Budget de la sécu : le gouvernement soigne sa communication

Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, sera en première ligne
Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, sera en première ligne © Thomas Samson / AFP
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Les députés examinent à partir de mardi le budget 2018 de la sécurité sociale. Un texte défendu par le gouvernement avec le défi de faire des économies tout en mettant en avant des mesures pour les plus fragiles. 

Budget 2018, deuxième round. A partir de mardi, l’Assemblée nationale examine le projet de loi de finances sur la sécurité sociale (PLFSS), après de longs et âpres débats sur le volet recettes de l’Etat. Encore sonné notamment par les polémiques sur la réforme de l’ISF et la mise en place d’un taux unique de prélèvement sur les revenus du capital, le gouvernement, incarné par la ministre de la Santé Agnès Buzyn, tente cette fois de parer les coups avant même qu’ils ne soient portés. Malgré la volonté de nouvelles économies, le texte est marqué par une plus grande solidarité, et les plus fragiles ne sont pas oubliés, jurent l’exécutif. Pas convaincues, les oppositions sont déjà préparées au combat.

Une "Révolution douce"

Pour vendre sa réforme, le gouvernement a trouvé un oxymore. Son projet de loi n’est ni plus ni moins qu’une "révolution douce". "Le vote du premier budget de la Sécurité sociale du quinquennat nous permet de lancer une révolution en douceur", explique ainsi Agnès Buzyn dans le JDD. "Il y a une marge de manœuvre énorme sans toucher à l'égalité des chances", assure la ministre de la Santé. Tel est le credo du gouvernement : rassurer la population en martelant que l’accès aux soins ne sera pas compliqué par la réforme. Pour le rapporteur général Olivier Véran (LREM), le PLFSS est le budget "des engagements tenus et du pouvoir d'achat".

L’équation n’est pas simple. Car le déficit de la Sécu doit être réduit à 2,2 milliards d'euros l'année prochaine - niveau inédit depuis 17 ans - contre 4,4 milliards en 2017. Pour l'atteindre, la branche maladie devra réaliser plus de 3 milliards d'euros d'économies. Et pourtant, jure le gouvernement, les plus défavorisés devraient se retrouver gagnants.  

Lumière sur le pouvoir d’achat

Le gouvernement et la majorité insistent donc volontiers sur plusieurs mesures du texte. D’abord la baisse des cotisations sociales des salariés du privé, qui aura un impact sur les feuilles de paie dès janvier. Même si cette baisse est compensée par une hausse de la CSG pour tous, qui pénalisera donc les retraités par rapport au reste de la population. "Sur 15 millions de retraités, 60% seront soumis à la CSG. Mais parmi eux, une majorité sera exonérée de taxe d'habitation et gagnera globalement en pouvoir d'achat", répond Agnès Buzyn dans le JDD, récitant l’argumentaire du gouvernement sur cette question.

L’accent est aussi mis sur la revalorisation de allocation de solidarité aux personnes âgées, actuellement de 803 euros mensuels pour une personne seule, et qui augmentera de 100 euros en trois ans. Par ailleurs, le plafond du complément libre choix du mode de garde (CMG), aide à la garde d'enfants, sera revalorisé de 30% au 1er octobre 2018 pour les familles monoparentales. L'allocation de soutien familial (ASF), qui complète le revenu des parents isolés ne percevant pas de pension alimentaire, sera revalorisée de 6 euros le 1er avril 2018. Le complément familial majoré, versé aux familles nombreuses modestes, augmentera de 16,80 euros par mois au 1er avril 2018.

La Paje en baisse. Sauf que là encore, ces revalorisation sont compensées, par la baisse de la Prestation d’accueil du jeune enfant (Paje). Mais là encore, l’argumentaire est rôdé. "C'est un choix que j'assume : privilégier les familles monoparentales", assure la ministre de la Santé, qui précise aussi :  "Seulement 4% des familles des classes moyennes et supérieures ne percevront pas ces allocations". Agnès Buzyn ne ferme pas non plus la porte à l’universalité des allocations familiales, un sujet qui n’est "pas tabou" pour elle, même si ce ne sera pas pour 2018. Or, la mesure est fermement combattue par la droite et plutôt bien perçue à gauche.

Bref, sur ce sujet, le gouvernement veut montrer qu’il marche sur sa jambe gauche. Et le message a été passé à tous les députés de la majorité, via des réunions en interne et moult échanges avec le ministère. La consigne semble avoir été entendue par Thomas Mesnier, médecin urgentiste à la ville, qui souligne les mesures de "solidarité" du texte : "soutien aux plus fragiles, en particulier les familles monoparentales, mais aussi les anciens, avec la revalorisation du minimum vieillesse", résume l’élu de Charente à l’AFP.

L’opposition prête au combat

Mais tout, évidemment, ne sera pas si simple pour le gouvernement. Près d’un millier d’amendements ont été déposés. Et toutes les oppositions ont fourbi leurs arguments. La hausse de la CSG devrait notamment être âprement combattue, puisqu’elle fédère contre elle l’ensemble de l’opposition à l’Assemblée nationale. "L'augmentation de la CSG va faire 8 millions de perdants", ont calculé les députés socialistes, selon qui "la suppression de la taxe d'habitation étalée sur trois ans ne viendra pas compenser cette hausse". Conclusion, pour le groupe "Nouvelle gauche" : le PLFSS est "la deuxième lame du gouvernement des riches".

Malgré la volonté du gouvernement de calmer les esprits, les débats dans l'hémicycle devraient être intenses. Ce sera avec en première ligne Agnès Buzyn mais aussi Gérald Darmanin, ministre des Comptes publics, devenu, lors des premières discussions sur le Budget 2018, le meilleur ennemi des députés Les Républicains, parti dont il est toujours membre. Malgré plusieurs sessions nocturnes planifiées, les échanges pourraient durer, à tel point que la discussion, initialement prévue jusqu’à vendredi à l’Assemblée nationale, devrait déborder sur le lundi suivant.