ÉDITO - Européennes : "Macron prend des risques", selon Jean-Michel Aphatie

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Jean-Michel Aphatie
Les interventions multiples du chef de l'État lors de cette campagne des élections européennes peuvent l'affaiblir politiquement, estime notre éditorialiste Jean-Michel Aphatie, mardi.
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Une interview pour soutenir la campagne de La République en marche dans la dernière ligne droite des européennes. En accordant un entretien sur l'Europe aux quotidiens régionaux, mardi, Emmanuel Macron s'expose, à cinq jours du premier scrutin intermédiaire de son quinquennat. Il avait déjà appelé à faire battre le Rassemblement national, avec qui LREM est au coude à coude dans les sondages. Pour notre éditorialiste Jean-Michel Aphatie, cette stratégie est dangereuse pour la suite de son mandat.

"Avec ses interventions, Emmanuel Macron prend des risques de plusieurs natures. D'abord d'ordre psychologique, qu'on évoque peu : en remettant en scène le duel du second tour de l'élection présidentielle, Emmanuel Macron donne à l'élection européenne un sens qu'elle n'a jamais eu. Un peu comme les élections intermédiaires aux États-Unis, avec l'élection des représentants et des sénateurs qui peuvent inverser le rapport de forces avec le président. Là, c'est un peu la même chose : si la liste du Rassemblement national est en tête, on dira que Marine Le Pen est remise en selle et prend sa revanche sur la présidentielle. Alors que ça n'a rien à voir, c'est de la psychologie.

Des réformes portées avec moins de force ?

Les risques politiques, maintenant. Marine Le Pen a dit au futur, de manière impérative, à Milan, samedi, que si la liste du Rassemblement national arrive en tête, Emmanuel Macron devra démissionner. Ça, c'est du flan, c'est n'importe quoi : Emmanuel Macron restera évidemment en poste. Il ne changera peut-être même pas de Premier ministre !

Cela va en tout cas l'affaiblir politiquement. Dans une société déjà fracturée par les "gilets jaunes", une forme de défaite aux élections européennes rendrait plus difficile la réforme des retraites - par exemple - ou la réforme qui veut introduire la PMA, une réforme de société importante.

Entendu sur europe1 :
Il y a eu une erreur de casting avec Nathalie Loiseau, qui n'a pas d'autorité dans cette campagne électorale

On fera remarquer à Emmanuel Macron le fait que sa base électorale de la présidentielle et des européennes n'est pas très solide. Ça impacte un peu la force politique d'Emmanuel Macron et son projet européen, car dans cette élection... on ne parle pas d'Europe.

Il y a une autre dimension qu'il faut évoquer au travers de cette interview d'Emmanuel Macron. Ce n'est pas le fait qu'il s'engage : Nicolas Sarkozy s'était lui aussi engagé. Mais pourquoi le chef de l'État donne-t-il le sentiment de s'engager autant aujourd'hui ? D'abord, il y a eu une erreur de casting avec Nathalie Loiseau, qui n'a pas d'autorité dans cette campagne électorale.

Faible légitimité

Emmanuel Macron a une légitimité assez faible, car l'élection présidentielle de 2017 ne s'est pas bien passée, entre l'incident Fillon et le renoncement Hollande. Emmanuel Macron est un peu le produit du miracle et sa légitimité est donc difficilement transférable. Quand il y a un combat important, il est obligé d'apparaître en première ligne. Peut-être ne l'est-il pas beaucoup, mais il apparaît prendre toute la lumière dans son camp. Il apparaît vraiment solitaire. C'est là aussi une forme de risque.

Enfin, il faut signaler le panache d'Emmanuel Macron. Le Parisien, par exemple, titre cette interview : 'Je suis un patriote européen', une formule que je n'ai pas souvent entendue. Et au moment où l'Europe est aussi décriée, et puisque la nation européenne n'existe pas, se dire patriote européen, c'est une forme de panache qu'il faut saluer."