Le président a jusqu'à vendredi soir pour déclarer officiellement sa candidature à la présidentielle 2022. 4:02
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Nicolas Beytout, édité par Juline Garnier
Le président de la République Emmanuel Macron s'est adressé mercredi soir aux Français pour faire le point sur la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Une prise de parole attendue, à deux jours de la clôture des candidatures à la présidentielle 2022. Pourtant, le locataire de l'Élysée ne s'affirme toujours pas candidat. 
EDITO

À deux jours de la clôture des candidatures à la présidentielle, Emmanuel Macron s'est adressé aux Français mercredi à 20 heures pour évoquer la guerre en Ukraine et faire le point sur le rôle que la France joue. L'éditorialiste Nicolas Beytout voit dans cette allocution l'art du président sortant de s'adresser à ses compatriotes, sans porter le costume de candidat.

Il y a trois Emmanuel Macron : le président, le presque candidat, et le chef de guerre. Candidat, il le sera officiellement au plus tard demain soir à 18 heures. Chef de guerre, il l’est désormais pleinement, et président, il le sera jusqu’au dernier jour de son mandat, y compris en ce moment, en pleine guerre en Ukraine. Lors de son allocution mercredi soir, il a affirmé cette posture en alternant les explications sur le conflit ou la responsabilité de Poutine et les promesses d’avoir pour seule boussole la protection des Français.

Mais cette posture ne doit pas être confondue avec celle de candidat, pour ne pas mélanger les genres. Dans le contexte de guerre, il serait mal vu de voir celui qui brigue un second mandat dire, en passant : "Ah oui, au fait, vous vous en doutiez, mais je vous le confirme, je suis candidat". Ce serait prendre l’exercice à la légère, et cela ne tarderait pas à se retourner contre lui. De plus, être pleinement chef de guerre lui profite grandement. Il en joue, il pose pour sa photographe, il met en scène ses arrivées au Conseil de Défense et fait largement savoir qu’en diplomate averti, il garde, lui, la ligne ouverte avec Vladimir Poutine.

 

Emmanuel Macron s'affiche en chef de guerre

Il en joue lorsqu’il se réserve de recevoir à l’Élysée les deux anciens chefs d’État, Nicolas Sarkozy et François Hollande, pendant que son Premier ministre Jean Castex reçoit à Matignon les candidats à la présidentielle. Une façon de montrer que le président ne boxe pas dans la même catégorie. Il en joue également en parlant autant qu’il le veut et dans le format qu’il veut à la télévision.

L'effet est garanti : jamais depuis la fin de la première année de son quinquennat, sa cote de confiance n’avait été aussi élevée : 40% des Français lui font confiance, selon le baromètre Elabe. Un pourcentage beaucoup plus élevé que ses prédécesseurs à la fin de leur mandat. Le plus frappant, c’est le niveau de sa cote dans les différents électorats : 80% chez ses électeurs de 2017 soit un remarquable niveau de fidélité. Mais aussi 50% chez les électeurs de Fillon et 41% chez ceux qui avaient voté Hamon. Il s'agit vraiment d'un "en même temps" écrasant, symboliquement illustré, mercredi, par le ralliement de deux anciens Premiers ministres : le centriste Jean-Pierre Raffarin et le socialiste Manuel Valls.

Un timing favorable au "presque candidat"

Une stratégie qui se traduit en intention de vote. Jamais depuis le début des séries de sondages sur à la présidentielle son score n’a été aussi élevé. Et il monte. Emmanuel Macron est en train de s’installer dans une configuration idéale, car ses adversaires sont loin. Mais il y a un autre point clé. Etre nettement en tête au premier tour ne suffit pas si tous ses adversaires se liguent contre vous au second. Ce ne sera pas le cas, parce que la division règne aussi bien à gauche qu’à droite. S'’il est relativement serein pour l'instant, c’est que le timing lui est favorable.

Tous les sondeurs le savent pour l’avoir mesuré à chaque fois qu’un choc externe, des attentats, une guerre, un engagement militaire, provoquait un réflexe d’union nationale. Mais cela ne dure pas. Peu à peu, la sidération laisse la place aux questions, et progressivement, la controverse reprend sa place. Cette fois, lorsque ce reflux se produira, l’élection sera peut-être déjà passée.

Une entrée en campagne électorale imminente

Et la campagne électorale peut interrompre cette parenthèse. C’est tout l’enjeu de l’entrée officielle en campagne d’Emmanuel Macron. Elle est imminente. Alors, le chef de l’État n’aura plus besoin de jouer avec cette fiction du non-candidat. Cela s'est illustré de façon spectaculaire lors de son allocution, y compris lorsqu’il promettait un effort de défense accru, un plan de résilience de l’économie ou des développements énergétiques à venir. Rien de tout cela ne peut évidemment être fait en cinq semaines.

Tout relève d’un programme sur cinq ans. Dès que le chef de l’Etat cessera de jouer de l’art d’être candidat sans le dire et qu’il troquera, quelques heures par jour, son uniforme de militaire et son costume de président pour celui de candidat, dès que l’émotion et la tension liées à la guerre seront un peu retombées, la campagne commencera vraiment. Elle sera brève, mais il y a de fortes chances pour qu’elle soit extrêmement intense.