Sarkozy et DSK, dans un subtil pas de deux

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avec Reuters , modifié à
Sur fond de présidence française du G20, les deux hommes se surveillent du coin de l'oeil.

"Pendant six mois, on va avoir un Sarkozy claironnant: 'vous voyez bien, avec Dominique on est d'accord sur tout", se désole un dirigeant socialiste. Cette semaine, Nicolas Sarkozy et Dominique Strauss-Kahn, adversaires potentiels pour la présidentielle de 2012, ont entamé un subtil pas de deux politique sur fond de présidence française du G20.

Sarkozy multiplie les compliments

Nicolas Sarkozy, qui compte sur le G20 pour donner un nouvel élan à la fin de son quinquennat, multiplie avec gourmandise les compliments sur le directeur général du Fonds monétaire international (FMI), pour l'instant réduit au silence sur ses intentions nationales par son mandat à Washington.

Le président dit vouloir travailler "main dans la main" avec l'ancien ministre de l'Economie pour qui il a "beaucoup de considération" et dont il apprécie les qualités d'homme d'Etat, même si ce dernier le battrait en 2012 selon tous les sondages.

Au fil du conflit sur la réforme des retraites, la droite n'a eu de cesse de mettre en avant un rapport du FMI plaidant pour l'allongement de la durée de cotisation, une manière de dire que Dominique Strauss-Kahn approuvait le texte gouvernemental qui repousse l'âge de la retraite de 60 à 62 ans.

"Si je me souviens bien", a rectifié le chef du FMI lundi, le rapport sur la France conseillait "surtout" un financement via la taxation du capital, un des piliers de la contre-réforme défendue par le Parti socialiste. "Et ça, je l'ai moins vu cité dans le débat français", a-t-il ironisé sur France Inter.

DSK essaie de prendre ses distances


Après leur entrevue à l'Elysée mercredi pour évoquer les priorités du G20, "DSK" a de nouveau pris ses distances, soulignant le côté "ambitieux" de l'agenda fixé par Nicolas Sarkozy - rien de moins que créer un "nouvel ordre économique mondial - mais rappelant qu'ils agiraient "chacun à sa place". La séquence du G20 qui s'ouvre, "c'est bon pour l'un comme pour l'autre", juge le politologue Gérard Grunberg.

"Dominique Strauss-Kahn aura du mal à déguiser Nicolas Sarkozy en libéral mais il va s'attacher à faire passer le message: 'je suis le régulateur de gauche dans ce monde financier qui ne va pas bien'", ajoute le chercheur du Cevipof.

Jean-Daniel Lévy, directeur du département politique de l'institut CSA, estime de son côté que la séquence qui s'ouvre est plus délicate pour le dirigeant du FMI, à l'heure où plusieurs pays, comme l'Irlande ou le Portugal, ont de sérieux problèmes budgétaires. "S'il y a un effrondrement, un autre Lehman Brothers ou une autre Grèce, il sera obligé de se rabattre sur une fonction de gestion et de colmatage du système international alors que Nicolas Sarkozy sera dans la posture de sauver la France dans la tempête", explique l'analyste.

Mais pour le politologue Henri Rey, le "piège" pour Dominique Strauss-Kahn réside moins dans le G20 que dans les primaires présidentielles du PS, qui imposent un dépôt de candidature en juin 2011 alors que le G20 court jusqu'en novembre 2011 et son mandat jusqu'en 2012. "La question fondamentale, qui va devenir de plus en plus impérative à l'approche des primaires, se résume à : 'qu'est-ce je peux avoir comme présence politique concrète'" malgré les statuts du FMI, qui lui imposent un devoir de réserve, explique ce spécialiste de la gauche.

Le meilleur "DRH du Parti socialiste"


Depuis 2007, Nicolas Sarkozy, qui se vante d'être le meilleur "DRH du Parti socialiste", ne se prive pas de raconter que Dominique Strauss-Kahn était "son" candidat au FMI - une interprétation que l'intéressé a diplomatiquement corrigée.

Certes, Nicolas Sarkozy a été "beau joueur" en validant sa candidature mais celle-ci était suggérée puis défendue par plusieurs dirigeants européens, comme Jean-Claude Juncker et Gerhard Schröder. "Il faut rendre à César ce qu'il lui appartient, pas plus", a-t-il fait valoir lundi.

Les éloges de Nicolas Sarkozy contribueraient à "droitiser" Dominique Strauss-Kahn, chef d'une institution "libérale" ? C'est une "bêtise", contre-attaque le lieutenant du directeur général du FMI, Jean-Christophe Cambadélis. "Je ne sais pas si DSK sera candidat mais si c'était le cas, à force de lui tresser des lauriers, il sera impossible à Sarkozy de le critiquer", s'amuse le député de Paris sur son blog. "Il se tire une balle dans le pied"