Le rôle des plateformes et des réseaux sociaux dans la lutte contre la désinformation est primordial. 4:58
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Léa Leostic
Invité d’Europe 1 lundi matin, Fabrice Fries, président de l'AFP et auteur de "L'Emprise du faux", a fait cinq propositions pour lutter contre la désinformation : le fact checking, les droits voisins, un dialogue avec les annonceurs, une meilleure connaissance des algorithmes, mais aussi l’application du principe du pollueur-payeur au monde de l’information. Explications.

Lutter contre les fake news est devenu un enjeu de taille, encore accentué par la crise du Covid-19, où les fausses informations et théories du complot se sont multipliées. Invité de l’émission Culture Médias d’Europe 1 lundi, Fabrice Fries, président de l'Agence France Presse (AFP) et également auteur de l’essai L'Emprise du faux aux Editions de l’Observatoire, a fait cinq propositions pour lutter contre la désinformation.

Miser sur le fact checking

L’Agence France Presse a développé une entité d’investigation numérique, avec 100 fact checkeurs répartis dans 30 pays. En termes de revenu généré, l’AFP est ainsi devenue leader mondiale du fact checking. "Et de loin", insiste Fabrice Fries. Et avec la crise sanitaire, la cellule fact checking tourne à plein régime. Depuis le début de la pandémie, l’AFP a publié 2.500 articles rectificatifs sur le Covid-19.

Pas forcément une bonne nouvelle pour autant, déplore le PDG de l’AFP : "La pandémie aurait dû réconcilier avec l’idée que les faits sont importants et que la science compte. Mais on a vu que ça n’avait pas été le cas. Ca illustre le fléau de l’époque".

Améliorer les droits voisins

Plus d'un an après le début des discussions, Google a annoncé en janvier dernier avoir signé plusieurs accords avec des titres de presse pour faire en sorte que les médias soient rémunérés pour les contenus qui sont indexés sur les plateformes. En résumé, ce qu’on appelle "les droits voisins" doivent permettre un meilleur partage des revenus du numérique. Cependant, ce droit n’a pas solutionné tous les problèmes. Une nouvelle audience sur le sujet doit avoir lieu mercredi.

"C’est un combat légitime et s’il est gagné, les médias et les agences de presse auront davantage de ressources pour produire une information de qualité", estime Fabrice Fries.

Se tourner vers les annonceurs

Pour lutter contre les faux sites d’informations, Fabrice Fries dit qu’il faut "assécher le business de la désinformation". Car ces sites sont financés par de la publicité. Sauf que les annonceurs ne sont pas toujours au courant que leurs pubs se trouvent sur de tels sites. "Avant, les publicitaires achetaient un support donc ils savaient où allait leur pub. Mais aujourd'hui, ils achètent une audience donc ils ne savent plus", résume Fabrice Fries.

"Il faut que les plateformes donnent aux annonceurs les outils qui leur permettent de savoir où leurs publicités atterrissent. Si par exemple une marque de luxe apprend que sa pub finit sur un site extrémiste, elle va s’opposer à cela, ne pas recommencer et à la fin, le site n’aura plus aucune ressource", poursuit-il.

Connaitre la clé des algorithmes

Les algorithmes sont au cœur du sujet de l’information en ligne, car ce sont eux qui structurent la manière dont l’information est visible et accessible. "On a accepté que ces algorithmes personnalisent, fragmentent à l’extrême les informations", constate Fabrice Fries, "sans savoir comment ils fonctionnent réellement".

"Si on savait comment ils sont construits, on pourrait imposer aux plateformes des corrections. Les algorithmes ont poussé vers le faux et donnent une prime à l’émotion. On n’a pas de raisons d’accepter ce degré d’opacité. Il faut corriger cela", insiste le patron de l’AFP.

Appliquer le principe du pollueur payeur

Le principe du pollueur-payeur est simple : en résumé, celui qui a causé les dégâts doit en assumer les frais de réparation. Et selon Fabrice Fries, ce principe devrait être appliqué à la désinformation. Il s’explique : "La lutte contre la désinformation a un coût. Aujourd'hui, il y a un seul acteur engagé : Facebook, qui a monté un programme avec 200 médias dans le monde et qui finance des opérations de fact cheking. Mais en revanche, YouTube, par exemple, ne fait rien".

Le journaliste estime donc que la plateforme de vidéos devrait financer du fact checking, au regard de ce qu’il a publié comme fausses informations. "Je trouverais paradoxal que ce soit le contribuable qui finance des formations publiques aux médias ou de lutte contre la désinformation, alors que ce sont les plateformes qui sont à l’origine du problème", conclut Fabrice Fries.