Primaire de la droite : beaucoup de chiffres, quelques coups

  • Copié
, modifié à
Les sept candidats se sont affrontés au cours d’un premier débat sur TF1. Longtemps technique sur l'économie, le débat a été plus tendu sur l'identité et les affaires.  

Les sept candidats de la primaire de la droite se sont enfin retrouvés face à face jeudi soir. Ou plutôt côte à côte, avec, de gauche à droite, Bruno Le Maire, Alain Juppé, Nathalie Kosciusko-Morizet, Nicolas Sarkozy, Jean-François Copé, Jean-Frédéric Poisson et François Fillon. Le débat a parfois été technique, notamment sur l'économie, mais a tout de même été marqué par quelques passes d'armes. 

LES PASSES D'ARMES

  • Brouille Copé-Fillon-Sarkozy sur la loi sur la burqa

Alors que la laïcité est au cœur du débat, Jean-François Copé se targue d’avoir fait voter la loi sur l’interdiction de la burqa quand il était président du groupe UMP à l'Assemblée, contre l'avis de Nicolas Sarkozy et François Fillon, qui formaient le couple exécutif. "Je me félicite qu’il y ait eu des progrès sur ce sujet ", sourit le maire de Meaux. A la grande surprise de l’ancien président de la République, François Fillon "rend hommage" à Nicolas Sarkozy sur cette question quelques minutes plus tard, répondant en creux à Jean-François Copé, qui s’insurge. "Non, c’est refaire l’histoire", tranche l’ancien Premier ministre. Puis Nicolas Sarkozy prend la parole, et tape fort : "Ce n’est pas toi qui nous l’a imposée. Tu étais bien incapable d’imposer quoi que ce soit au président de la République ou au Premier ministre, pas plus hier qu’aujourd’hui." 

  • Très animé sur les affaires

La tension monte d'un cran quand son évoquées les déboires judiciaires des uns et des autres. Alors que Bruno Le Maire plaide pour que les candidats à la présidence ait un casier vierge, Alain Juppé, clairement visé, répond. "Je tiens mon casier judiciaire à la disposition de Bruno. Tout le monde le connaît. Depuis, je me suis soumis au suffrage universel, j’ai perdu une fois, j’ai gagné trois fois. S’ils estiment que ma faute me disqualifie, ils ne m’éliront pas", assure le maire de Bordeaux. 

Quant à Nicolas Sarkozy, ciblé, encore une fois, par Jean-François Copé, qui a affirmé qui'il n'aurait pas été candidat s'il avait été mis en examen et par François Fillon et sa fameuse phrase sur De Gaulle mis en examen. "Ce ne sont pas des déclarations qui honorent ceux qui les profèrent. Mon casier judiciaire, après 37 années de vie politique, est vierge. Est-ce que vous croyez vraiment que si j’avais quoi que ce soit à me reprocher, je serai de nouveau candidat ?"

Jean-François Copé persiste. "Il y a deux ans et demi, j’ai été l’objet d’une attaque en règle, dans des conditions assez sordides, qui m’ont amené à démissionner de mon poste de président de l’UMP, en attendant que la justice confirme mon innocence. Ce qu’elle a fait.  Oui, si j’avais été mis en examen, je n’aurais pas été candidat. Je ne vise personne. C’est à chacun d’en décider. Pour ce qui me concerne, ça me paraissait incompatible. Chacun doit juger en sa conscience", insiste-t-il.  

Enfin François Fillon, accusé d'avoir sollicité Jean-Pierre Jouyet, secrétaire généra de l'Elysée, d'accélérer les procédures concernant Nicolas Sarkozy, une version confirmée par François Hollande dans un livre, répond de manière très virulente. "M. Jouyet est un menteur. Et je découvre que le président de la République français non seulement est incompétent, mais c’est en plus un manipulateur. Et j’ai honte pour mon pays. Quant aux deux journalistes, ils manquent pour le moins de déontologie." 

Enfin, alors que Nicolas Sarkozy assure qu'un ministre mis en examen n'a pas à démissionner sur la foi de la présomption d'innocence, Jean-François Copé reprend la parole. "Je ne vois pas comment un ministre mis en examen puisse sereinement travailler alors que la moitié de ses interviews porterait sur ces affaires." NKM abonde. "Ça doit être une initiative personnelle. Je ne souhaite pas qu’on en fasse une loi. C’est une question de décence par rapport à la fonction qu’on occupe. 

  • Echange Fillon-Sarkozy sur le temps de travail sur les fonctionnaires

L'ancien président de la République et et son ancien Premier ministre s'interpellent sur le temps de travail des fonctionnaires. "Il y a un problème dans le programme de tous mes concurrents sur la baisse de la dépense publique. Elle ne peut être pratiquée que s’il y a une augmentation du temps de travail des fonctionnaires", lance François Fillon. "Si on a moins de fonctionnaires, il vont travailler plus. C’est pour ça qu’ils travailleront 37 heures", rétorque Nicolas Sarkozy. Réponse du député de Paris : "C’est pour ça que je suis à 500.000 emplois car je propose 39 heures. Il ne faut pas ruser avec les Français". Nicolas Sarkozy est un brin cinglant : "Tout ça, c’est du détail. Ce qui compte, c’est qu’ils doivent travailler plus. Ils seront payés plus et moins nombreux." 

DEBAT D'IDEES

  • L'identité fait débat

Sans surprise, sur la question de l'identité, les désaccords sont nombreux. Alain Juppé est modéré. "Il faut respecter cette diversité qui fait notre richesse. A condition que ça ne tombe pas dans le communautarisme et que ça renforce notre bien commun. Voilà ce que j’ai appelé une forme d’identité française qui j’en suis sûr pourra être à nouveau heureuse", sourit-il. Bruno Le Maire réfute le terme d’identité, "qui enferme", mais plaide pour la culture commune. 

Jean-François Copé est plus radical. "Ma proposition, c’est d’en finir avec le droit du sol pour les enfants nés en France de parents étrangers. Au lieu que ce soit automatique, ce soit une nationalité d’adhésion. Il y a derrière cela un rendez- vous de nationalité", propose-t-il. Ça ne plait pas à Nathalie Kosciusko-Morizet. "Entre l’identité gauloise et l’identité heureuse, il y a l’identité française. On peut être français et breton, et même d’origine hongroise. Le droit du sol il ne faut pas y toucher." 

Intégration, assimilation ? "On se perd dans tous ces débats", soupire François Fillon. "La seule question qu’il faut se poser, c’est celui du nombre de personnes qu’on peut accueillir", estime-t-il. Nicolas Sarkozy conclut : "Je veux la suspension du regroupement familial, la modification de l’article 8 de la déclaration des droits de l’homme. L’assimilation, c’est juste ma réponse au droit à la différence". 

  • Sur les fichés S, Sarkozy ne convainc pas

Encore une fois, Nicolas Sarkozy est bien seul, sur la situation des fichés S en l'occurence, puisqu’il est le seul à proposer un internement préventif de certains d’entre eux. Alain Juppé "ne transige pas", il veut l’intervention d’un juge. François Fillon juge ce débat "assez largement inutile. Mes propositions sont beaucoup plus radicales. Je dis qu’on peut retirer la nationalité française à toutes les personnes qui combattent contre la France en Syrie et en Irak.  C’est très simple, ils ne rentreront pas. Deuxièmement, ion applique le code pénal qui permet de condamner toute personne qui a des relations avec l’ennemi. Enfin, on expulse les étrangers qui constituent une menace." Jean-Frédéric Poisson approuve : "L’application actuelle de la loi est suffisante pour lutter contre la menace. Il y a des principes généraux du droit qui doivent s’imposer, je suis donc opposé à l’internement des fichés S."

Quant à Jean-François Copé, il se démarque. "Tout ce que j’ai entendu n’est pas à la hauteur des attentes de notre pays. Je propose un choc sécuritaire. Il faut embaucher 50.000 policiers, gendarmes magistrats. Ni nous ne faisons pas ça, tout le reste, c’est de la littérature", lance-t-il.

Nicolas Sarkozy, qui s'exprime en dernier, ne change pas de cap. "Je réclame l’internement préventif des fichés S les plus dangereux. Sur ces 12.000, il y en a quelques centaines plus dangereux que les autres. De façon à ce que nos services spécialisés puissent voir le niveau de leur dangerosité. L’Etat de droit, de mon point de vue, ça consiste à protéger les victimes, pas les coupables. Et si on détient pendant huit jours quelqu’un qui n’a rien fait, eh bien on s’excuse. Je préfère ça".

  • Une quasi-unanimité sur les retraites

Sur l'épineuse question des retraites, tous sont d'accord pour repousser l'âge légal de départ et pour supprimer les régimes spéciaux. Seules diffèrent l'objectif et le rythme. Nicoals Sarkozy propose 64 ans en 2025, Alain Juppé 65 ans en 2026, par exemple. Nathalie Kosciusko-Morizet est la seule voix discordante. "On propose juste de changer les vieilles recettes. Je propose de changer de système : je propose de passer par les réformes à point. On peut ainsi passer du salariat au travail indépendant, on peut choisir son âge de départ. C’est plus simple, plus juste, plus agile". 

  • Sur la baisse des impôts, Sarkozy bien seul

Les "concurrents" de Nicolas Sarkozy, selon son terme, ne semblent pas emballés par la baisse massive de l'impôt sur le revenu qu'il propose. "Les classes moyennes ont été matraquées", argue-t-il. François Fillon plaide lui pour une baisse pour les familles et sur les charges salariales, Alain Juppé pour le relèvement du quotient familial. NKM, elle, propose "une réforme refondatrice de l’ensemble du système fiscal, avec un taux unique pour tout le monde". Jean-Frédéric Poisson fait encore une fois entendre sa différence en proposant un impôt sur le revenu universel. "C'est une question d’appartenance à la communauté française. Chacun contribue à proportion de ce qu’il peut faire, même de manière symbolique."

Jean-François Copé, critiqué sur sa volonté de la TVA, cible encore Nicolas Sarkozy. "il faut essayer d’être cohérent. Je propose la baisse des charges sociales financés par la hausse de la TVA, c’est ce que nous avons fait dans le quinquennat précédent", lance-t-il.  

Le débat sur les questions économiques devient relativement technique, et perd de son intérêt sur la forme. 

  • Sur les 35 heures et les syndicats, premières "punchlines"

Alors que la question du chômage est abordée, les 35 heures sont largement critiquées. Seul Jean-Frédéric Poisson fait entendre sa différence. "Il y a bien d’autres choses à faire avant de toucher au temps de travail. Ce serait en plus une opération très longue. Et je ne sens pas une liesse collective chez les entrepreneurs", explique le président du Part chrétien-démocrate. Nicolas Sarkozy, lui, plaide pour la liberté. "Je ne veux pas être la Martine Aubry de droite. Je ne veux pas être l’obsédé des 39 heures", lance l'ancien président, qui veut des négociations par entreprise. Pour Bruno Le Maire, "les 35 heures ont fait perdre la valeur du travail dans notre pays". 

La CGT en prend pour son grade dans la bouche de Jean-François Copé. "Il y a un peu de langue de bois sur cette question. On n'est pas très clair sur le rôle des syndicats Pour moi, il faut absolument empêcher les syndicats, en particulier la CGT, de bloquer les entreprises. Une solution : généraliser les référendums d’entreprise", lance le maire de Meaux. "Je me méfie beaucoup de ces attaques frontales contre les organisations syndicales", répond Jean-Frédéric Poisson

Nathalie Kosciusko-Morizet, elle, répète son credo, plusieurs fois : la défense des travailleurs indépendants. "L’avenir, c’est le travail indépendant. C’est le fait majeur. Et là, on parle des anciennes solutions. Aujourd’hui en France, quand vous êtes indépendant, c’est la galère", lance la députée de l'Essonne.  

Pour François Fillon, le salut est dans la baisse des charges. "Il faut baisser de façon massive les charges qui pèsent sur les entreprises et les impôts qui freinent les investissements. Je propose un choc pour redonner à l’économie française sa dynamique. 40 milliards de baisse de charge."

UNE MINUTE POUR COMMENCER, UNE MINUTE POUR CONCLURE

  • Une minute pour finir (et un ultime échange Copé-Sarkozy)

Comme au début de l'émission, les sept candidats ont l'occasion de prendre une dernière fois la parole pour conclure. 

1. Bruno Le Maire reprend son refrain du renouveau. "Les approximations, les slogans trop facile, les changements de pied permanents, on n'en peut plus. On ne peut plus attendre. Le renouveau, passer à autre chose, trancher par rapport à ce qui a été connu pendant 30 ans, c'est maintenant que ça se joue", conclut-il. 

2. Nicolas Sarkozy ayant beaucoup parlé, il a moins de temps pour conclure. "Je crois dans la France, dans le génie de notre peuple français, j'ai l'expérience, j'ai l'énergie, c'est maintenant ou jamais. Je veux être le porte-parole de la majorité silencieuse", lance-t-il. 

3. Un petit jeu de mots pour Nathalie Kosciusko-Morizet. Le recyclage, ça marche pour les déchets, pas pour les idées. Dans un monde qui change, je propose des solutions nouvelles pour créer votre entreprise, nous protéger contre le terrorisme. Le choix vous appartient. Certains voudraient cadenasser la primaire, choisir les électeurs. Ne vous laissez pas faire. 

4. Un peu déçu, Jean-Frédéric Poisson. "Il y a une déception que nous ayons traité beaucoup plus de sujets qui relèvent de la gestion plutôt que de la politique. Je reste sur ma faim. Avant de venir, j'ai ressorti une lettre de 1993 et j'ai entendu ce soir des propositions qui sont déjà dans ce document, qui auraient dû être mises en œuvre et ne l'ont pas été", attaque-t-il. 

5. François Fillon veut encore y croire. "Il n'y a pas 2 candidats qui ont déjà gagné. Il y a des candidats qui ont des projets différents. C'est la majorité silencieuse qui va choisir. Ce que je lui demande, c'est de voter pour le candidat le plus proche de ses convictions, celui en qui elle a le plus confiance. Vous avez la possibilité de prendre le pouvoir, prenez-le".

6. Jean-François Copé répète sa volonté de gouverner par ordonnance, et se permet un nouveau petit tacle à Nicolas Sarkozy et sa volonté d'organiser des référendums. "Il faut réhabiliter l'action et la décision. La seule manière de le faire, si on veut vraiment projeter notre pays dans le 21ème siècle, c'est de procéder à un gouvernement par ordonnance. Jamais par référendum parce qu'en réalité il sont incompréhensibles pour les Français", lance-t-il. Nicolas Sarkozy convoque alors le général de Gaulle. "Le Général de Gaulle a gouverné par ordonnance. Nicolas Sarkozy oublie qu'il était contre le principe de faire des référendums en 2007, c'est ce que j'ai aimé chez lui."

7. Fidèle à sa stratégie, Alain Juppé prend de la hauteur et conclut en toute solennité. "Nous nous connaissons depuis longtemps, vous et moi. Je suis prêt et déterminé. Faisons-nous confiance, reprenons confiance. Je veux vous conduire sur le chemin de l'espérance. Une France fière de ses valeurs, sa culture, qui rayonne à travers le monde. Et enfin, une France optimiste. Je suis convaincu que si nous faisons les grands changements nécessaires, la France redeviendra un pays où il fait bon vivre."

  • Une minute pour se lancer

Chaque candidat a une minute pour expliquer les raisons de sa candidature. L'occasion de lancer les premiers tacles. Voici leurs professions de foi par ordre de passage :

1. Jean-François Copé cible ainsi clairement Nicolas Sarkozy. "En 2007, Nicolas Sarkozy a été élu sur la rupture. Cette rupture, malheureusement, on ne l’a pas faite. Les 35 heures n’ont pas été supprimées, les forces de police ont diminué. Je veux reprendre le flambeau de la rupture. Ma solution est simple. Je veux gouverner par ordonnances. Pas les référendums, les ordonnances", lance le député-maire de Meaux.

2. Alain Juppé, sans surprise, reste en retrait. "Je veux que l’économie retrouve le chemin du plein emploi. Je veux une rénovation en profondeur de notre système d’éducation", déclare le favori de la primaire. 

3. Nicolas Sarkozy mise sur ses atouts, l'anergie notamment. "Imaginez ce qu’aurait été la situation de la France avec le président de la République actuel. L’alternance doit être forte, énergique, immédiate. C’est le seul moyen pour que la France redevienne la grande nation qu’elle est", affirme l'ancien président. 

4. Bruno Le Maire se présente encore comme le candidat du renouveau, en taclant ses rivaux : "La France tient encore debout, grâce à vous. Vous tous qui vous battez tous les jours. Vous m’avez impressionné. Si vous voulez recommencer comme avant, vous avez tout ce qu’il faut sur ce plateau. Sinon, choisissez le renouveau." 

5. Nathalie Kosciusko-Morizet elle aussi n'est pas tendre avec les tenants de la droite dure : "Nous appartenons à la même famille politique. Certains ont choisi le conservatisme, c’est leur droit. Le choisi le a droite de progrès. Certains ont choisi la droite chimiquement pure, je choisis l’alliance de la droite et du centre." 

6. Jean-Frédéric Poisson est plus pragmatique :"Retrouvons le bons sens sur les sujets essentiels, la famille, le travail, l’agriculture", lance notamment  le grand inconnu de cette primaire. 

7.François Fillon ne lance aucune critique, se concentrant sur son programme. "J’ai toujours dit la vérité. J’ai dit que la France était en faillite. Je propose une refondation profonde. Pour être en moins de dix ans la première puissance européenne. Je veux être le président du courage, de la vérité, de l’action et de l’honnêteté.