«Aide à mourir» : le projet de loi dans l'hémicycle de l'Assemblée lundi

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Le projet de loi sur la fin de vie arrive en première lecture à l'Assemblée nationale ce lundi, pour deux semaines de débats. L'objectif serait d'autoriser une "aide à mourir" en France pour certains patients. Un texte qui divise les députés, y compris au sein de la majorité.

Après une longue gestation, le projet de loi sur la fin de vie arrive en première lecture dans l'hémicycle de l'Assemblée lundi, pour deux semaines. Objectif : autoriser pour la première fois en France une "aide à mourir" pour certains patients, non sans susciter inquiétudes, et divisions dans la majorité. Emmanuel Macron avait présenté le 10 mars ses arbitrages sur ce sujet ultra-sensible, près d'un an après la fin d'une Convention citoyenne consacrée à cette question. Le temps de peaufiner un "modèle français de la fin de vie", proposant une "aide à mourir" qui permette à certains patients, selon des "conditions strictes", de recevoir une "substance létale".

Parmi ces conditions, dans la version gouvernementale : être atteint d'une "affection grave et incurable engageant son pronostic vital à court ou moyen terme", être majeur, apte à manifester sa volonté de manière libre et éclairée, et présenter une souffrance réfractaire aux traitements ou insupportable. La ministre de la Santé Catherine Vautrin n'a eu de cesse de vanter un "texte équilibré".

Mais les débats de la commission spéciale à l'Assemblée ont abouti à la modification de plusieurs points-clé, mettant en péril selon de nombreuses voix ce fragile équilibre. "L'équilibre d'origine, celui du respect de la volonté des patients et de la place donnée aux professionnels de santé, a été rompu", a tempêté dans L'Opinion la députée Agnès Firmin-Le Bodo (Horizons, majorité présidentielle), qui avait participé comme ministre de la Santé à l'accouchement du texte.

 

Objet de son courroux, un critère d'éligibilité modifié : la mention du "pronostic vital engagé à court ou moyen terme" a été remplacée par la notion d'affection "en phase avancée ou terminale", ce qui "élargit" selon elle le nombre de bénéficiaires potentiels.

Un changement salué par l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) et par le rapporteur général du texte, Olivier Falorni (rattaché au groupe MoDem, lui aussi dans la majorité), défenseur de toujours de cette cause, mais combattu par Catherine Vautrin, qui a d'ores et déjà déposé des amendements pour revenir au texte initial. "Le pronostic vital à court et moyen terme renvoie à des notions qui sont précises et que le monde soignant comprend", a fait valoir samedi sur franceinfo le ministre délégué à la Santé Frédéric Valletoux.

"Pis-aller"

Une autre évolution suscite l'inquiétude, concernant les directives anticipées : les députés ont approuvé en commission, à l'initiative de Frédérique Meunier (LR), un amendement prévoyant que dans ces directives le malade puisse préciser le "type d'accompagnement pour une aide à mourir" souhaité dans l'hypothèse où il perdrait "conscience de manière irréversible". Ailleurs dans le texte, le critère selon lequel le patient doit être "apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée" est maintenu, mais la modification introduite "met le doute", soutient Agnès Firmin-Le Bodo.

Troisième sujet d'alarme, l'administration de la substance létale. Le texte prévoyait que les patients se l'administrent eux-mêmes, sauf s'ils étaient dans l'incapacité de le faire. Mais un amendement de Cécile Rilhac (apparentée Renaissance) a ouvert aux malades la possibilité de choisir librement de déléguer ce geste à un tiers.

Ces modifications ont renforcé l'hostilité des opposants au texte. L'Église catholique et la Fédération protestante de France les ont déplorées, et un collectif d'organisations soignantes a estimé que "la boîte de Pandore (était) ouverte". "En moins d'une semaine de discussions parlementaires, la plupart des garde-fous ont sauté", a fustigé Philippe Juvin, député LR. Le texte n'est "absolument pas déséquilibré", a répliqué Olivier Falorni, pour qui la suppression de la mention du pronostic vital engagé à court ou moyen terme se justifie par la difficulté de définir ce qu'est le "moyen terme".

Un autre volet du texte concerne les soins palliatifs, dont les députés de tous bancs souhaitent le renforcement. Thomas Ménagé (RN) s'est dit prêt en commission à voter le texte "à une seule et unique condition (...) que ce ne sera pas, cette aide à mourir, un pis-aller parce qu'il n'y a pas des soins palliatifs effectifs".

Même si la gauche et le camp présidentiel devraient fournir l'essentiel des soutiens au projet de loi, face à l'hostilité dominant à droite et à l'extrême droite, les débats parlementaires ne se réduiront pas aux clivages traditionnels, des voix à contre-courant s'exprimant dans les différents groupes. Le projet de loi devrait poursuivre son parcours législatif jusqu'à l'été 2025 au moins.