INTERVIEW - "Pas de risque d’un nouveau 21 avril"

François Hollande et Jean-Pierre Chevènement avaient tous deux soutenu Ségolène Royal en 2007. Ils sont désormais adversaires, à moins que le second nommé se rétracte en faveur deu premier. La possibilité est réelle.
François Hollande et Jean-Pierre Chevènement avaient tous deux soutenu Ségolène Royal en 2007. Ils sont désormais adversaires, à moins que le second nommé se rétracte en faveur deu premier. La possibilité est réelle. © REUTERS
  • Copié
, modifié à
INTERVIEW - Pour Stéphane Rozès, politologue, la candidature Chevènement ne gêne pas Hollande.

Un nouveau candidat de gauche s'est déclaré pour l'élection présidentielle de 2012. Samedi soir, Jean-Pierre Chevènement a officialisé sa candidature à l'élection suprême. L'annonce a été diversement accueillie par les socialistes, qui ont encore en tête le 21 avril 2002, quand Lionel Jospin avait été éliminé dès le premier tour de l'élection présidentielle. Candidat, le fondateur du MRC avait alors recueilli 5,3% des voix. Mais selon Stéphane Rozès, politologue, ex-directeur de l'institut CSA, la donne a bien changé en 10 ans. Et François Hollande, candidat socialiste en 2012, n'a pas trop de souci à se faire.

Europe1.fr : Jean-Pierre Chevènement a déclaré sa candidature à la présidentielle samedi. Est-ce une mauvaise nouvelle pour François Hollande ?
Stéphane Rozès : ce n’est qu’une candidature. On ne sait pas s’il va aller au bout. Certes, il a franchi un cap par rapport à 2007, quand il avait estimé qu’il se faisait suffisamment entendre de Ségolène Royal. Mais il a aussi dit que François Hollande est un homme intelligent, qu’il doit prendre de la hauteur. Le sous-entendu, c’est évidemment que le candidat socialiste doit reprendre ses idées pour gagner cette hauteur. A mon sens, il laisse là ouverte la possibilité de se rétracter durant la campagne si François Hollande l’écoute. Et les déclarations d’Arnaud Montebourg, selon lesquelles il faut écouter Jean-Pierre Chevènement, corroborent cette analyse.

Jean-Pierre Chevènement candidat, cela rappelle forcément 2002. Et 2002 rappelle forcément le 21 avril et l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle. Le même risque existe-t-il en 20102 ?
Je ne le crois pas. Le 21 avril, je l’ai toujours dit, c’est d’abord la responsabilité de Lionel Jospin. Il n’avait dit ni qui il était, ni ce qu’était son projet. L’essentiel de sa candidature, c’était de dire que Jacques Chirac n’était pas à la hauteur ou malhonnête. Or, une présidentielle, c’est la capacité des candidats à dire qui ils sont et la cohérence de leur projet. Je crois que François Hollande a compris qu’il fallait construire sa propre cohérence, et qu’il est illusoire de gagner une présidentielle contre l’adversaire. En outre, les gens ont en tête le 21 avril 2002. Et s’il y a un risque que Marine Le Pen soit au second tour, les Français réfléchiront à deux fois dans l’isoloir et donneront une prime à François Hollande et Nicolas Sarkozy.

C’est le fameux vote utile…
Exactement. Les Français ne veulent pas, comme en 2002, se voir privés de ce qu’est une présidentielle. C’est-à-dire la désignation d’un président, mais aussi que ce président ait une légitimité pour mener une politique. En 2002, Jacques Chirac avait été réélu avec 80% des voix, et pourtant il n’avait aucune légitimité. Car le vote avait été très largement dominé par le réflexe républicain, anti-Front national. En 2012, les Français ne voudront pas être privés d’un vrai débat de second tour entre deux partis de gouvernement, et ils auront intégré le fait qu’il faut que le président ait une véritable légitimité pour sortir le pays de la crise dans laquelle il se trouve.