Des "groupes de parole" à l'UMP, ça donnerait quoi ?

© MAXPPP
  • Copié
Sophie Amsili , modifié à
LE POINT DE VUE DE - Copé a proposé de créer des "groupes de parole". Chiche ! Des professionnels livrent leur méthode.

Proclamé président d'un parti au bord de l'explosion, Jean-François Copé a appelé une nouvelle fois au rassemblement lundi. Au passage, il a proposé une mesure peu fréquente chez les politiques et d'ordinaire réservée au monde de l'entreprise : "J'invite les cadres de l'UMP à organiser dans tous les départements des groupes de parole et de réflexion. J'invite les militants à participer à ce travail, pour tracer ce chemin que nous devons emprunter pour la France". Concrètement, à quoi pourraient ressembler ces groupes de parole ? Europe1.fr a interrogé des professionnels pour dresser un mode d'emploi.

>> LIRE AUSSI : Crise à l'UMP : l'essentiel des événements de lundi

• Créer "un climat de confiance", c'est indispensable

"Un groupe de parole, c'est une technique pour diminuer le niveau de tension d'un groupe, crever les abcès", explique le Dr Bernard Salengro, médecin du travail. "On se met autour d'une table et on fait parler les gens. Il faut un animateur qui soit capable de relancer la parole et d'identifier là où ça fait mal pour crever l'abcès."

Mais se rassembler autour d'une table ne suffit pas. Le dispositif ne fonctionnera que s'il y a "un climat de tolérance", met en garde de son côté Jean-Claude Delgènes, directeur général du cabinet Technologia spécialisé sur les risques professionnels. "Il faut que chaque personne puisse s'exprimer et qu'aucune sanction ne soit appliquée si les propos ne sont pas 'conformes'. Il faut enfin que les participants partagent tous le même objectif et qu'ils ne redoutent une manipulation, sinon cela ne marchera pas."

Pourquoi ne pas tenter le "test du village" ?

"Avant toute chose, il faut dresser un diagnostic, explique le Dr Salengro. Comment fonctionne l'organigramme et la communication ? Quelles sont les raisons de la scission ? Et surtout : est-ce qu'il est possible de rattraper la situation et si oui, comment ?"  Pour cette première étape, le Dr Salengro propose le "test du village" : "on donne aux participants des petites maisons comme dans un Monopoly et on leur demande de se regrouper. S'il s'agit d'un groupe homogène, ils créeront un village, sinon ce sera plutôt des hameaux. Cela permet de comprendre l'ampleur des tensions".

• Expression libre ou jeu des coussins, au choix

Tous les spécialistes n'ont pas la même technique, mais, pour le Dr Salengro, il est préférable de ne pas aborder le sujet à l'origine des tensions directement, mais par des activités qui symbolisent la situation nouée. Il pourrait utiliser des "associations de mots", mais, prévient-il "ce sont des professionnels du verbe, habitués des stratégiques politiques, on ne les aura pas comme ça !"

Jean-Claude Delgènes préfèrerait, lui, éviter les jeux de rôle "qui rajoutent encore des pantomimes". "Il faut revenir à une expression libre, authentique", estime-t-il. Et celle-ci ne doit pas forcément passer par l'oral : "par exemple, cela peut être des contributions écrites qui sont lues, car l'écrit permet de poser une réflexion, d'être moins spontané."

Psychopraticienne et formatrice, Géraldyne Prévot-Gigant préfère alterner les activités "symboliques" et celles qui abordent de front les problèmes. Objectif : "surprendre" et pousser les participants "au-delà de leurs convictions". Exemple : les participants représentent chaque camp par des coussins de couleur puis réorganisent ces derniers en fonction des souhaits de chacun. "Leur vision de la situation évolue et ils se souviennent très bien de la position finale des coussins, qui apporte une solution à la situation."

Qui ? Où ? Pendant longtemps ?

"Mélanger les cadres et les militants serait une bonne idée", estime Géraldyne Prévot-Gigant, "afin d'élargir le champ de vision des premiers et changer les idées toutes faites des deuxièmes. Mais il faut vraiment un bon régulateur pour que l'échange reste harmonieux." "Peu importe le lieu", ajoute-t-elle, "mais il doit rester le même et être confidentiel, sans bruit extérieur ou allées et venues qui viennent gêner la réunion" Jean-Claude Delgènes insiste pour sa part  sur la logistique : "il faut une bonne sonorité, un bon éclairage, de l'eau si cela dure longtemps…"

"La régularité est de mise", souligne Géraldyne Prévot-Gigant, qui préconise des réunions tous les 15 jours ou tous les mois. "Elles doivent durer entre 3 et 5 heures avec des pauses, car il faut le temps de déconnecter de sa journée et du monde extérieur, puis s'immerger dans l'échange d'idées et enfin la phase de clôture". 4 à 6 mois seraient ainsi nécessaires, selon Jean-Claude Delgènes. 

Et ça pourrait marcher ?

"Il y a du travail", concède le Dr Salengro. "Ça peut aider à dédramatiser mais il ne faut pas réduire le problème à de la psychologie. On a aussi deux conceptions politiques, deux personnalités et deux ambitions qui s'affrontent."