Macron 6:16
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Jacques Serais et Manon Fossat , modifié à
"Les non-vaccinés, j'ai très envie de les emmerder. Et donc on va continuer de le faire, jusqu'au bout. C'est ça, la stratégie", a déclaré mardi le chef de l'Etat dans les colonnes du "Parisien". Des propos qui ont provoqué l'indignation de l'opposition mais qui sont pourtant le fruit d'une communication bien réfléchie.

Emmanuel Macron a déclaré mardi, dans un entretien au Parisien, être décidé à "emmerder" les non-vaccinés "jusqu'au bout" en "limitant pour eux, autant que possible, l'accès aux activités de la vie sociale". Des propos loin de passer inaperçus et qui n'ont pas manqué de faire réagir, entraînant même une nouvelle suspension de l'examen du projet de loi sur le pass vaccinal à l'Assemblée. De Jean-Luc Mélenchon à Eric Zemmour en passant par Valérie Pécresse, la scène politique française a répondu au chef de l'Etat. Mais cette communication est en réalité parfaitement maîtrisée par Emmanuel Macron.

Fracturer la droite

Cela n'a rien d'un dérapage. En effet, on est loin de la petite phrase sortie à la va-vite, et pas réfléchie. Cet entretien avec les lecteurs du Parisien a duré deux heures à l'Elysée. Et cette formule "emmerder les non-vaccinés", le chef de l'Etat la prononce à deux reprises. "C'est ça la stratégie", insiste Emmanuel Macron, qui juge même les anti-vaccins "d'irresponsables". Et à ses yeux, "les irresponsables ne sont plus des citoyens".

Des propos chocs et extrêmement clivants. Et si le locataire de l'Élysée les prononce, c'est qu'il y trouve un intérêt. D'abord, cela lui permet, en cette rentrée de janvier, de se replacer au centre de la campagne. On ne parle que de lui. Surtout, avec ce procédé, il vise son objectif inavoué de fracturer la droite fragilisée.

Sa principale concurrente à la présidentielle, Valérie Pécresse, défend le pass vaccinal et ses troupes sont très partagées sur la question. En se montrant cash et ferme, Emmanuel Macron prépare le terrain à ses soutiens pour qu'ils pointent cette faille des LR, qu'ils montrent en quelque sorte que le camp Pécresse n'a pas la capacité de gouverner puisqu'il est incapable d'être d'accord sur ce sujet fondamental. Toujours est-il que hors micro, les plus proches conseillers du président sont très satisfaits de cette séquence. 

Les mots d'un candidat

Il n'y a plus de doute, Emmanuel Macron endosse le costume de candidat. "Il n'y a pas de faux suspense. J'ai envie", explique-t-il au sujet de la présidentielle. Il attend simplement que la situation sanitaire s'améliore pour se déclarer officiellement. Mais ses mots sont bien ceux d'un candidat. Après le président bienveillant qui faisait son méaculpa le mois dernier, cède la place donc aujourd'hui au candidat transgressif. 

Invité sur Europe Midi, Frédéric Micheau, directeur général adjoint d'OpinionWay, a jugé que sur la forme les propos du président sont "choquants". "C'est un propos qui est vulgaire, qui ne correspond pas au niveau d'expression qui est attendu du chef de l'Etat. Il y a des précédents. On se rappelle du propos de Nicolas Sarkozy lors d'un Salon de l'agriculture qui avait été aussi mal perçu et qui avait abîmé son image présidentielle", explique-t-il. 

Condescendance et arrogance

"C'est un propos qui traduit aussi une forme de condescendance et qui réactive l'image d'arrogance qui colle au président de la République depuis plusieurs années et qui vient aussi saper tout le travail qu'il avait effectué, notamment lors de l'interview du 15 décembre", a-t-il poursuivi. "Son rôle c'est évidemment de rassembler et de travailler à la cohésion nationale. Et son propos est antagoniste, il crée des divisions dans la société."

Pour Frédéric Micheau, Emmanuel Macron vient en effet nourrir le bras de fer avec les non-vaccinés. "Il les renforce et les fortifie dans leur position. Il aurait dû évidemment assumer sa stratégie de contrainte, mais aussi poursuivre un travail de conviction et de pédagogie pour lever les dernières réticences", a-t-il encore affirmé. Selon lui, toutes les catégories de la population vont être touchées par ces déclarations. "Il va y avoir une lecture politique et même électorale de ses propos. Ce n'est pas forcément une bonne façon de commencer une année électorale."