ÉDITO - "Quand on ouvre un vrai débat, on ne peut pas chasser les vrais problèmes"

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Jean-Michel Aphatie
Sur Europe 1, Jean-Michel Aphatie déplore l'absence de plusieurs questions essentielles au "grand débat national", parmi lesquelles celles du pouvoir d'achat et des retraites.

"J'ai bien regardé la trentaine de questions formulées par Emmanuel Macron, sur l'organisation de l'Etat, la fiscalité ou l'écologie. Mais il n'y a aucune question sur le pouvoir d'achat. Pourtant, c'est ce qui a créé les 'gilets jaunes'. Et sans eux, il n'y aurait pas de 'grand débat'. C'est quand même un peu lunaire, non ?

Le président de la République, dans sa lettre, évoque le pouvoir d'achat. Il écrit ceci : 'certains d'entre nous sont insatisfaits ou en colère car les salaires trop faibles ne leur permettent pas de vivre dignement du fruit de leur travail.' La question derrière est évidente : comment faire pour que les gens qui travaillent puissent vivre de leur travail ?

Entendu sur europe1 :
Des gens vont venir témoigner de leurs difficultés à finir le mois, alors même qu'ils travaillent

Cette question, si elle n'est pas posée par Emmanuel Macron, va être posée dans le 'grand débat'. Des gens vont venir témoigner de leurs difficultés à finir le mois, alors même qu'ils travaillent. Ils vont raconter la vie de leurs amis, leurs voisins, des membres de leurs familles. In fine, que va-t-il se passer dans beaucoup d'endroits en France, va remonter la question qu'Emmanuel Macron avait cru mettre de côté le 10 décembre, à savoir : est-ce qu'il faut augmenter le Smic ou pas ? C'est ça la grande question. Et comme on sait qu'Emmanuel Macron va y répondre non, ça va sans doute être une grande déception.

 

Il y a une deuxième porte d'entrée pour le pouvoir d'achat : les retraités. Pourquoi sont-ils si nombreux sur les ronds-points ? En 2019, on a désindexé les retraites. Cela veut dire que bien que l'inflation prévue est de 1,7%, les pensions n'augmenteront que de 0,3%. Vous vous rendez compte de la perte de pouvoir d'achat ? Le gouvernement a fait cela pour une bonne raison, puisque la Sécurité sociale économise 1,8 milliard d'euros.

Entendu sur europe1 :
Tout cela montre que ce débat a été bricolé à la hâte pour répondre à la crise

Mais comme les retraités ne sont pas contents, ils vont investir le débat. C'est une composante essentielle du malaise français. Ils demanderont que l'on revienne sur la désindexation du système de retraite. Je vous conseille la lecture du Parisien ce matin. Gérald Darmanin, ministre des Comptes publics, illustre ce que veut dire 'botter en touche quand on vous pose une question embêtante'.

Tout cela montre que ce débat a été bricolé à la hâte pour répondre à la crise. Très bien, c'était sans doute ce qu'il allait faire. Mais les implications de ce débat sont multiples. Quand on ouvre un vrai débat, on ne peut pas chasser les vrais problèmes. Et ça, Emmanuel Macron doit s'y préparer."