INTERVIEW - Martin Weill en reportage à Séoul : «Le monde entier a les yeux braqués sur la Corée»

Martin Weill à Séoul
Martin Weill a passé deux semaines en Corée du Sud pour réaliser son reportage "Séoul, la fabrique du cool" © TMC
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Solène Delinger / Crédit photo : TMC , modifié à
TMC diffuse ce mardi soir à 21h25 "Séoul : la fabrique du cool", un reportage inédit de Martin Weill dans la capitale sud-coréenne. Le journaliste a passé deux semaines à Séoul pour comprendre la force de frappe culturelle de la Corée à l'international et explorer les coulisses de son industrie ultra-compétitive.

K-pop, K-drama, K-food, K-fashion, K-beauty... Depuis quelques années, la vague coréenne déferle sur la planète. Fini l'American Dream, place au Korean Dream ! Beaucoup de jeunes étrangers, biberonnés aux sons de BTS, rêvent de s'installer en Corée du Sud pour percer dans l'industrie culturelle. Leur objectif ? Devenir des "idoles", des célébrités qui savent absolument tout faire : chanter, danser, jouer la comédie...

Mais ce rêve a un prix : celui de la perfection absolue. À Séoul, il faut devenir la meilleure version de soi-même pour avoir une chance de réussir. Cette quête passe par un travail acharné et... quelques coups de bistouri. Un revers de la médaille qu'a observé Martin Weill... Le journaliste raconte à Europe 1 son voyage passionnant à "Séoul, la ville du cool".

Quelle image de la Corée du Sud aviez-vous avant de faire ce voyage ? 

J'y étais déjà allé il y a quelques années pour faire un sujet qui était axé sur l'apparence, la beauté et le culte de la perfection. J'avais donc une image de la Corée à travers ce prisme-là, mais je n'y avais pas passé autant de temps. Au-delà de ce voyage, je pense que la Corée représentait pour moi, et c'est le cas de beaucoup de Français, un grand point d'interrogation parce qu'on consomme tous de plus en plus de contenus coréens. Moi, je suis passé un peu à côté de la K-pop, mais j'ai regardé Squid Game et j'ai vu le film Parasite. J'aime la nourriture et l'esthétique coréennes. 

Pourquoi avoir décidé de s'intéresser maintenant à la Corée du Sud ?

On a eu envie de faire ce reportage parce que le monde entier a aujourd'hui les yeux braqués sur la Corée. Les "K" se déclinent à l'infini, la K-pop, la K-beauty, la K-food... Et tout ce qui a ce "K" devant attire énormément. Tout un tas d'univers s'intéressent à la Corée et ont l'impression que c'est là-bas que ça se passe. C'est notamment le cas pour l'industrie de la mode : Louis Vuitton a délocalisé son défilé à Séoul et les idoles de la K-pop sont quasiment toutes égéries de grandes marques de luxe. On s'est aussi intéressé à la Corée parce que c'est une société très intéressante où tout n'est pas toujours tout rose... 

On le voit effectivement très rapidement dans votre reportage : la société coréenne est ultra-compétitive...

En Corée, l'ultra-compétitivité est inculquée dès le plus jeune âge. Selon eux, c'est grâce à ça qu'il y a eu des "miracles coréens". Il ne faut pas oublier que la Corée est un petit pays de 52 millions d'habitants, dont la culture a failli quasiment disparaître après l'occupation japonaise, entre 1910 et 1945. En l'espace de quelques dizaines d'années, il y a eu un miracle coréen à la fois économique, culturel et technologique. C'est évidemment une fierté absolue pour eux. Le corollaire de cette immense succès est une société qui est très dure, bien plus dure que chez nous ou qu'aux États-Unis. Avec cette idée : si tu réussis, c'est grâce à toi, si tu ne réussis pas, c'est ta faute, c'est parce que tu n'as pas assez travaillé. Malheureusement, ça crée énormément de mal-être. La Corée est d'ailleurs un des pays avec le taux de suicide le plus élevé au monde. 

La notion d'épanouissement personnel existe-t-elle en Corée ? 

Elle existe beaucoup moins que chez nous. Il y a quand même des choses intéressantes en Corée que nous illustrons dans le reportage avec Moon la rappeuse. On se retrouve dans une rue où il y a un photomaton, une salle d'arcade et un karaoké. Un des amis de Moon nous dit d'ailleurs que le karaoké est devenu une sorte de sport national chez parce que ça leur permet de se lâcher et décompresser. Donc, ils ont besoin d'avoir ces soupapes, mais elles sont très ponctuelles. Ils vont aller s'éclater pour oublier. En revanche, l'idée de bosser un petit peu moins, d'avoir plus de loisirs et des journées de travail moins importantes n'existe pas encore. Mais les choses peuvent changer, car la jeune génération se rend de plus en plus compte que tout ça peut être vecteur de mal-être. 

Toute une partie de votre documentaire est consacrée à la quête de perfection physique. Des Coréens vous le disent très clairement : pour réussir, il faut être beau. N'est-ce pas également le cas en France, mais de manière moins assumée ? 

Oui, car on vit dans l'ère du culte de l'apparence. Mais en Corée, c'est totalement revendiqué et même industrialisé. Imaginez chez nous, si un responsable des ressources humaines disait à un candidat : "J'ai regardé votre dossier. J'ai regardé celui de votre concurrent. Vous avez le même niveau d'études et les mêmes compétences, mais je vais plutôt prendre l'autre parce qu'il est plus beau". Ça serait un énorme scandale. Là-bas, ce n'est pas le cas. C'est pour ça qu'ils ont autant recours à la chirurgie esthétique, qui est perçue uniquement comme un moyen de devenir la meilleure version de soi-même. Il y a une standardisation du physique acceptable. Pour nous, c'est évidemment un peu choquant, car on essaie de privilégier l'acceptation de soi, et de mettre en avant des physiques différents, qui vont se démarquer. 

Sous son apparente modernité, mise en avant dans les K-drama, la société coréenne reste très conservatrice. Comment l'avez-vous constaté ? 

Beaucoup de Coréennes nous ont dit que les rapports homme-femme étaient très compliqués en Corée. Ce n'est pas surprenant quand on sait que 60% des jeunes hommes estiment que le féminisme est trop radical. Il en est de même pour les droits de la communauté LGBT. Le seul groupe de K-pop ouvertement queer a été censuré à la télévision publique. Tout ça est en inadéquation avec l'image qu'on peut avoir de la Corée via les productions culturelles, qui dépeignent une société moderne et progressiste. Mais il faut bien comprendre que ces questions d'égalité se posent depuis très peu de temps. Le jeune garçon homosexuel que j'ai interrogé m'a dit : "Les gens de la génération de mon père ne savaient même pas ce qu'était un homosexuel". Il faudra voir dans 10-15 ans si la société coréenne aura évolué sur ces sujets. 

Maintenant que vous connaissez bien le pays, pensez-vous que vous pourriez y vivre ?

Très bonne question (Rires). Honnêtement, je ne sais pas. J'adore aller dans des tas d'endroits et c'est pour ça que je fais ce métier. J'aurais peut-être envie d'y retourner pour découvrir d'autres endroits que Séoul, mais je ne suis pas sûr que je voudrais m'y installer. Je ne sais pas si je pourrais accepter toute cette pression. 

Est-ce que vous vous êtes remis de votre soin du visage coréen ? Vous aviez l'air totalement tétanisé pendant la séquence... 

Oui, je m'en suis enfin remis (Rires) ! Chacun a ses petites phobies et ça, c'est la mienne. Je déteste qu'on me touche le visage depuis que je suis tout petit. Quand j'ai fait le soin, je me suis dit que j'avais vraiment bien fait de demander la version light. Souffrir pour être beau, ce n'est pas pour moi (Rires) !