Débat de la primaire de droite : Sarkozy au centre du jeu mais isolé

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© Martin BUREAU / POOL / AFP
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Les propositions de l’ancien président de la République ont souvent été au cœur du débat de la primaire LR jeudi soir. Mais il a aussi été le plus ciblé. 

Nicolas Sarkozy n’a pas eu l’air de passer une bonne soirée jeudi soir. L’ancien président de la République participait, comme ses six concurrents, au premier débat de la primaire de la droite en vue de l’élection présidentielle. Au titre des satisfactions, ses soutiens pourront constater que ce sont ses propositions, souvent polémiques, qui ont souvent été les plus discutées. Mais aussi largement contestées. En outre, l’ex-chef de l’Etat a été aussi la principale cible des attaques de ses rivaux, Jean-François Copé en tête. Bref, Nicolas Sarkozy a été, comme sa position géographique, au centre du débat. Et au final, la soirée a eu comme un air de "Tout sauf Sarkozy".

La cible

Copé a eu la main lourde. C’est Jean-François Copé, qui, ce n’est un secret pour personne, a une sacrée dent contre Nicolas Sarkozy, a allumé la première mèche, et ce dès sa première prise de parole. "Il y a 10 ans en 2007, j'avais comme des millions de Français espéré en la rupture que proposait Nicolas Sarkozy pour notre pays. Cette rupture, malheureusement, on ne l'a pas faite, nous n'avons pas supprimé les 35 heures, on a baissé les effectifs de police, on a augmenté les impôts et on a perdu en 2012", a lancé l’ancien président de l’UMP. "On a gouverné ensemble", a rétorqué l’ancien président, mâchoires serrées.

Les principales attaques sont venues du même Jean-François Copé, qui n’a pas hésité par exemple à évoquer ouvertement la mise en examen de Nicolas Sarkozy dans l’affaire du financement de sa campagne présidentielle en 2012. "Si j’avais été mis en examen, je n’aurais pas été candidat. Je ne vise personne", a lancé le député-maire de Meaux. "C’est à chacun d’en décider. Pour ce qui me concerne, ça me paraissait incompatible. Chacun doit juger en sa conscience". Nicolas Sarkozy, visiblement agacé, a riposté, là encore : "Mon casier judiciaire, après 37 années de vie politique, est vierge. Est-ce que vous croyez vraiment que si j’avais quoi que ce soit à me reprocher, je me lancerais dans cette nouvelle campagne ?"

L’ancien président avait tout intérêt, puisqu’il fait partie des deux favoris des sondages, à ne pas s’emporter. Mais quand Jean-François Copé, encore lui, affirme que c’est grâce à lui que la loi sur l’interdiction de la burqa a été adoptée, contre son avis et celui de François Fillon, c’en est trop. "Ce n’est pas toi qui nous l’a imposée. Tu étais bien incapable d’imposer quoi que ce soit au président de la République ou au Premier ministre, pas plus hier qu’aujourd’hui", a-t-il lâché, cinglant.

Quelques tacles des autres candidats. Mais Jean-François Copé n’a pas été le seul à glisser quelques saillies à l’endroit de l’ancien président. Au cœur d’un échange sur le temps de travail des fonctionnaires, François Fillon a glissé : "il ne faut pas ruser avec les Français". Tout en jurant, sans convaincre personne, ne pas viser Nicolas Sarkozy. Même Nathalie Kosciusko-Morizet a profité d’un passage sur l’identité pour critiquer le récent discours de l’ancien chef de l’Etat sur les ancêtres gaulois de tous les Français. "Entre l’identité gauloise et l’identité heureuse, il y a l’identité française. On peut être français et breton, d’origine algérienne et même d’origine hongroise, a-t-telle glissé, en référence aux propres origines de Nicolas Sarkozy. Et quand en tout début démission, elle a taclé les défenseurs d’une "droite chimiquement pure", c’est le même adversaire qu’elle avait dans le viseur.

Isolé sur ses propositions chocs

Seul sur les fichés S. Les propositions de Nicolas Sarkozy, il en a été beaucoup question pendant le débat. Il faut dire que ces dernières semaines, l’ancien président n’a pas été avare de déclarations chocs. Mais force est de constater que ses rivaux ne sont pas convaincus. Bien au contraire. Sur sa volonté d’interner préventivement certains fichés S, c’est même une quasi-unanimité. Alain Juppé a réaffirmé qu’il "ne transige pas" sur la nécessité d’avoir l’aval d’un juge avant toute incarcération. François Fillon a balayé "un débat assez inutile", quand Jean-Frédéric Poisson a invoqué "des principes généraux du droit qui doivent s’imposer". Sans surprise, l’ancien président est resté droit dans ses bottes."

Seul sur l’assimilation. Là encore, sur l’un des thèmes favoris de Nicolas Sarkozy, il s’est retrouvé isolé. Lui qui prône l’assimilation des immigrés et non l’intégration, a fait face à un mur, parfois fait d’indifférence. Alain Juppé, Bruno Le Maire, et Jean-François Copé ont tous dit qu’à leurs yeux, et à ceux des Français qu’ils ont rencontrés, la différence entre les deux notions était bien floue. "On se perd dans tous ces débats", a soupiré François Fillon, résumant l’état d’esprit général.

Seul sur la baisse de l’impôt sur le revenu. C’est l’une des mesures phares de Nicolas Sarkozy en matière d’économie ; la baisse massive de l’impôt sur la fortune, notamment sur les classes moyennes, "qui ont été matraquées", comme il l’a répété jeudi soir. Là encore, guère d’échos chez ses adversaires. Tous ont dit leur préférence pour une baisse substantielle des charges pour les entreprises. Jean-Frédéric Poisson et Nathalie Kosciusko-Morizet ont même plaidé pour que tous les contribuables payent l’impôt sur le revenu.

Visiblement nerveux et tendu

Au final, le malaise de Nicolas Sarkozy a été plusieurs fois visible. Visiblement nerveux, parfois tendu à l’extrême, l’ancien président n’a manifestement pas apprécié de partager le plateau avec six autres candidats, et cela s’est vu, d’autant que le tirage au sort lui avait octroyé la place centrale. Un avantage qui a finalement presque tourné à l’inconvénient. Et s’il comptait refaire son retard sur Alain Juppé, c’est semble-t-il raté. Selon un sondage Elabe pour BFMTV, c’est bien le maire de Bordeaux qui a été le plus convaincant, pour 35% des personnes interrogées. Devant l’ex-chef de l’Etat (21%). Nicolas Sarkozy a désormais trois semaines pour préparer le prochain exercice similaire. Le second débat est en effet prévu pour le 3 novembre.