ÉDITO - Quatre ONG attaquent l'État pour inaction climatique : "On demande aux juges de faire de la politique", dénonce Jean-Michel Aphatie

Jean-Michel Aphatie sur Europe 1 3:00
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Jean-Michel Aphatie
Notre éditorialiste politique Jean-Michel Aphatie regrette que la plainte déposée jeudi par quatre ONG contre l'État, accusé d'inaction climatique, déplace l'écologie du champ politique vers le terrain juridique.
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C'est une initiative historique : en portant plainte auprès du tribunal administratif, quatre ONG attaquent jeudi l'État français, qu'elles jugent responsable de ne pas suffisamment agir en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Pour notre éditorialiste Jean-Michel Aphatie, il s'agit là rien de moins qu'un "dévoiement de la justice".

"Cette plainte est sérieuse. L'État français pourrait être condamné comme l'a été l'État néerlandais l'année dernière. Aujourd'hui [jeudi, NDLR], devant le tribunal administratif, Greenpeace France, Oxfam France, dirigé par Cécile Duflot, Notre affaire à tous et la Fondation Nicolas Hulot vont se présenter devant le juge administratif et déposer une plainte pour 'carences fautives' et 'actions défaillantes de l'État', donc du gouvernement, dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

C'est une initiative qui est accueillie avec beaucoup de sympathie par la presse et la pétition de deux millions de signataires [pour 'L'affaire du siècle', NDLR]. Mais cette initiative, à savoir saisir la justice contre le gouvernement, pose beaucoup de problèmes. 

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Ces associations expliquent que le gouvernement français n'est pas en mesure de respecter les accords internationaux concernant la lutte contre le réchauffement climatique. Elles avancent que, pour respecter ces accords internationaux, il faudrait 'instaurer une fiscalité socialement juste contre le changement climatique', 'donner la possibilité à tous de se déplacer proprement' et 'développer massivement les énergies renouvelables'. Sur les principes, on est d'accord. Les défendre dans le champ politique, on le comprend.

Mais comment un juge français peut-il déterminer ce qu'est une fiscalité 'socialement juste' ou 'socialement injuste' ? Le droit ne lui permet pas de dire ça. C'est la politique qui permet de le dire. Donc on demande aux juges de faire de la politique. Cette plainte des ONG est un dévoiement de la justice. On demande à la justice ce qu'elle ne peut pas donner. De la même manière, qu'est-ce que 'développer massivement les énergies renouvelables' ? Pour savoir si on développe assez ou pas ces énergies, il faut porter un jugement politique.

" Les ONG transforment le combat et veulent lui mettre un vernis juridique, mais ça ne tient pas debout "

Pourquoi les associations demandent-elles aux juges de faire de la politique ? Parce que l'écologie est un échec en politique. Cécile Duflot et Nicolas Hulot peuvent en témoigner. Elles transforment le combat et veulent lui mettre un vernis juridique. Mais ça ne tient pas debout, et c'est très dangereux parce qu'on ne peut pas faire des juges les arbitres des choix politiques.

Si le tribunal administratif instruit la plainte et condamne le gouvernement français, d'autres associations, comme celle luttant contre le chômage, pourront saisir le tribunal administratif en disant que le gouvernement mène une politique insuffisante contre le chômage. C'est une action qu'il faut condamner. Il faut espérer que le tribunal administratif n'instruise pas la plainte, pour déjouer ce qui s'apparente à une entreprise de démagogie. De la démagogie sophistiquée, certes, mais de la démagogie quand même."