De Mao à Le Pen, en passant par Chirac

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PORTRAIT - Michel Bulté, tête de liste FN dans le 19e arrondissement de Paris, a un parcours politique pour le moins… original.

"J’ai retourné ma veste le jour où je me suis aperçu qu’elle était doublée de vison". Comme Serge Gainsbourg l’a assumé avant lui, Michel Bulté est un opportuniste, qui sait aller là où le vent est le plus porteur. Cette fois, Eole l’a emporté dans les bras de Marine Le Pen, qui lui a confié la tête de liste dans le 19e arrondissement de Paris. Hier, c’était Bayrou, avant-hier Tiberi. Plus loin, c’était Mao qui avait ses faveurs. L’homme n’est plus à une contradiction près. Car Michel Bulté est loin, très loin, d’être un politique comme les autres.

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Une première vie de maoïste. Né en 1947 dans le Sud ouest, Michel Bulté use ses premiers fonds de culottes sur les terrains de rugby de Biarritz, avant d’entamer des études d’ingénieur à Bordeaux. Puis, première rupture : "je suis venu à Paris en 1968. J'avais une forte sympathie pour la Chine et le sentiment que tout se passait à Paris. J'y suis arrivé au mois de mai, et ce n'était pas par hasard", raconte-t-il à Libération, en 1995. Sa seconde vie commence : il sera maoïste. "Les cocos, à l’époque, se battaient pour avoir le frigo et la télé. Les maoïstes, eux, se battaient pour défendre les idées de liberté, de reconquête du monde", confie-t-il à Thierry Ardisson, en 1999.

Comme tout maoïste qui se respecte, il s’engage alors comme ouvrier, chez Nicoll, une usine de plastique de Gentilly. Il en est viré pour avoir soutenu une salariée blessée par une machine. Seconde rupture : "j’ai vu la solidarité ouvrière du PCF : les ouvriers m’ont dénoncé à la direction".

Chirac, le coup de foudre d’une seconde vie. Déçu par "l’aristocratie ouvrière", Michel Bulté crée son entreprise d’électricité. Mais en 1977, une figure montante de la classe politique le fait revenir dans l’arène. "C’est un peu surprenant. Mais Chirac avait quelque chose de révolutionnaire, une volonté, une détermination pour faire quelque chose d’intéressant", explique-t-il. Il est désormais de tous les combats du Corrézien, déambule dans les marchés, serre des mains, claque des bises. Un chiraquien, un vrai. Et fini, au forceps, par devenir maire du 19e arrondissement de Paris en 1994, où il devient un proche de Jean Tibéri. "C’est mon pote !", confirme-t-il.

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"Cocu"… donc une nouvelle vie. Arrivé au pouvoir, Michel Bulté connaît une nouvelle désillusion : "la fracture sociale" de Chirac n’était qu’un slogan de campagne. "Il a fait cocu les Français en 1995. C’est pour cela que j’ai voulu me présenter à la présidence du RPR, pour secouer le cocotier et foutre en l’air les manœuvres claniques". Raté, encore : "ils m’ont exécuté en ne validant pas ma candidature", se souvient-il, avant de lancer une punchline dont il est si friand : "quand j’étais candidat à la présidence du RPR, je me suis rendu compte que j’étais vachement populaire…mais surtout dans les autres partis !" Michel Bulté, c’est aussi ça. 

Après Chirac, direction le camp Balladur (photo). En 1998, le Premier ministre fait de lui sa caution chiraquienne aux régionales. Il joue le jeu, mais sans passion. "Je n’ai pas baisé sa babouche pour y être. Je suis élu conseiller régional mais si ‘pépère’ avait un peu élargi sa liste, on aurait pu emporter les régionales", regrette-il encore.

Le centrisme, une courte vie. En 2005, il quitte la droite républicaine : "le RPR est un parti archaïque, anti-démocratique. Les mecs, c’est tous des culs serrés". Parce qu’il a envie de s’amuser - pourquoi d’autres ? - Michel Bulté devient candidat aux élections législatives en 2007 sous l’étiquette MoDem. "C’est un gars très drôle. Il est à pisser de rire", se souvient une élue centriste pour France 3 Ile-de-France. Un passage furtif qui ne fera pas une ligne dans les livres d’histoire centriste. Mais une preuve de plus que l’homme est inclassable. Pas convaincu ? En 2011, il se présente brièvement à la primaire socialiste au nom de l’Initiative nouvelle des indépendants gaullistes nationaux et sociaux. "Attrape-moi si tu peux"…

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Le FN, sa dernière vie ? Jeudi, c’est aux côtés de Wallerand de Saint-Just, tête de liste du Front national à Paris (photo), que l’on a retrouvé ce Sans Parti Fixe. Pourquoi le FN ? C’est "la vraie alternative crédible à droite pour relancer Paris", estime-t-il, raillant au passage "la droite la plus bête du monde". La même droite qui l’a porté à la mairie du 19e arrondissement 20 ans plus tôt…"On pourra dire qu'il a fait toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Quel con ! Ça me fait de la peine", juge sur France 3  Jean-François Legaret, qui l’a fréquenté au conseil de Paris. "J'étais gravement malade. Mais voilà, je suis ressuscité", se marre Michel Bulté, jamais avare d’un bon mot. Rendez-vous en 2017 pour un énième retournement de veste ?

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