Joconde 5:05
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Laure Dautriche, Blandine Hugonnet, édité par Anaïs Huet , modifié à
Le maître de la Renaissance est au cœur d'une polémique depuis plusieurs mois entre la France et l'Italie de Matteo Salvini. Le 500ème anniversaire de la disparition du génie, jeudi, sera-t-il l'occasion de faire la paix ?

La France va célébrer en grande pompe jeudi l'anniversaire des 500 ans de la disparition de l'un des plus grands artistes de tous les temps, le maître italien Léonard de Vinci. Pour l'occasion, Emmanuel Macron et son homologue italien, Sergio Mattarella, se rendront dans les châteaux du Val-de-Loire où le génie a séjourné. Une visite qui sonne comme une réconciliation entre les deux pays, après plusieurs mois de tensions autour du maître et de son œuvre.

"Les Français ne peuvent pas tout avoir. Ces tableaux nous appartiennent"

Tout a commencé en novembre dernier. Rome s'était engagée à prêter tous ses tableaux du maître toscan au Louvre, pour une exposition prévue en octobre 2019. L'accord, négocié de longue date, avait été conclu par l'ancien ministre des Biens culturels Dario Franceschini. Mais ce membre du Parti démocrate, de centre-gauche, a depuis été remplacé. En novembre, donc, c'est une petite phrase de la secrétaire d'État italienne à la Culture, Lucia Borgonzoni, qui a mis le feu aux poudres. "Les Français ne peuvent pas tout avoir. Ces tableaux nous appartiennent. (…) Léonard, hormis le fait d'être un génie reconnu dans le monde entier, est un grand Italien. Et pourtant, certains voudraient remettre cela en doute. Nos collègues de l'autre côté des Alpes veulent le faire passer pour un Français, mais non", avait alors dénoncé cette membre de la Ligue (extrême droite).

Un enjeu diplomatique pour l'Italie de Salvini

La Ligue considère que prêter la quasi-totalité des œuvres de Léonard de Vinci à la France revient à léser les Italiens. Pas question donc de les laisser partir en France. Sur ce point, l'autre membre de la coalition, le Mouvement 5 étoiles, est d'accord. Ces derniers temps, la Ligue s'est emparée de cet argument dans la presse et les meetings pour en faire un enjeu diplomatique, sur fond d'opposition sur l'accueil des migrants ou le soutien italien aux "gilets jaunes". Le gouvernement se sert de la polémique pour s'en prendre à nouveau à sa cible préférée : la France d'Emmanuel Macron. Pour alimenter encore un peu plus le sentiment anti-Français, l'extrême droite surfe aussi sur ce mythe persistant : les Français ont volé la célèbre Mona Lisa. Ainsi, en mars dernier, Matteo Salvini ne s'est pas gêné pour demander que la Joconde revienne à l'Italie.

Pour que l'Italie accepte de prêter ses tableaux de Vinci à l'automne, une demande a été formulée d'obtenir en retour d'illustres toiles. Ils veulent la Joconde, mais pour les experts, c'est "hors de question", en raison de l'extrême fragilité du tableau. De toute son histoire, la Joconde n'a d'ailleurs quitté que deux fois la France, pour aller aux États-Unis et au Japon. La France répond qu'il est légitime que la Joconde reste en France, parce qu'elle a été achetée à la Renaissance par le roi François 1er.

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Léonard de Vinci, plus Français qu'Italien ?

Dans cette polémique, c'est l'identité même de Leonard de Vinci qui est discutée. Les Italiens martèlent que l'artiste a passé presque toute sa vie en Italie. Côté français, on rétorque que Léonard de Vinci a lui-même choisi de venir passer les trois dernières années de sa vie en France, à l'invitation du roi François 1er, emportant dans ses sacoches de cuir la Joconde, des manuscrits et d'innombrables carnets.

"Petit à petit, Léonard a perdu un certain nombre de ses protecteurs en Italie. Il fait le choix de la France, car il pense que c'est le meilleur pour les années qu'il lui reste à vivre, et parce que le roi de France est incontestablement le plus puissant d'Europe occidentale à cette époque", explique Jean-Louis Sureau, le directeur du château d'Amboise où se trouve encore aujourd'hui une copie du testament du maître. "Quand Léonard accepte l'invitation du roi de France, il sait très bien que c'est son dernier voyage, car sa santé est déjà assez faible. Ça ne retire rien à Léonard d'être devenu Français, et ça ne retire rien à l'Italie qu'il soit devenu un génie universel. Bien au contraire, c'est une gloire pour l'Italie, et une gloire pour la France." Dans son testament, Léonard de Vinci écrit d'ailleurs qu'il souhaite rester sous la protection du roi François 1er après sa mort. Il est enterré dans la toute petite chapelle qui jouxte le château d'Amboise.

Aujourd'hui, le climat semble apaisé entre la France et l'Italie. Les tableaux de Leonard de Vinci viendront bien en France, confirme Europe 1 mercredi. Un accord a été passé, et deux listes d'œuvres ont même été constituées : celle des tableaux que l'Italie va prêter à la France, et celle des œuvres de Raphäel que la France prêtera à l'Italie en retour.