"Combat de boue", "triste spectacle", la presse étrangère sidérée par le débat Le Pen-Macron

La presse étrangère n’est évidemment pas tendre avec le débat présidentiel de mercredi soir.
La presse étrangère n’est évidemment pas tendre avec le débat présidentiel de mercredi soir.
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Les journaux du monde entier jettent logiquement un regard critique sur le débat télévisé qui a opposé mercredi les deux finalistes de l’élection présidentielle française. 

La campagne présidentielle n’avait déjà pas forcément donné une idée reluisante de la France à l’étranger. Le phénomène s’est fatalement aggravé après le débat de mercredi soir ayant opposé Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Pendant deux heures et demi, les candidats se sont livrés à un pugilat en règle, à l’initiative de la candidate frontiste, qui a sauté à la gorge de son adversaire dès les premières secondes de la soirée. Et la presse étrangère, qui a pourtant suivi l’échange avec intérêt, n’est évidemment pas tendre au moment de revenir sur ce triste pugilat.

  • En Allemagne : "pire débat de l’histoire" et "combat de boue"

Pour la première fois, la télévision allemande diffusait en direct, en français ou avec traductions simultanées, le débat de l’entre-deux-tours de la présidentielle française. Pas sûr qu’il faille s’en réjouir, finalement. Car outre-Rhin, les journaux sont unanimes. "Les Français ont assisté de loin au pire débat télévisé entre deux candidats à l’élection présidentielle dans l’histoire de la Ve République", tranche ainsi le quotidien Die Welt. De son côté, Die Zeit concentre ses attaques sur Marine Le Pen, qui a "fait du Trump" et "semblait vouloir faire régner une ambiance de comptoir de bistrot français". Mais le journal de gauche n’épargne pas non plus Emmanuel Macron, qui aurait dû mettre en avant l’amitié franco-allemande, car en l’occurrence, "cela en valait la peine."

Die Welt glisse au passage un tacle aux deux autres acteurs de ce débat, les journalistes, Christophe Jakubyszyn et Nathalie Saint-Cricq. Car si le débat a déraillé dès la première minute, "cela est également dû aux deux présentateurs qui en méritaient à peine le nom", note le quotidien. "Malheureusement, personne ne leur avait dit qu’ils devaient modérer un débat présidentiel. Impassibles, ils ont regardé les candidats multiplier les insultes. "

Le Spiegel Online regrette de son côté d’avoir assisté à "un combat de boue" alors que le Frankfurter Allgemeine Zeitung a constaté "un vide embarrassant" à l’issue d’un débat qui a mis aux prises "un favori qui essaye de répondre aux questions, une concurrente qui se concentre sur l’attaque". Seule la chaîne allemande ARD a vu du positif dans ce débat "chaotique mais instructif. Non les Français n’ont pas la partie facile dans cette élection, mais après ce qui s’est passé hier soir, c’est devenu plus clair qu’avant", estime-t-elle.

  • Ailleurs en Europe : "Triste spectacle"

La BBC n’est pas non plus entièrement négative. Son correspondant à Paris assure ainsi avoir assisté "à un grand débat, de ceux dont les gens se souviennent", résumant la soirée à un face-à-face entre "l’agression de la démagogue" et la "rationalité cartésienne du technocrate brillant". The Guardian, lui, parle d’"Un débat éprouvant ponctué d’insultes personnelles et venimeuses".

Outre-Quiévrain, la Une du Soir est sans appel : "Triste spectacle", titre en Une le quotidien belge de référence. Qui a assisté à un débat qui "n'était pas à la hauteur du moment" mettant aux prises "le bulldozer (et) le professeur". Autre journal francophone, suisse cette fois : Le Temps a fustigé un "débat au goût très amer". Le quotidien helvète est toutefois l’un des seuls à désigner Marine Le Pen vainqueur. "Piégé par ses formules de technocrate", Emmanuel Macron "n'a pas réussi à imposer son discours pédagogique. Même le passage sur l'euro, durant lequel son adversaire a multiplié les approximations et les mensonges en prétendant pouvoir gérer tranquillement un retour au franc, ne lui a pas permis d'asséner le coup fatal", écrit ainsi Le Temps.

En Espagne, El Pais n’est pas d’accord. "Marine Le Pen a proposé un style de voyou plus proche de celui de son père - ou du candidat Donald Trump à l’automne dernier aux Etats-Unis - que de celui d’une leader aspirant à gagner la confiance de tout un pays", estime le journal espagnol qui a vu un duel "asymétrique", "l’escrime contre la lucha libre (le catch mexicain, ndlr", "le fleuret contre le marteau", "les arguments et l’émotion". Le dernier mot pour El Mundo, autre quotidien espagnol : "Cette vieille cérémonie républicaine, où le respect et l'intelligence des deux candidats sont censés s'exprimer, a peut-être été avilie pour toujours."

  • Un débat "à l’américaine" pour les Etats-Unis

Enfin aux Etats-Unis, un parallèle est fait avec la récente élection présidentielle américaine, ce qui n’est pas forcément un compliment. Le Washington Post évoque ainsi une "rixe à l'américaine. Malgré les enjeux, ce débat a rarement atteint la hauteur et la qualité rhétorique qui caractérise d'habitude en France la parole politique. Ce débat ressemblait aux échanges entre Hillary Clinton et Donald Trump", écrit le quotidien. Même tonalité pour le New York Times, pour qui la soirée s’est résumée à une "empoignade dans le style de la télévision américaine qu’une discussion raisonnée telle que les Français en ont pris l’habitude".