Nice-Matin : l'offre de reprise de Xavier Niel rejetée par les salariés

L'offre de reprise de Nice-Matin par Xavier Niel a été rejetée par les salariés.
L'offre de reprise de Nice-Matin par Xavier Niel a été rejetée par les salariés. © ERIC PIERMONT / AFP
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avec AFP
Le copropriétaire du Monde souhaitait racheter 34% des parts de Nice-Matin. Les salariés du groupe s'y sont opposés, contrairement aux journalistes de la rédaction, qui ont majoritairement voté pour lui.

Après avoir officialisé son rachat de 34% de Nice-Matin, Xavier Niel, copropriétaire du Monde, a vu son offre de reprise rejetée vendredi par les salariés-actionnaires du journal, détenteurs des 66% restants, qui ont préféré celle d'Iskandar Safa, propriétaire de Valeurs Actuelles.

Fronde des salariés

En début d'après-midi, Xavier Niel, fondateur de Free (groupe Iliad), a annoncé avoir pris le contrôle des 34% de Nice-Matin détenus depuis 2016 par le groupe belge Nethys via sa holding Avenir Développement. Une acquisition qui lui ouvrait théoriquement la voie vers 100% du capital du quotidien régional en vertu du pacte d'actionnaires liant Avenir Développement et la SCIC Nice-Matin, cette coopérative où les salariés ont investi leur 13e mois en 2014 pour devenir propriétaires de 66% de leur journal. 

Mais les 456 salariés-actionnaires, réunis en assemblée générale vendredi après-midi se sont prononcé à 60% en faveur du projet concurrent, porté par le magnat franco-libanais Iskandar Safa, qui a fait fortune dans les chantiers navals. Un vote qui entraîne de fait une dénonciation du pacte d'actionnaires. Dans un communiqué, le PDG du groupe, Jean-Marc Pastorino, favorable au projet Safa, a estimé vendredi soir que ce vote marquait "le choix d'un avenir". Sans citer Xavier Niel, il estime que cette décision "contrecarre une tentative de fraude aux droits des actionnaires salariés de choisir (leur) nouveau partenaire".

Les journalistes votent pour Niel

La tension était forte au sein du groupe Nice-Matin vendredi soir. Car le collège des journalistes s'est prononcé à une très large majorité (98,33%) pour l'offre de Niel, par 137 voix contre 6. "Non à Safa ! C'est le message fort et clair qui a été délivré par les journalistes", ont insisté les rédactions du groupe dans un communiqué vendredi soir, en annonçant leur décision de cesser le travail. Une décision qui devrait entraîner l'absence dans les kiosques samedi des titres Nice-Matin, Var-Matin et Monaco-Matin.

Car avec ce vote pour Iskandar Safa, et la dénonciation du pacte d'actionnaires qu'il entraîne de fait, les journalistes craignent désormais que le groupe soit "plongé dans une bataille judiciaire longue, coûteuse et incertaine". "Nous sommes face à deux vérités", a jugé Denis Carreaux, le directeur des rédactions du groupe, auprès de l'AFP : "La vérité juridique et économique, qui fait que le pacte d'actionnaires donne un droit de préemption à Xavier Niel sur les 66% du capital détenus par la SCIC, au 1er février 2020. Et la vérité de l'assemblée générale." 

La réaction de Xavier Niel au rejet de son offre par les salariés n'était pas encore connue vendredi soir. Dans un courrier aux salariés du groupe, jeudi, le patron de Free avait pourtant tenté de les amadouer, en précisant notamment qu'il était disposé à proposer "un prix supérieur" aux 925.000 euros prévus par le pacte d'actionnaires pour le rachat des 66% détenus par la SCIC. Dans ce courrier envoyé aux coopérateurs de la SCIC, à Jean-François Roubaud, le président du conseil de surveillance du groupe Nice Matin, et à Jean-Marc Pastorino, Xavier Niel soulignait de même que les salariés qui souhaiteraient rester actionnaires pourraient le faire, à hauteur de 10 à 20% maximum. 

Des enjeux politiques à l'approche des municipales

Le feuilleton va donc continuer autour de Nice-Matin. Il avait démarré début mars avec l'ouverture d'une procédure de sauvegarde visant le journal, et ce à la demande de ses dirigeants, lassés des actionnaires belges de Nethys, qualifiés d'"absents". À un an des élections municipales, avec un possible duel entre Christian Estrosi, le maire LR de la ville, et son ancienne éminence grise, Eric Ciotti, cette lutte pour le contrôle de Nice-Matin sera en tous cas scrutée attentivement sur la côte d'Azur.

Déjà candidat à la reprise de Nice-Matin en 2014, avec d'autres partenaires, Iskandar Safa est lié à la famille Leroy, qui dirige la mairie de Mandelieu-La Napoule depuis près de 25 ans et incarne l'aile dure de la droite LR, la tendance du député Ciotti. Xavier Niel, lui, est souvent présenté comme proche d'Emmanuel Macron. Et Christian Estrosi, étiqueté "Macron-compatible", a encore appelé les Républicains début juin à travailler dans des "coalitions avec la majorité présidentielle".