Pakistan : Benazir Bhutto échappe de peu à un attentat sanglant

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Rédaction Europe1.fr , modifié à
Un attentat suicide a fait au moins 138 morts jeudi à Karachi alors que 250.000 personnes célébraient le retour de Benazir Bhutto au Pakistan après huit ans d'exil. L'ex-Premier ministre, l'ennemie publique des islamistes, a échappé de très peu à la mort selon Olivier O'Mahony, journaliste et témoin de l'attaque. Benazir Bhutto a déclaré vendredi qu'elle continuerait à lutter pour la démocratie au Pakistan et qu'elle était prête à risquer sa vie.

Une scène apocalyptique, c'est ce que décrit Olivier O'Mahony, journaliste à Paris Match. Il a assisté à Karachi au défilé organisé en l'honneur du retour de Benazir Bhutto et à l'attentat très sanglant qui a suivi. "C'était une ambiance de liesse, c'était électrique, très festif, très joyeux" raconte Olivier O'Mahony dans les minutes qui ont précédé l'attaque. "Benazir Bhutto prenait tous les risques, elle a eu beaucoup de chance, elle était à l'intérieur du camion blindé pour relire son discours quand deux bombes ont explosé et plusieurs coups de feu ont retenti" explique encore le journaliste. Bilan : au moins 138 morts.

Benazir Bhutto a tenu une conférénce de presse vendredi au domicile de ses beaux-parents à Karachi. "Nous sommes prêts à risquer nos vies. Nous sommes prêts à risquer notre liberté. Mais nous ne sommes pas prêts à livrer ce grand pays aux activistes", a dit l'ex-Premier ministre qui portait un brassard noir. Elle a réaffirmé qu'elle ne quitterait pas de nouveau le Pakistan. "C'était un attentat contre ce que je représente. Il visait la démocratie ainsi que l'unité et l'intégrité même du Pakistan. Je savais que l'attentat pouvait avoir lieu, mais j'étais prête à prendre ce risque pour mon peuple et ma terre." Benazir Bhutto a jugé probables d'autres actions à son encontre. Elle a aussi fait allusion à des ennemis qui, de l'intérieur même du gouvernement, militaient et conspiraient contre elle. "Je n'accuse pas le gouvernement. J'accuse des gens, certains individus qui abusent de leurs positions, qui abusent de leurs pouvoirs", a-t-elle déclaré.

C'est le plus meurtrier des attentats suicide jamais perpétrés au Pakistan : au moins 138 personnes ont donc été tuées et 400 blessées parmi les quelque 250.000 partisans de Benazir Bhutto qui suivaient son cortège. La mégalopole du sud du pays avait pourtant été transformée en forteresse, quadrillée par 20.000 policiers, pour protéger Benazir Bhutto. Accueillie triomphalement, l'ex-Premier ministre devait se rendre au mausolée du père-fondateur du Pakistan Muhammad Ali Jinnah. Bravant les menaces, elle s'est tenue debout au dessus de la cabine du poids-lourd, ignorant ostensiblement la cage de verre blindé prévue pour la protéger. "La première explosion a été causée par une grenade. La seconde était un attentat suicide", a dit un responsable de la police nationale. "Le kamikaze a couru au milieu de la foule et s'est fait exploser."

Première femme à avoir été Premier ministre dans le monde musulman , Benazir Bhutto est revenue au Pakistan pour conduire son parti aux législatives de janvier. Un partage du pouvoir a été négocié avec le président Pervez Musharraf. Ramener la démocratie et éradiquer la menace islamiste, telles sont ses promesses. Le président Pervez Musharraf parle donc avec cette attaque d'"un complot contre la démocratie". Mais le mari de l'ex Premier ministre accuse lui une agence des services de renseignement du Pakistan d'avoir perpétré le double attentat.

Toute la communauté internationale a protesté contre ces attentats. La Maison Blanche a condamné cette attaque et a indiqué que "les extrémistes ne réussiront pas à empêcher les Pakistanais de choisir leurs représentants à travers un processus démocratique et ouvert", semblant privilégié la piste d'Al Qaïda. L'Australie, le Canada, l'ONU, l'Union européenne et plusieurs pays européens ont également condamné cet attentat. Nicolas Sarkozy a invité les autorités pakistanaises "à veiller à ce que le processus devant conduire aux élections législatives se déroule dans les meilleures conditions, en particulier en garantissant la sécurité des responsables politiques".