégré à la dernière minute un amendement instaurant une participation financière des salariés lorsqu'ils utilisent leur compte personnel de formation (CPF), provoquant du remous jusque dans la majorité. Les députés d'opposition contestent la prévision de croissance du gouvernement de 1% du PIB, jugée trop optimiste, soulignant qu'Emmanuel Macron a lui-même parlé d'une croissance plutôt autour de "0,5 ou 0,7% en 2023". Car les nuages s'amoncellent, avec la flambée des prix de l'énergie et des produits alimentaires depuis la guerre en Ukraine, une consommation en berne et une production industrielle en repli.

L'Insee a décrit jeudi dernier le "rhume passager" de l'économie française marquée par une contraction du PIB au dernier trimestre 2022 pour rebondir légèrement en 2023. La récession serait évitée, mais un pic d'inflation est attendu à 7% sur un an en janvier et février. Soit une rentrée inflammable, alors que le gouvernement compte dévoiler les grandes lignes de sa réforme controversée des retraites le 10 janvier.