EDITO - Confinement : "Les Français peuvent avoir le sentiment d’avoir été trompés"

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Nicolas Beytout
Le Premier ministre Jean Castex a annoncé jeudi soir le reconfinement de près d’un tiers des français. Et ce au terme de semaines d’atermoiements, où tout aura été fait pour tenir le pari d’Emmanuel Macron de ne pas reconfiner le pays. Cet imbroglio aura un coût politique, pronostique notre éditorialiste Nicolas Beytout.
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Après des semaines d’hésitations et de déclaration contradictoires, particulièrement ces derniers jours, le gouvernement a annoncé jeudi soir par la voix de Jean Castex le reconfinement de près d’un tiers des Français, à partir de samedi. Pour notre éditorialiste Nicolas Beytout, cette valse-hésitation aura un coût politique pour Emmanuel Macron.

C’était assez inattendu : le Premier ministre a annoncé hier soir un 3ème confinement pour, grosso modo, un tiers des Français. Et malgré les tentatives de Jean Castex et du ministre de la Santé Olivier Véran, pour démontrer l’excellence de la performance française en matière de vaccination, le pays va payer cher le cafouillage français dans la campagne de vaccination. A ce jour, 1 Anglais sur 2 est vacciné, contre à peine 1 Français sur 10. On savait que notre sortie de la crise sanitaire dépendait de la course de vitesse entre le vaccin et les variants. C’est clair, et le chef de l’Etat l’admet lui-même, c’est le virus qui a gagné, il est devenu "le maître du temps".

Enfermement immédiat à la place d’un "retour à une vie plus normale"

Et donc, on pouvait en conclure qu’un reconfinement faisait partie des probabilités. Oui, mais non. Ou non, mais oui, comme vous voudrez. Si on écoute les médecins, oui, ils étaient nombreux à demander un nouveau confinement, et cela depuis fin janvier. Mais pardon, ce n’était pas du tout la tonalité du message délivré par le chef de l’Etat et son gouvernement. Depuis qu’il avait fait le pari de ne pas enfermer à nouveau la France (contrairement à l’Allemagne ou à l’Italie, par exemple), Emmanuel Macron faisait et disait tout pour justifier sa position. Il fallait tenir, encore quelques semaines difficiles, 4 à 6, "un horizon de plus en plus proche", disait le porte-parole du gouvernement.

C’était il y a 15 jours, et si je compte bien, il restait donc théoriquement un petit mois avant ce que le gouvernement appelait "le retour à une vie plus normale". Bon, à la place on a l’enfermement immédiat d’une partie du pays.

Des petites phrases qui distillent l’incompréhension

Parce que le virus et son variant anglais ont soudainement accéléré. C’est du moins ce que dit Jean Castex et c’est sûrement vrai. Mais pourquoi alors tout ce discours optimiste tenu encore mercredi soir par Emmanuel Macron devant des maires de la région parisienne ? Pourquoi avoir dit en public qu’en cas de reconfinement, la vie serait "impossible" ? Lutter contre le virus exige certainement d’adapter son discours au rythme de l’apparition des variants. Mais ne pas dire les choses clairement, laisser mariner pendant plusieurs jours une opinion publique sous pression, à laquelle on distille des petites phrases du genre : "On prendra les décisions qu’on doit prendre", c’est installer l’incompréhension.

Je ne sais pas si Emmanuel Macron a gagné ou perdu son pari de fin janvier dernier (après tout, on a gagné des semaines plus libres que celles qui s’annoncent maintenant pour une partie de la France). Peu importe que le chef de l’Etat se soit ou non trompé, ce qui est sûr, c’est que les Français peuvent avoir le sentiment d’avoir été trompés. Tout faire pour ne pas être prévisible, c’est nourrir la déception. Et politiquement, ce genre d’épisode a forcément un coût.