"Escobar, un héritage maudit" : une série documentaire inédite sur la vie de Juan Pablo Escobar

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Mathilde Durand
Dans "Escobar, un héritage maudit", diffusé ce vendredi sur RMC Story, Juan Pablo Escobar, fils du baron de la drogue colombien, se livre sur sa vie hors-normes, marquée par la violence, l'exil et la drogue. Des archives et témoignages inédits pour une série de quatre épisodes que raconte sur Europe 1 Thomas Misrachi, co-réalisateur. 
INTERVIEW

Comment avoir une vie et se reconstruire quand on est le fils du trafiquant de drogue le plus connu et le plus terrifiant du vingtième siècle ? Dans la série documentaire Escobar, l'héritage maudit, Juan Pablo Escobar, fils du chef du cartel de Medellín, se raconte sous un angle inédit. Témoignages exclusifs et archives inédites retracent la vie du fils du baron de la drogue, assassiné en 1993, dans une série documentaire de quatre épisodes à découvrir vendredi à 21h05 sur RMC Story. Thomas Misrachi, co-réalisateur avec David Perissere, revient au micro d'Europe 1 sur sa rencontre avec Juan Pablo Escobar et sur leur collaboration.

Une rencontre autour... des motos

"Il y a un peu plus de trois ans, j'ai interviewé Juan Pablo Escobar. Il était à Paris pour faire la promotion de son livre sur son père. Je me suis rendu à l'interview avec un casque de moto et on a commencé à parler de moto", raconte le journaliste. "Je restaurais à l'époque une vieille BMW des années 1970, lui avait récupéré une Guzzi de son père, qui venait d'un général de Mussolini." Après des échanges par messages sur les deux-roues, un lien se crée. Juan Pablo lui propose un road-trip en Colombie. "Je me suis dit : le fils de Pablo Escobar qui est en train de me proposer de faire un trip à moto avec lui en Colombie, il doit y avoir quelque chose à faire."

Cette rencontre est le début d'une longue collaboration : deux ans de préparation, onze semaines de tournage, un an de montage pour aboutir à un documentaire en quatre épisodes sous un angle novateur : le fils. "Comment survit-on au meilleur père du monde, qui est aussi le pire des salauds ?", interroge Thomas Misrachi. "C'est vrai pour Pablo Escobar mais c'est aussi vrai pour chacun d'entre nous : comment se construire par rapport au père ?"

Au fil des épisodes, le spectateur découvre la vie hors-normes d'un enfant qui vit dans "un monde de rêve", qui cache un véritable enfer. Vêtements de luxe, hélicoptères, voitures : la vie des Escobar est démesurée, alimentée par l'argent du trafic. Un univers doré dans lesquelles la drogue et la violence planent comme une ombre pour le jeune Juan Pablo. "Il a un père qui est le meilleur père du monde, aimant, qui l'éduque, qui le met en garde contre la drogue, qui le gronde quand il n'est pas bon à l'école. Et en même temps, ce père, c'est un monstre", explique le réalisateur. "C'est un gars qui est responsable de la mort de 45.000 personnes. C'est le baron de la cocaïne dans le monde. Et le gamin, il perçoit ce problème."  

Des témoignages inédits

Tout bascule le 2 décembre 1993, quand Pablo Escobar meurt. Jeune, sous le coup de la colère et de la tristesse, Juan Pablo jure devant les caméras de se venger. Une phrase impulsive qui lui vaudra vingt-cinq ans d'exil et un changement d'identité pour échapper aux cartels ennemis. Il devient Sebastián Marroquín, exerce la profession d'architecte. Il déménage au Mozambique, puis en Argentine. "C'était une réaction normale pour n'importe quel gamin de cet âge-là. Sauf que lui, c'est le fils de Pablo Escobar et que son père est la personne qui, à ce moment là dans son pays, a le plus d'ennemis possible. Donc il s'auto-condamne et il va devoir aller négocier avec le cartel de Cali en personne pour sa vie", raconte Thomas Misrachi. "Et on a rencontré à cette occasion le fils du chef du cartel de Cali qui s'appelle Miguel Rodriguez, et les deux se sont retrouvés devant nos caméras pour la première fois."

 

Car la force de ce documentaire réside dans les nombreux témoignages inédits, de Juan Pablo dans un premier temps mais également de sa femme María Ángeles Sarmiento, qu'il connait depuis qu'il a 13 ans et qui a vécu à ses côtés la chute de Pablo Escobar, puis la fuite pour échapper aux ennemis de son père et enfin l'exil. On retrouve également une interview de l'avocat qui s'est occupé de l'héritage de la famille du chef de cartel, ou encore d'anciens policiers, gardes du corps ou journalistes. Des sources précieuses qu'il a fallu convaincre de l'intérêt du projet.

"C'était important qu'on parle à tout le monde, les amis et les ennemis"

"Pour interviewer les Colombiens qui travaillent toujours en compagnie de narcos, soit de la famille Escobar, soit qui ont connu cette période-là, il faut de la confiance", souligne le journaliste." On les a tous contactés avant. On leur a parlé régulièrement et je suis allé plusieurs fois là-bas pour les rencontrer, pour serrer la main, pour aller boire des cafés, pour les inviter au resto, pour discuter avec eux, pour leur expliquer l'idée de notre projet. Nous, c'était important qu'on parle à tout le monde, les amis et les ennemis." Juan Pablo a également donné l'accès à ses archives personnelles : 47 albums photos cachés dans un local secret sous un parking de Medellín, des vidéos exclusives de scènes de vie de la famille Escobar retrouvées et restaurées.

Aujourd'hui, Juan Pablo Escobar ne se cache plus et utilise son nom pour donner des conférences et signer des livres. Son dernier ouvrage en date "Ce que mon père ne m'a jamais dit" sort mercredi dans les librairies françaises. Un nom de famille qui "fait vendre" certes, mais qu'il compte utiliser pour la paix, assumant cette ambivalence. "Lui, ce qu'il fait et que les autres ne font pas, c'est qu'il explique qui était son père. Il explique ce que la drogue a fait à sa famille, les ravages qu'a fait son père pour la paix dans son pays et donc il utilise son nom aujourd'hui pour faire le bien. C'est un peu sa vengeance par rapport à son père", assure Thomas Misrachi, qui raconte que dans le quartier de Medellin, il a vu des enfants s'agenouiller devant le fils de ce baron de la drogue, adulé par les plus pauvres pour ses actions caritatives dans les années 1980 et 1990, mais haï par le reste de la Colombie qui souhaiterait effacer cet héritage embarrassant. Pour Juan Pablo, qui souhaite qu'on cesse de glorifier son père, le combat est encore long.