Jacques Cheminade, le dernier tour de piste d'un ovni de la présidentielle

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Jacques Cheminade assure : ce sera sa dernière participation à la présidentielle. © JOEL SAGET / AFP
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Romain David
Habitué de l’élection présidentielle, Jacques Cheminade a réuni les 500 parrainages nécessaires pour candidater au scrutin.
REPORTAGE

Et de trois ! Jacques Cheminade a candidaté à chaque élection présidentielle depuis 1988, mais n’a jamais réussi à réunir les 500 parrainages, et donc à se qualifier formellement, qu’à deux d’entre elles en 1995 et en 2012. Il vient de renouveler l’exploit, affichant un total de 528 signatures. Fin février, Europe 1 s’est rendu dans les locaux de Solidarité et Progrès, à la rencontre du candidat.

Sur les murs s’accumulent les affiches de campagne, certaines décolorées remontent aux années 1980, et retracent un parcours de trente ans, essentiellement consacré à la conquête de l’Elysée. Jusqu’à ce dernier slogan : "2017, libérons-nous de l’occupation financière". Dans cette ancienne manufacture clichoise, à quelques mètres de l’hôpital Goüin, à la fois siège du parti Solidarité et Progrès et QG au candidat, une trentaine de militants, salariés et bénévoles, s’activent sur deux niveaux au service de la campagne.

Pour les parrainages, les équipes ont ratissé large, bien au-delà des élus sans étiquettes, généralement privilégiés par les petits candidats. Il y a bien sûr les parrains de 2012, "qui parfois sont devenus des amis, et puis on appelle tous les maires, dans tous les départements, sauf ceux des grandes villes, déjà sous la tutelle d’un parti", assure Sébastien Périmony, le président de Solidarité et Progrès. Dans le grand espace du sous-sol, derrière un rideau que l’on nous écarte brièvement, une petite dizaine de militants ont contribué pour beaucoup à l’exploit, passant des coups de fil sans relâche. Fin février, au plus fort de la quête des parrainages, la pièce avait tout d’un état-major à la veille d’une grande bataille ; sur chaque table un téléphone, et partout des cartes de France et des départements consciencieusement stabilotées. "Nous n’avons pas du tout de technique d’argumentaire. Ça c’est nul. Les maires l’identifient tout de suite. Ce qui les intéresse d’abord, c’est de discuter avec des militants engagés, de parler du programme", expliquait alors l’une des responsables du parti.

Un petit "nouveau" de 75 ans

Jacques Cheminade lui-même n’a pas hésité à décrocher son téléphone pour relancer les édiles et obtenir le précieux sésame. À 75 ans, cet Auvergnat né en Argentine, ancien membre du ministère de l’Economie, passé par HEC et l’ENA, est le doyen des candidats à l’élection présidentielle. Si son visage est désormais connu des Français, le personnage l’est beaucoup moins. "Le système n’a jamais voulu de moi", lâche-t-il. "Je suis vraiment le candidat hors-système ! Tous sont dans le système : une Rama Yade qui a déjà été ministre, un Macron qui a été ministre, qui a fait toute sa carrière en étant le chouchou de François Hollande, et François Fillon, qui se prétend nouveau dans sa sensibilité politique, mais qui a été Premier ministre de Sarkozy. Je suis le vrai nouveau dans cette élection, quoi qu’étant le plus expérimenté", veut-il faire valoir.

Un programme lunaire ?

Une nouveauté toute relative pourtant, avec un programme qui emprunte beaucoup à celui qu’il avait déjà présenté en 2012. Son axe politique : une loi bancaire de séparation des activités de dépôt et d’investissement, déjà promise par le candidat Hollande, et une politique de crédits publics "où ce que l’on fera grâce à ce crédit sera remboursé par les investissements que l’on aura réalisés". Un programme qui doit passer, pour lui, par une sortie de l’Euro, de l’UE et de l’OTAN. En 2012, sur le plateau de Des paroles et des Actes, Jacques Cheminade avait eu quelques difficultés à faire valoir sa vision économique, les aspects plus lunaires de son programme ayant suscité de nombreuses interrogations, à l’image de son vaste projet de conquête spatiale : un investissement de 500 milliards de dollars, à l’échelle mondiale, avec comme objectif une colonisation de Mars et une industrialisation de la Lune. Cette ambition, qui n’a pas vraiment servi sa crédibilité, figure toujours dans son programme, mais cette fois, le candidat refuse de s’y attarder : "Je crois qu’il est très loufoque de dire qu’un projet spatial ne doit pas être dans une présidentielle. Mais ce qui me paraît tout à fait loufoque, c’est que l’on ne parle pas, ou presque pas, de politique internationale ou européenne", balaye-t-il.

Jacques Cheminade continue de s’inspirer des thèmes développées par Lyndson LaRouche, homme politique américain inclassable, proche des théories complotistes sur les origines de la Seconde Guerre mondiale ou du 11 septembre, et réputé pour ses sorties homophobes, climatosceptiques ou, plus récemment, sur Barack Obama. Le site de Solidarité et Progrès multiplie les références à ce nonagénaire que Jacques Cheminade a côtoyé dans les années 1970, ce qui lui a valu d’être fiché par le FBI. "J’en suis très fier", clame-t-il, dénonçant à l’égard de son mentor "une intoxication française par les milieux du NSA, de la CIA et du FBI".

Baroud d’honneur

Peu présent dans les médias entre deux élections présidentielles, Jacques Cheminade assure ne pas rester inactif entre deux scrutins. Il a mis en ligne une chronologie – peu fournie – de ses interventions durant le quinquennat, et publie chez L’Harmattan le recueille des éditoriaux rédigés depuis 5 ans pour Nouvelle Solidarité, le journal du parti. Même lui-même le reconnaît, son intérêt se porte d’abord sur l’Elysée et la magistrature suprême, même si, n’ayant jamais dépassé 0,3% des voix, ses chances restent particulièrement faibles.

"L’élection présidentielle est la plus ouverte, et la plus juste possible. Dans une présidentielle, on a le matériel électoral qui est financé par l’Etat et, quel que soit le nombre de voix, un remboursement des dépenses jusqu’à 750.000 euros [800.423 euros pour les candidats ayant fait moins de 5% des suffrages exprimés, ndlr]", fait-il valoir. Dans ce cas, faut-il s’attendre à une énième candidature en 2022 ? "Non, c’est la dernière fois", souffle le vétéran. "Il y a des jeunes derrière moi qui sont très capable de la relève".