L'Aquarius, à la dérive dans un océan d’égoïsmes

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Hélène Jouan, chef du service politique d'Europe 1 , modifié à
L’Aquarius, ce bateau transportant 629 migrants secourus au large de la Libye, et dont l’Italie n’a pas voulu, fait désormais route vers l’Espagne.

Un bateau à la dérive, des hommes et des femmes en perdition, et une Europe à vau l’eau. Le spectacle de ces dernières quarante-huit heures est un naufrage pour tout le monde. Chacun aura joué pendant cette séquence de ses égoïsmes nationaux et de ses intérêts particuliers.

La France détourne la tête. Le silence d’Emmanuel Macron a été particulièrement critiqué en France, et a placé l’Elysée sur la défensive. "Le temps médiatique de l’émotion n’est pas celui du pouvoir", y plaide-t-on. "Il s’agissait de savoir qui était à bord, il s’agissait aussi ne pas tomber dans le piège des italiens". Un piège, quel piège ? La Ligue du Nord et le Mouvement 5 étoiles ont fait toute leur campagne sur les migrants et l’abandon de l’Europe. Evidemment, il y a "cynisme et irresponsabilité du gouvernement italien". Mais quand le gouvernement français verrouille sa frontière à Vintimille, quand la France connait l’un des taux les plus bas d’Europe en matière de demandes d’asile, quand elle n’a rempli que le quart de ses engagements en matière de relocalisation, soit 5.000 personnes venus d’Italie ou de Grèce, les autorités italiennes ont beau jeu d’ironiser sur les leçons de morale et de solidarité de la part de pays "qui ont préféré longtemps détourner la tête".

Montée des populismes. Reste l’urgence humanitaire. Si la politique n’était qu’une affaire de morale, les Eespagnols ont gagné le point haut la main en acceptant d’être terre d’accueil pour quelques 600 migrants. Mais tous les autres ? Chaque pays européen est en prise avec son opinion publique, et en Europe, les scrutins se suivent et se ressemblent : le rejet de l’accueil des migrants amène partout l’extrême droite au pouvoir ou à ses portes. 

Aquarius : qui sont les réfugiés à bord ?

Une réforme européenne du système d'asile. En France, pris en étau entre sa majorité embarrassée, une gauche qui réclame plus d’humanité - quand elle a échoué à le prouver au pouvoir -, et une droite et extrême-droite qui exigent une fermeté absolue, Emmanuel Macron plaide que l'une des solutions passe par la stabilisation des pays d’émigration, comme la Libye, pour tarir l’afflux, par l’établissement de "postes avancés". Mais sa demande de réforme du système d’asile au niveau européen est aujourd’hui au point mort. Rejetée la semaine dernière par les ministres de l’intérieur des 27, elle sera à l’ordre du jour du sommet européen à la fin du mois, sans plus de chance de succès. Il y aura d’autres Aquarius, d’autres coups de force des uns et des autres avant que l’Europe n’offre une autre image que celles de ses 27 intérêts particuliers.