Séguin, homme intègre et torturé

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Rédaction Europe1.fr , modifié à
Voix jupitérienne, yeux cernés et lunettes glissantes, ce fanatique de foot était tantôt ravi, tantôt mélancolique, parfois colérique.

"J'aurais pu me demander à la longue si je n'eusse pas mieux fait de m'abstenir d'entrer en politique", écrivait en 2003Philippe Séguin dans ses mémoires Itinéraire de la France d’en bas, d’en haut et d’ailleurs tant l’homme se remettait constamment en cause.

D’origine modeste, pied-noir, né le 21 avril 1943 à Tunis, Philippe Séguin est décrit par ses proches comme un homme "intègre, intelligent" mais aussi "ombrageux et anxieux".

 

Séguin, un homme mélancolique

 

Ancien ministre et ancien président de l'Assemblée nationale, Philippe Séguin, mort dans la nuit de mercredi à jeudi à 66 ans, était une "personnalité forte, capable de résister, de dire non", explique Jean-Louis Debré, comme lui gaulliste. Et dire "non", le président de la Cour des Comptes était capable de le faire y compris contre une majorité de son camp. En témoigne, par exemple,son combat contre le traité de Maastricht en 1992.

"Le plus intelligent, le plus percutant, un jugement très sûr", Philippe Séguin était aussi "un rêve politique fracassé sur les réalités politiciennes", un caractère "compliqué", rendant difficile l'action, résume un de ses proches. "Il passait du plus charmant au plus odieux", a d’ailleurs écrit au sujet de l'ancien maire d' Epinal Nicolas Sarkozy.

En somme, l'ancien député des Vosges et ancien maire d’Epinal restait "secret, parfois il semblait anxieux ou bien mélancolique et puis tout à coup, il éclatait de rire". Une équipe d’Antenne 2, en reportage à Epinal en 1989, a cru ainsi avoir saisi l'homme :

 

Habitué des coups d’éclat, sa plus retentissante démission restera son départ de la présidence du RPR, en pleine campagne des européennes en 1999, laissant alors Nicolas Sarkozy et Alain Madelin achever la bataille.

 

Le foot, comme passion

 

Passionné de foot, des maillots de joueur trônaient dans son bureau de l'Hôtel de Ville de Paris. Président de l’Assemblée, il avait également fait installer des petits écrans de télévision au perchoir, pour pouvoir regarder les matchs lors des sessions de nuit.

Ayant de grandes capacités à souffrir, note un proche, Philippe Séguinavait notamment été "très secoué par la dureté de la campagne des municipales" parisiennes de 2001. Campagne terrible où coups bas et balles perdues avaient plu au sein d'une droite vieillie, en perdition, qu'il n'avait pas été en mesure de rassembler.

Déçu et hostile à la constitution de l'UMP, il était ensuite resté en congé de la politique, sans mandat, sans parti, sans électeurs avant d'être nommé par Jacques Chirac, premier président de la Cour des Comptes.

Homme de haute stature, passant au fil du stress et des régimes de la taille L à XXL, Philippe Séguin, connu pour sa voix jupitérienne et ses longs rires silencieux concluait ses mémoires, publiées en 2003, par deux mots : "A suivre".

Des colères légendaires

"Homériques", "telluriques", " jupitériennes". Quiconque a subi les foudres de Philippe Séguin n’a pas pu l’oublier. Nicolas Sarkozy parle pudiquement de ses "emportements". Avec le recul, Jean-François Copé, lui, préfère en sourire. En 1986, il fait son tout premier stage au cabinet du ministre Philippe Séguin. "Je me souviens de ces éclats de voix. Il y avait des moments où on n'avait plus envie de lui parler parce qu'il faisait la tête et engueulait le premier qui passait devant son bureau" témoigne le porte-parole de l'UMP à l'Assemblée nationale.

Sa voix, sa stature, son intelligence, tout en imposait quand il se mettait en colère. Jeune militante en Lorraine, Nadine Morano a croisé sa route et goûté à ses éclats de voix."On avait envie de se mettre dans un trou de souris" indique t-elle.

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