Fillon, trois ans de hauts et de bas

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Fabienne Cosnay , modifié à
VIDEO - Le Premier ministre, souvent éclipsé par le Président, a su séduire l’opinion et l’UMP.

"Il a renoncé à imprimer sa différence : si Sarkozy dit que la table est verte, Fillon dira que la table est verte". La remarque, peu élogieuse, vient du patron des députés UMP Jean-François Copé. De l’avis général, elle pourrait résumer l’image du duo depuis 2007 alors que François Fillon fête lundi ses trois ans à Matignon. Sauf que cette image de "collaborateur" qui colle à la peau du Premier ministre est un peu trop simpliste. Car les relations Sarkozy-Fillon ont beaucoup évolué en trois ans.

François Fillon l’a plus ou moins reconnu, le 9 mars dernier, sur France 2. "Les commentateurs sont formidables. Il y a deux ans, j'étais inexistant, il y a six mois, j'étais sur le point de démissionner et aujourd'hui, je suis présidentiable".

"Le Premier ministre est un collaborateur"

Mai 2007. Nicolas Sarkozy nomme François Fillon à Matignon. Ce proche de Séguin s’est rapproché du chef de l’Etat peu avant la campagne. Dès le début du mandat présidentiel, le ton est donné. "Le Premier ministre est un collaborateur, le patron, c'est moi" confie Nicolas Sarkozy lors d'un déjeuner avec des journalistes de la presse quotidienne régionale. Quelques mois plus tard, François Fillon, interrogé par Paris Match, commentera laconiquement ce terme de "collaborateur" : "Ces incidents de parcours sont réglés (...) Il arrive à chacun de commettre des imprécisions de vocabulaire".

Les premiers mois à Matignon sont éprouvants, y compris physiquement, pour le Premier ministre. François Fillon encaisse. Et souffre d’une sciatique chronique. Car Nicolas Sarkozy s'empare de tous les dossiers. Du jamais vu sous la Ve République. Ses plus proches conseillers, notamment Claude Guéant, donnent les directions du gouvernement en lieu et place de François Fillon.

"Le problème, c’est qu’il veut faire"

Le Premier ministre reconnaît lui-même l’omniprésence du chef de l’Etat et le second rôle que ce dernier lui attribue. "Souvent le problème, c'est que lui ne veut pas, c'est à dire qu'il veut le faire", confesse t-il à Jean-Pierre Elkabbach, à la sortie d’une interview donnée à Europe 1, en novembre 2007.

"Pas de rivalité avec le président"

Pendant trois ans, les séances de recadrage sont fréquentes. Nicolas Sarkozy n’hésite pas à désavouer François Fillon sur plusieurs dossiers majeurs, comme celui de la taxe carbone.

Le dernier épisode date du 25 mars 2010. Invité du 20h de TF1, le Premier ministre annule sa participation deux heures avant le journal... sur ordre du président. Nicolas Sarkozy ne veut pas que cette interview interfère avec sa propre allocution à l'issue du Conseil des ministres, la première depuis sa déroute aux régionales.

Interrogé sur le sujet par des sénateurs, François Fillon serre les dents. Et nie solennellement toute rivalité avec le chef de l'Etat. "Il n'y a pas de divergences et encore moins de rivalité entre le président de la République et moi."

"Il fait bien son job"

Des vexations, certes mais François Fillon peut aujourd’hui compter ses soutiens. Son image de gestionnaire rigoureux a séduit une partie des élus et sympathisants UMP. "Il est loyal, fait bien son job et a un bon esprit d'équipe", dit de lui un secrétaire d'Etat qui souligne un autre atout de taille : "la confiance des députés".

Les sondages lui sont aussi devenus favorables. Depuis deux ans, sa cote devance celle du président (48% d’opinions favorables contre 38% dans le dernier baromètre Viavoice-Libération). Une nouvelle popularité qui pourrait constituer une menace pour le chef de l’Etat si ce dernier décidait de s’en séparer.