Chirac, le flingueur de la politique

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ZOOM - Chirac fête ses 80 ans. L’occasion de revenir sur sa vie politique. Et sur ses coups fourrés.

Depuis qu’il est à la retraite, Jacques Chirac est régulièrement élu homme politique préféré des Français. Qui ne lui en veulent donc pas d’avoir parfois (voire souvent) manigancé pour conquérir le pouvoir. Retour sur cinq épisodes marquants de sa carrière politique.

1974, l’appel des 43 et la chute de Chaban
 Avril 1974. Le président Pompidou vient de mourir, les gaullistes sont orphelins. Un homme semble toutefois s’imposer naturellement pour prendre sa suite et assumer l’héritage du grand Charles : Jacques Chaban-Delmas. Celui qui était alors Premier ministre jouit d’une belle image auprès des Français, qui lui sont gré de sa "Nouvelle société".

Au sein de la majorité pourtant, un jeune loup aux dents longues ne croit pas au destin présidentiel du maire de toujours de Bordeaux. Jacques Chirac, qui est alors ministre de l’Intérieur, fédère autour de lui 43 députés de l’Union des démocrates pour la république (UDR) en faveur de Valéry Giscard d’Estaing. Cet appel des 43 causera la perte de Jacques Chaban-Delmas. Et le début de l’ascension politique du conspirateur.

1976, la naissance du RPR
 Nommé Premier ministre par VGE en récompense de sa "trahison", Jacques Chirac voit les décisions passer au dessus de sa tête. Le président traite en direct avec ses ministres, ce qui l’agace considérablement. Cela lui laisse toutefois du temps pour "liquider" les derniers barons du gaullisme.

 

Son constat est simple : l’UDR avait pour vocation de soutenir la politique du président. Alors faute de président gaulliste, il fallait regrouper les gaullistes autour d'une personnalité : la sienne. Cette refondation de la droite accouche d’un nouveau parti, le 5 décembre 1976 : le Rassemblement Pour la République (RPR).

1981, Chirac fait battre VGE
 L’art de la trahison n’a décidément aucun secret pour lui. Fâché avec Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac se présente contre lui à l’élection présidentielle de 1981, mais est éliminé dès le premier tour. Avant le second tour, il se contente du service minimum, se bornant à reconnaître qu’"à titre personnel" il ne pouvait "que voter pour M. Giscard d'Estaing". Il n’en fera rien, bien au contraire.

VGE raconte à ce sujet une anecdote croustillante dans ses Mémoires. Dubitatif, il fait un test téléphonique: "Permanence de Jacques Chirac. A qui voulez-vous parler ?" "Je voudrais savoir comment voter dimanche ?" "Il ne faut pas voter Giscard. On a dû vous le dire ! (…) Il faut voter Mitterrand !" Le socialiste sera élu et les deux hommes resteront à jamais brouillés.

1995, Balladur battu sur le fil
 François Mitterrand fatigué, les législatives de 1993 remportées, tout va bien pour le RPR. Parce qu’il a gardé de mauvais souvenirs de sa cohabitation avec Mitterrand (1986-1988), Jacques Chirac pousse Edouard Balladur à Matignon, "un ami de 30 ans" avec qui il n'y aura jamais de "concurrence", explique-t-il alors. Les données sont claires pour les deux hommes : à Edouard Balladur le poste de Premier ministre, à Jacques Chirac la préparation de la présidentielle de 1995.

Le 18 janvier, la mécanique s’enraye. Grisé par des sondages qui le portent au pinacle, Edouard Balladur se déclare candidat à l’élection présidentielle le 18 janvier 1995. Jacques Chirac vit alors lui-même ce qu’il a fait vivre à VGE en 1981… Sauf qu’au prix d’une remarquable campagne de terrain - qui a oublié son "mangez des pommes !" ? - le Corrézien élimine son meilleur ennemi dès le premier tour. Et s’impose au second.

2002, naissance de l’UMP
 Deux jours après la qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle, la droite républicaine se rassemble comme un seul homme. L’Union pour la majorité présidentielle est créée, avec un seul but : porter Jacques Chirac à l’Elysée et lui assurer une majorité stable en remportant les législatives qui vont suivre.

Dans cette optique, tous les partis "satellites" sont digérés (Démocratie libérale, Ecologie Bleue etc.) et toutes les tendances sont donc représentées : gaulliste, libérale, conservatrice et même centriste. La puissante UDF accepte en effet de faire partie de l’équipe et de s’effacer. Jacques Chirac a réussi le tour de force d’unir toute la galaxie de la droite sur son seul nom. Deux semaines plus tard, il est réélu avec 82,21 %.