Pourquoi le média «Brain Magazine», monument de l'Internet français, s'arrête pour de bon

  • Copié
Louise Bernard, avec Alexis Patri
Créé il y a 15 ans par la journaliste Anaïs Carayon, le média en ligne "Brain Magazine" a marqué de sa patte drôle et exigeante l'Internet français. Sa créatrice explique au micro d'Europe 1 dans "Culture Médias" pourquoi "Brain", devenue il y a deux ans la newsletter "Brain Matin", expire son dernier souffle.
INTERVIEW

Encéphalogramme plat pour Brain Magazine. Créé il y a 15 ans, le mythique média en ligne s'arrête. Il y a un peu moins de deux ans, le site Internet Brain Magazine avait déjà disparu pour devenir une newsletter payante, Brain Matin. Elle s'arrête à son tour. Brain a marqué toute une jeune génération, notamment avec ses "Page pute" et "Page président". Le média à la fois décalé et sérieux avait été fondé il y a 15 ans par la journaliste Anaïs Carayon. Elle explique à Europe 1 pourquoi elle a décidé de mettre un terme à cette belle aventure.

"Je pense qu'on a vraiment été le premier média français à montrer qu'Internet n'était pas que des blogs. En termes d'audience, on a un moment fait concurrence à des gros médias", indique à notre micro la journaliste. "Nous avons aussi inventé en France le ton 'intellol', à la fois drôle, débile, et avec beaucoup de fond. On a écrit beaucoup d'interviews fleuves, de reportages fous. On était un peu le magazine gonzo à la française."

Le ton "intellol" contre la pression des GAFAM

Et si Brain s'arrête aujourd'hui, c’est pour plusieurs raisons. Travailler à trois salariés seulement pour produire une newsletter par jour, c'est épuisant. Anaïs Carayon est également lassée de se battre contre les algorithmes des GAFAM, la censure de Google et de Facebook. La pression économique devient trop compliquée pour ce média qui tient à ne pas avoir d'investisseurs. Les annonceurs sont de plus en plus exigeants et de moins en moins respectueux de la ligne éditoriale de Brain

"Cela fait deux ans que l'on porte un média à bout de bras, dans une économie, un environnement et un état d'esprit qui ont beaucoup changé", regrette Anaïs Carayon. "Là où l'on s'est battu en se marrant pendant 13 ans, on le fait en se marrant un peu moins depuis deux ans. Brain est un média joyeux. Le faire avec un peu moins de joie de vivre est compliqué. Ayant connu une époque assez géniale, j'ai du mal à me dire que je peux continuer à faire mon travail correctement dans un monde qui a changé." La journaliste va continuer d'animer les réseaux sociaux de Brain, très appréciés, au moins jusqu'en septembre 2022.