"Moi, président..." : le retour de bâton

"Moi, président de la République". L'anaphore avait duré près de 3'30''. Elle est désormais détournée par les adversaires de François Hollande.
"Moi, président de la République". L'anaphore avait duré près de 3'30''. Elle est désormais détournée par les adversaires de François Hollande. © TF1
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L’anaphore chère au chef de l’Etat est désormais utilisée par ses adversaires. Inévitable.

L’anaphore "Moi, président de la République", grand fait marquant du débat d’entre-deux-tours de l’élection présidentielle, le 6 mai dernier, est en train de se retourner contre son créateur. Les opposants n'hésitent plus à le détourner pour attaquer l'action de François Hollande. Dernière en date, Nathalie Kosciusko-Morizet sur Europe 1 mardi matin. "Dans la fameuse tirade ‘Moi, président’, on aurait pu rajouter ‘Moi président, je n’aurais aucune autorité sur mon premier ministre et mon gouvernement’", a raillé l’ex-ministre de l’Ecologie, interrogée sur la place des ministres écologistes au gouvernement.

NKM détourne l'anaphore de François Hollande (à 1'35'') :

Dimanche, c’est Marine Le Pen qui avait détourné l’anaphore en s'adressant directement François Hollande. Elle avait alors débuté toutes les phrases d'une partie de son discours par : "Vous, président de la République".

Marine Le Pen interpelle François Hollande :

D’autres enfin piochent dans la tirade, longue tout de même de près de 3’30’’, pour critiquer l’action du chef de l’Etat. Ainsi Laurent Wauquiez, qui évoquait le 8 septembre dernier le passé judicaire de Jean-Christophe Cambadélis et d’Harlem Désir. "Il me semble que pendant la présidentielle, il y avait eu un discours extraordinaire de Hollande, disant ‘Moi président de la République, je n'accepterai jamais d'avoir dans mon entourage la moindre personne condamnée’", avait lancé l’ex-ministre de l’Enseignement supérieur sous les applaudissements de 200 jeunes réunis à l’occasion du campus UMP au Touquet.

 "Un effet boomerang"

Le détournement ou l’utilisation par les adversaires politiques d’un slogan est un grand classique, surtout quand la formule est simple et efficace. "C'est toujours une bonne stratégie de communication de reprendre les paroles de son concurrent pour les détourner. Et les hommes politiques sont souvent très forts dans cet exercice", confirme François Belley, spécialiste en communication politique, joint par Europe1.fr. "Là, cela renvoie à des images de campagne, et il y a un effet boomerang pour François Hollande", estime l’expert.

François Mitterrand, lors du débat de 1981, avait en quelque sorte ouvert la voie. Face à Valéry Giscard d’Estaing, qui l’avait dominé sept ans plus tôt,  il avait récupéré une expression adverse pour la retourner à son avantage. "Vous avez tendance un peu à reprendre le refrain d’il y a sept ans, l’homme du passé. C’est quand même ennuyeux que dans l’intervalle vous soyez devenu vous l’homme du passif", avait lancé le futur président de la République.  
 

Plus près de nous, le "Travailler plus pour gagner plus", inventé par Nicolas Sarkozy et ses équipes en 2007, avait abondamment été utilisé contre l’ex-chef de l’Etat pendant son quinquennat. Evoquant, en décembre 2008, la fin possible des 35 heures, François Bayrou avait ainsi conclu sa démonstration par : "si je compte bien, c’est travailler plus pour gagner moins."

Bayrou fustige le "Travailler plus pour gagner plus" :

Encore plus récemment. En janvier 2012, alors que François Hollande vient de dévoiler son programme, Franck Allisio, président des jeunes actifs UMP, évoque "la farce tranquille" Dans une référence au célèbre slogan pensé par Jacques Séguéla pour François Mitterrand en... 1981. 21 ans plus tard, ce slogan reste donc dans toutes les têtes.

Car paradoxalement, la reprise par des opposants d’un slogan politique participe à inscrire ce dernier dans la postérité. "Si les politiques rebondissent sur une petite phrase, c’est qu’ils savent qu’elle est restée dans l’esprit des gens. Ils savent que la référence sera immédiatement identifiée. Sinon, ils ne prendraient pas le risque de le faire", conclut François Belley.

Revivez le "Moi, président de la République", de François Hollande :