En politique, "Georges Clémenceau est véritablement un modèle insurpassable"

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Anaïs Huet
Du général de Gaulle à Emmanuel Macron, de la droite à la gauche, Georges Clémenceau reste pour la politique française un défenseur des valeurs républicaines dont tous veulent se faire les héritiers.
ANALYSE

Georges Clémenceau, ce visage à la fois doux et grave, cette moustache blanche fournie, et cette stature d'homme d'Etat, stratège guerrier et faiseur de paix. Encore aujourd'hui, pour beaucoup d'hommes et de femmes politiques, celui qu'on a surnommé "Le Tigre" et le "Père La Victoire" reste un modèle, un héros républicain. C'est le cas d'Emmanuel Macron qui, mardi encore sur Europe 1, a cité les mots de l'ancien président du Conseil. Mais pourquoi fascine-t-il toujours autant ? À l'occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale, les historiens Bruno Fuligni et Jean Garrigues ont retracé son parcours chez Wendy Bouchard, .

Une éloquence marquante. "Georges Clémenceau est l'un des rares hommes politiques de cette période que tout le monde identifient", soutient d'abord Bruno Fuligni. Le 11 novembre 1918, c'est lui qui vient dans l'hémicycle, au Palais Bourbon, pour annoncer la fin de la Grande guerre, et la signature de l'armistice. "Si la date du 11 novembre a pris cette importance, c'est aussi parce que Clémenceau l'a annoncé de façon absolument grandiose", rappelle le spécialiste. "Le discours prononcé ce jour-là est en effet resté dans les annales de la politique française".

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Le courage et l'exemple. Il faut dire que le ministre de la Guerre avait déjà un sens de la communication aigu. Jean Garrigues, auteur du Monde selon Clemenceau, sorti en 2017 aux éditions Tallandier, en veut pour preuve ses visites au front, "relayées par la presse illustrée de l'époque". "On voyait sa photographie et ça frappait les esprits", assure-t-il. "On a des archives filmées où on le voit dans les tranchées, dans des zones si proches du front que certains officiers supérieurs n'y mettaient pas les pieds. Lorsqu'il a motivé la population, il a vraiment donné l'exemple", précise Bruno Fuligni. Une abnégation et un courage qui forcent le respect, d'autant plus que le Tigre était alors âgé de 76 ans. "C'est un très vieil homme qui a connu l'invasion prussienne de 1870, et il est l'âme d'une forme de revanche", note-t-il.

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Un modèle aussi pour le général de Gaulle. Le poids historique de Georges Clémenceau lui confère le profond respect des politiques d'hier et d'aujourd'hui, qu'ils soient d'ailleurs de droite ou de gauche. "C'est une figure qui peut convenir à tout le monde : à la droite parce qu'on l'identifie au Père La Victoire, au patriote. Et à la gauche, car il ne faut pas oublier qu'au début de sa carrière, il siégeait à l'extrême gauche. C'est un anticlérical, un révolutionnaire", indique le spécialiste. "Le général de Gaulle se référait lui-même à Clémenceau à la BBC, à cet 'esprit de la résistance'. Il lui rendait hommage de manière ostensible après la guerre, allant même sur sa tombe", note Jean Garrigues.

Et pour tous les présidents. Depuis, tous les présidents ont fait référence à cette figure d'exemplarité pour défendre les valeurs républicaines qui lui étaient chères. "C'est très frappant de voir qu'Emmanuel Macron, qui veut incarner une nouvelle vision de l'histoire, d'une génération qui n'a pas connu les grands conflits mondiaux ni les conflits de décolonisation, s'empare de Clémenceau comme d'une figure de rassemblement, un modèle de résistance aux dictatures, et d'énergie pour résoudre les problèmes qui se posent à la France", analyse Jean Garrigues. Mort en 1929, Georges Clémenceau reste "véritablement un modèle insurpassable", poursuit l'historien.

Bien sûr, Georges Clémenceau a été contesté en son temps. "Qui ne l'est pas en politique ?", questionne Bruno Fuligni. "Mais la mémoire collective va retenir un moment de l'histoire qui nous fait oublier tout le reste."